RAMONCHAMP - SOUVENIR DE MARGUERITE CLAUDEL
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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RAMONCHAMP - SOUVENIR DE MARGUERITE CLAUDEL
Je suis née à Ramonchamp. Lorsque ma mère s'est mariée, son mari m'a reconnue et est devenu mon père. Maman est décédée en 31, j'avais 12 ans. Mon père est donc reparti à La Bresse d'où il était originaire et je l'ai suivi, par la force des choses. J'ai donc commencé à travailler à l'usine, au bas de la Bresse le jour de mes 13 ans.
En 1939, je me trouvais toujours à La Bresse, j'avais 20 ans.
Papa s'est mis en ménage avec une dame avec qui je ne m'entendais pas. Un soir de 1939, ma marâtre a trouvé que j'étais revenue à la maison trop tard à son goût, elle a fermé la porte à clé et ne m'a plus laissée entrer. J'ai donc pris la décision de partir, de nuit, à pied et je suis revenue à Ramonchamp.
Je me souviens encore que j'ai quitté La Bresse à 3 heures du matin et que je suis arrivée à Ramonchamp vers sept, huit heures. Je suis allée me réfugier chez mon oncle Camille Burey. Il m'a dit qu'il voulait bien m'héberger mais qu'il fallait que je trouve un travail. J'ai trouvé un emploi chez Camille et Pierre France, deux frères qui tenaient l'usine textile qui se trouvait derrière la mairie de Ramonchamp et qui n'existe plus aujourd'hui.
En 1940, je me souviens de prisonniers français de passage à pied à Ramonchamp. On ne comprenait pas qu'ils ne cherchent pas à s'enfuir. Parmi eux il y avait des gars de Cornimont. Je les connaissais bien, ils ne sont jamais revenus.
Je ne gagnais pas grand chose alors, en plus de l'usine, j'allais laver le linge chez les gens, même celui des militaires. Je lavais des fois à la Moselle, des fois dans des bassins, à l'eau froide. Je repassais aussi chez des particuliers.
La guerre est arrivée, on n’avait pas de sous, pas de bois pour se chauffer, pas grand chose à manger. Je dis toujours aux jeunes: « je ne vous raconterai pas ma vie, vous ne me croiriez pas! ».
Mon oncle a été réquisitionné, il est parti je ne sais pas où dans le midi alors j'ai déménagé pour venir habiter dans une petite cité, en face des HLM de La Meix où se trouvait ma grand-mère, Delphine Burey.
Je remercierai toujours la Boucherie Creusot de Ramonchamp. Ils m'ont bien aidée, ainsi que les parents de l'infirmière Monique Faivre (Scierie Colle, puis Colin, puis Galmiche maintenant à Remanvillers - Ndr). Ils ont été bien gentils avec moi et m'ont beaucoup aidée.
Comme je travaillais à l'usine, j'avais droit à des tickets de vin avec les cartes d'alimentation. J'échangeais ces tickets de vin contre des pommes de terre dans les fermes.
Plus tard, j'ai vu devant chez Camille France tout un groupe de gamins allemands qui étaient soldats. Ils avaient 16 ou 17 ans, ils n'en pouvaient plus. Les pauvres jeunes dormaient à même le sol.
Je me souviens de ce jour de 43 où 44 où une douzaine d'hommes en civil attendaient en bordure de la route, le long de la voie de chemin de fer, devant chez moi. Avec les copines, nous étions allées les voir pour savoir ce qu'ils faisaient là. Ils nous ont répondu qu'ils ne pouvaient rien nous dire et qu'on verrait bien le lendemain. Le lendemain on a su qu'il s'agissait de résistants qui étaient venus pour attraper un collabo qui habitait dans le secteur. Ce collabo, qu'on connaissait tous, a été retrouvé par la suite au fond d'un puits.
Les soldats allaient contrôler tous les jours les mines allemandes qui avaient été disposées près de la “caisse d'eau”, une réserve qui avait été mise en place, en face de la Cure.
Je me souviens du Lieutenant BREMONT, originaire de Paris. Il était sympathique, il avait trouvé quatre poules au café de la gare et voulait que je lui fasse un repas pour ses copains pour fêter ses 37 ans. Il est allé contrôler les mines et en a déclenché une. Je me souviens qu'ils l'ont ramené chez Camille France, malgré ses épaisseurs d'habits, il était troué de partout. Il est mort à l'hôpital de Lure.
