RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE JEANNE REMY VVE ANDRE TUAILLON
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE JEANNE REMY VVE ANDRE TUAILLON
En 39, j’habitais déjà ici, rue de l'Ascensement. Je venais de monter mon petit commerce dans la rue de l'église ou je faisais de la confection. J'étais seulement mariée et venait d'avoir Jacky.
En 1940, avec la débâcle de l'armée Française, un soldat de l'armée de 40 voulait retourner chez lui. Il était originaire de Mirecourt. Il m'a demandé des habits, je n'ai pas pu lui en donner puisque mon mari, André Tuaillon, n'avait qu'un seul costume. Nous n'étions pas riches.
André était mobilisé vers la Belgique. Il était avec un Alsacien. Lorsque les Allemands sont arrivés avec leur char, l'Alsacien a été écrasé. André a réussi à s'enfuir, il s'est retrouvé dans le midi où je sais qu'il a fait les vendanges.
Avec l'arrivée des Allemands à Rupt, nous sommes allées nous réfugier chez Henri Vançon au dessus de Rupt. Mon gamin Jacky n'avait qu'un an.
Les soldats français avaient mis un barrage dans la rue de l'Ascensement, juste à côté de chez nous, devant la cité Colle. Le 20 juin, ce barrage a été remarqué. Il paraît que c'est l'aviation italienne qui a mitraillé le secteur. Notre maison, qui était une ferme et où demeuraient aussi mes parents a été incendiée. Mon commerce de la rue de l'église a également brûlé, donc je n'avais plus rien où habiter.
Quelque temps plus tard, je suis redescendue vivre au village. J'avais une pièce ou deux dans l'habitation de Pierre Gigant située à côté du Café de la Moselle. Comme je n'avais plus rien du tout, je suis allée chez Emile Courroy à Rupt, le père du sénateur, pour acheter quelques affaires.
Comme je ne cherchais que l'essentiel, Mme Courroy, la mère de Louis Courroy m'a dit de prendre tout ce dont j'avais besoin. Je lui ai dit que je ne prendrais qu'en fonction de mes moyens. Elle m'a répondu qu'elle me donnait le reste.
Vous savez, à Rupt, c'est incroyable comme les gens étaient solidaires à ce moment-là.
Je me souviens que chez Gigant, la nuit, on ne dormait pas beaucoup, les Allemands venaient rafler dans leur magasin. Je vous assure qu'on ne vivait pas tranquillement.
Mme Courroy m'a trouvé du travail. Les Allemands avaient occupé leur restaurant à la croisée des routes pour faire leur Quartier Général. J'ai donc été employée là à laver les sols pour gagner deux ou trois sous, il fallait bien vivre. J'emmenais mon petit gamin avec moi. Je me souviens que le soldat qui montait la garde devant chez Courroy, dans sa guérite, donnait souvent une grappe de raisins pour Jacky. Les Allemands qui étaient là étaient instruits et très corrects, ils ne m’ont jamais fait de mal.
Mon mari a appris que j'avais été sinistrée par le Gendarme Athier qui habitait avec sa femme à côté de chez nous. Il était en poste à Xertigny et venait d'être affecté dans le midi où il a retrouvé André. J'avais aussi un passeur de courrier. Je crois que c'était Rose Broquerie. Je mettais un billet de cinq francs dans l'enveloppe, je l'envoyais sur Lyon et de là, l'enveloppe était ré-adressée aux gendarmes dans le midi qui la remettaient à mon mari.
Je suis restée environ deux mois chez Gigant, ensuite la commune m'a trouvé un logement inoccupé à l'étage de la cité Colle, dans la Rue de l'Ascensement. Je suis venue habiter là avec mes parents.
Mon mari a passé ensuite la ligne de démarcation et est revenu à Rupt. Lorsqu'il est revenu, je ne l'ai pas reconnu tout de suite, il avait les habits déchirés de partout. Par la suite il allait tirer de la tourbe aux dessus de Rupt pour faire tourner les usines Wittmann.