Un matin, des Allemands sont arrivés avec leurs mitrailleuses. Ils se sont installés chez nous et se sont postés aux fenêtres avec leurs armes. Ils attendaient selon eux des maquisards, mais il ne s'est rien passé ce jour là. Ils faisaient comme ils voulaient les Allemands, on ne pouvait pas les empêcher d'entrer. Ils avaient réquisitionné la maison d'à côté, chez Jules Alphonse.
Les gens du secteur passaient les nuits dans l'aqueduc qui passait en dessous de la voie de chemin de fer. On rentrait dedans à plat ventre et on couchait là, tous un au bout de l'autre, pour nous protéger des bombardements.
A la libération, je faisais aussi le ménage chez mon patron. Les soldats français mangeaient là. Il y a eu un bombardement. Les soldats se sont réfugiés à la cave, moi j'étais restée à l'étage. Ça tiraillait dans tous les coins, les vitres volaient en éclats. Je me suis cachée sous la porte de la cuisinière, autant dire que je n'étais pas beaucoup protégée. J'ai reçu des éclats d'obus. Un éclat m'avait coupé la joue, un autre s'était fiché dans mon poignet. J'ai été conduite à bord d'une jeep au poste de la croix rouge qui se tenait à la salle St Nicolas à Ferdrupt. C'est là que j'ai été soignée. Je me souviens avoir fait le trajet avec le bras en l'air, je souffrais vraiment.
Les derniers mois de la guerre ont été très durs. Nous n'avions plus rien à manger. Ma grand-mère qui était forte, avait maigri comme neige au soleil. A l'arrivée des soldats français, ils m'ont dit qu'il ne fallait pas la laisser comme ça. Ils l'ont placée sur une chaise et mise à l'arrière d'un camion. Ils m'ont simplement dit qu'ils la transportaient dans un hôpital à Lure. Je n'ai plus eu de nouvelles d'elle.
Lorsque j'ai été soignée à l'infirmerie de Ferdrupt, j'ai fait la connaissance d'un soldat qui était dans la légion étrangère. Il s'appelait Felix Tureck, il avait des origines polonaises. Il logeait avec ses camarades dans une petite maison au dessus de l'église de Ferdrupt. Nous nous sommes fréquentés un mois de temps mais il a dû partir afin de poursuivre les combats en Alsace. Ce qui devait arriver arriva et je suis tombée enceinte de lui. Probablement que Félix a été tué, je n'ai plus jamais eu de nouvelle de lui. Je compte sur internet pour retrouver sa trace. Avant que l'on ne se quitte, il m'a laissé sa montre à gousset, je l'ai toujours et je compte un jour la remettre à mon fils qui n'a jamais connu son père.
Après la libération, j'ai entamé des démarches pour retrouver ma grand-mère. Je suis allée faire les hôpitaux et tous les cimetières entre Lure et Luxeuil avec un vieux vélo, mais sans succès. Ce n'est que longtemps après que j'ai appris qu'elle était décédée à l'hôpital de Remiremont. Comme tous les services étaient désorganisés, les informations n'avaient pas été communiquées à la mairie de Ramonchamp.
Beaucoup plus tard, les médecins ont vu que j'avais encore un éclat d'obus dans le dos. Je vis toujours avec. C’est peut être grâce à ça que j'ai attrapé une santé de fer et que je suis encore là.
En 1939, je me trouvais toujours à La Bresse, j'avais 20 ans.
Papa s'est mis en ménage avec une dame avec qui je ne m'entendais pas. Un soir de 1939, ma marâtre a trouvé que j'étais revenue à la maison trop tard à son goût, elle a fermé la porte à clé et ne m'a plus laissée entrer. J'ai donc pris la décision de partir, de nuit, à pied et je suis revenue à Ramonchamp.
Je me souviens encore que j'ai quitté La Bresse à 3 heures du matin et que je suis arrivée à Ramonchamp vers sept, huit heures. Je suis allée me réfugier chez mon oncle Camille Burey. Il m'a dit qu'il voulait bien m'héberger mais qu'il fallait que je trouve un travail. J'ai trouvé un emploi chez Camille et Pierre France, deux frères qui tenaient l'usine textile qui se trouvait derrière la mairie de Ramonchamp et qui n'existe plus aujourd'hui.