Mon frère André Remy, qui avait été fait prisonnier, est mort à Berlin en Allemagne. Il a été électrocuté, on ne sait pas comment. C'est le curé du Val D'Ajol qui devait être avec lui là-bas qui nous l'a appris par la suite.
Après la guerre, au cimetière militaire du Bennevise, je me suis occupée de la tombe du soldat Gilbert Giroux, un sergent du 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisien, qui était le fils d’un industriel de Grenoble. Il avait été tué le 16 octobre 1944 à la tête du Rondfaing, près de la ferme de la Boudotte, sur les dessus de Cornimont. Je me suis aussi occupée de la tombe de deux Tabors.
En 1944, nous allions nous réfugier dans la cave de chez Colé, à côté de l'église. Lorsque c'est devenu trop dangereux, nous sommes remontés nous réfugier à nouveau chez Vançon au dessus de Rupt. Nous étions là lorsque les Américains sont arrivés en longeant le ruisseau. Au départ, papa croyait qu'il s'agissait d'Allemands, après il était tellement content de voir arriver des Américains qu'il leur a offert sa petite paire de jumelles. (Le village de Rupt Sur Moselle est libéré à compter du 24 septembre 1944 – Ndr).
Après la guerre, avec le peu d'argent que j'avais touché en dommage de guerre, j'ai pu remonter mon commerce dans la maison que mes parents avaient reconstruite, sur les ruines de l'ancienne ferme. Autant dire que j'ai tout recommencé à zéro.
(Selon un article de presse datant de 2005, le bilan de la guerre pour la commune de Rupt sur Moselle se décompose comme suit:
– 13 morts civils - 22 militaires morts - 166 prisonniers - 114 STO - 5 ponts détruits -
– 1 usine détruite - 21 immeubles détruits - 12 autos et 2 motos volées - de nombreux pillages. Ndr)
Il y a quelque temps, une dame qui venait d'Epinal, voulait déjà savoir ce que j'avais vécu pendant la guerre. Je n'ai pas pu lui parler, je ne faisais que de pleurer. C'est toujours aussi dur pour moi de revivre ces moments-là.
En 1940, avec la débâcle de l'armée Française, un soldat de l'armée de 40 voulait retourner chez lui. Il était originaire de Mirecourt. Il m'a demandé des habits, je n'ai pas pu lui en donner puisque mon mari, André Tuaillon, n'avait qu'un seul costume. Nous n'étions pas riches.
André était mobilisé vers la Belgique. Il était avec un Alsacien. Lorsque les Allemands sont arrivés avec leur char, l'Alsacien a été écrasé. André a réussi à s'enfuir, il s'est retrouvé dans le midi où je sais qu'il a fait les vendanges.
Avec l'arrivée des Allemands à Rupt, nous sommes allées nous réfugier chez Henri Vançon au dessus de Rupt. Mon gamin Jacky n'avait qu'un an.
Les soldats français avaient mis un barrage dans la rue de l'Ascensement, juste à côté de chez nous, devant la cité Colle. Le 20 juin, ce barrage a été remarqué. Il paraît que c'est l'aviation italienne qui a mitraillé le secteur. Notre maison, qui était une ferme et où demeuraient aussi mes parents a été incendiée. Mon commerce de la rue de l'église a également brûlé, donc je n'avais plus rien où habiter.
Quelque temps plus tard, je suis redescendue vivre au village. J'avais une pièce ou deux dans l'habitation de Pierre Gigant située à côté du Café de la Moselle. Comme je n'avais plus rien du tout, je suis allée chez Emile Courroy à Rupt, le père du sénateur, pour acheter quelques affaires.
Comme je ne cherchais que l'essentiel, Mme Courroy, la mère de Louis Courroy m'a dit de prendre tout ce dont j'avais besoin. Je lui ai dit que je ne prendrais qu'en fonction de mes moyens. Elle m'a répondu qu'elle me donnait le reste.
Vous savez, à Rupt, c'est incroyable comme les gens étaient solidaires à ce moment-là.
Je me souviens que chez Gigant, la nuit, on ne dormait pas beaucoup, les Allemands venaient rafler dans leur magasin. Je vous assure qu'on ne vivait pas tranquillement.
Mme Courroy m'a trouvé du travail. Les Allemands avaient occupé leur restaurant à la croisée des routes pour faire leur Quartier Général. J'ai donc été employée là à laver les sols pour gagner deux ou trois sous, il fallait bien vivre. J'emmenais mon petit gamin avec moi. Je me souviens que le soldat qui montait la garde devant chez Courroy, dans sa guérite, donnait souvent une grappe de raisins pour Jacky. Les Allemands qui étaient là étaient instruits et très corrects, ils ne m’ont jamais fait de mal.
Mon mari a appris que j'avais été sinistrée par le Gendarme Athier qui habitait avec sa femme à côté de chez nous. Il était en poste à Xertigny et venait d'être affecté dans le midi où il a retrouvé André. J'avais aussi un passeur de courrier. Je crois que c'était Rose Broquerie. Je mettais un billet de cinq francs dans l'enveloppe, je l'envoyais sur Lyon et de là, l'enveloppe était ré-adressée aux gendarmes dans le midi qui la remettaient à mon mari.
Je suis restée environ deux mois chez Gigant, ensuite la commune m'a trouvé un logement inoccupé à l'étage de la cité Colle, dans la Rue de l'Ascensement. Je suis venue habiter là avec mes parents.
Mon mari a passé ensuite la ligne de démarcation et est revenu à Rupt. Lorsqu'il est revenu, je ne l'ai pas reconnu tout de suite, il avait les habits déchirés de partout. Par la suite il allait tirer de la tourbe aux dessus de Rupt pour faire tourner les usines Wittmann.
Mon frère André Remy, qui avait été fait prisonnier, est mort à Berlin en Allemagne. Il a été électrocuté, on ne sait pas comment. C'est le curé du Val D'Ajol qui devait être avec lui là-bas qui nous l'a appris par la suite.
Après la guerre, au cimetière militaire du Bennevise, je me suis occupée de la tombe du soldat Gilbert Giroux, un sergent du 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisien, qui était le fils d’un industriel de Grenoble. Il avait été tué le 16 octobre 1944 à la tête du Rondfaing, près de la ferme de la Boudotte, sur les dessus de Cornimont. Je me suis aussi occupée de la tombe de deux Tabors.
En 1944, nous allions nous réfugier dans la cave de chez Colé, à côté de l'église. Lorsque c'est devenu trop dangereux, nous sommes remontés nous réfugier à nouveau chez Vançon au dessus de Rupt. Nous étions là lorsque les Américains sont arrivés en longeant le ruisseau. Au départ, papa croyait qu'il s'agissait d'Allemands, après il était tellement content de voir arriver des Américains qu'il leur a offert sa petite paire de jumelles. (Le village de Rupt Sur Moselle est libéré à compter du 24 septembre 1944 – Ndr).
Après la guerre, avec le peu d'argent que j'avais touché en dommage de guerre, j'ai pu remonter mon commerce dans la maison que mes parents avaient reconstruite, sur les ruines de l'ancienne ferme. Autant dire que j'ai tout recommencé à zéro.
(Selon un article de presse datant de 2005, le bilan de la guerre pour la commune de Rupt sur Moselle se décompose comme suit:
– 13 morts civils - 22 militaires morts - 166 prisonniers - 114 STO - 5 ponts détruits -
– 1 usine détruite - 21 immeubles détruits - 12 autos et 2 motos volées - de nombreux pillages. Ndr)
Il y a quelque temps, une dame qui venait d'Epinal, voulait déjà savoir ce que j'avais vécu pendant la guerre. Je n'ai pas pu lui parler, je ne faisais que de pleurer. C'est toujours aussi dur pour moi de revivre ces moments-là.
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
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