En 1940, je me souviens de prisonniers français de passage à pied à Ramonchamp. On ne comprenait pas qu'ils ne cherchent pas à s'enfuir. Parmi eux il y avait des gars de Cornimont. Je les connaissais bien, ils ne sont jamais revenus.
Je ne gagnais pas grand chose alors, en plus de l'usine, j'allais laver le linge chez les gens, même celui des militaires. Je lavais des fois à la Moselle, des fois dans des bassins, à l'eau froide. Je repassais aussi chez des particuliers.
La guerre est arrivée, on n’avait pas de sous, pas de bois pour se chauffer, pas grand chose à manger. Je dis toujours aux jeunes: « je ne vous raconterai pas ma vie, vous ne me croiriez pas! ».
Mon oncle a été réquisitionné, il est parti je ne sais pas où dans le midi alors j'ai déménagé pour venir habiter dans une petite cité, en face des HLM de La Meix où se trouvait ma grand-mère, Delphine Burey.
Je remercierai toujours la Boucherie Creusot de Ramonchamp. Ils m'ont bien aidée, ainsi que les parents de l'infirmière Monique Faivre (Scierie Colle, puis Colin, puis Galmiche maintenant à Remanvillers - Ndr). Ils ont été bien gentils avec moi et m'ont beaucoup aidée.
Comme je travaillais à l'usine, j'avais droit à des tickets de vin avec les cartes d'alimentation. J'échangeais ces tickets de vin contre des pommes de terre dans les fermes.
Plus tard, j'ai vu devant chez Camille France tout un groupe de gamins allemands qui étaient soldats. Ils avaient 16 ou 17 ans, ils n'en pouvaient plus. Les pauvres jeunes dormaient à même le sol.
Je me souviens de ce jour de 43 où 44 où une douzaine d'hommes en civil attendaient en bordure de la route, le long de la voie de chemin de fer, devant chez moi. Avec les copines, nous étions allées les voir pour savoir ce qu'ils faisaient là. Ils nous ont répondu qu'ils ne pouvaient rien nous dire et qu'on verrait bien le lendemain. Le lendemain on a su qu'il s'agissait de résistants qui étaient venus pour attraper un collabo qui habitait dans le secteur. Ce collabo, qu'on connaissait tous, a été retrouvé par la suite au fond d'un puits.
Les soldats allaient contrôler tous les jours les mines allemandes qui avaient été disposées près de la “caisse d'eau”, une réserve qui avait été mise en place, en face de la Cure.
Je me souviens du Lieutenant BREMONT, originaire de Paris. Il était sympathique, il avait trouvé quatre poules au café de la gare et voulait que je lui fasse un repas pour ses copains pour fêter ses 37 ans. Il est allé contrôler les mines et en a déclenché une. Je me souviens qu'ils l'ont ramené chez Camille France, malgré ses épaisseurs d'habits, il était troué de partout. Il est mort à l'hôpital de Lure.
Un matin, des Allemands sont arrivés avec leurs mitrailleuses. Ils se sont installés chez nous et se sont postés aux fenêtres avec leurs armes. Ils attendaient selon eux des maquisards, mais il ne s'est rien passé ce jour là. Ils faisaient comme ils voulaient les Allemands, on ne pouvait pas les empêcher d'entrer. Ils avaient réquisitionné la maison d'à côté, chez Jules Alphonse.
Les gens du secteur passaient les nuits dans l'aqueduc qui passait en dessous de la voie de chemin de fer. On rentrait dedans à plat ventre et on couchait là, tous un au bout de l'autre, pour nous protéger des bombardements.
A la libération, je faisais aussi le ménage chez mon patron. Les soldats français mangeaient là. Il y a eu un bombardement. Les soldats se sont réfugiés à la cave, moi j'étais restée à l'étage. Ça tiraillait dans tous les coins, les vitres volaient en éclats. Je me suis cachée sous la porte de la cuisinière, autant dire que je n'étais pas beaucoup protégée. J'ai reçu des éclats d'obus. Un éclat m'avait coupé la joue, un autre s'était fiché dans mon poignet. J'ai été conduite à bord d'une jeep au poste de la croix rouge qui se tenait à la salle St Nicolas à Ferdrupt. C'est là que j'ai été soignée. Je me souviens avoir fait le trajet avec le bras en l'air, je souffrais vraiment.
Les derniers mois de la guerre ont été très durs. Nous n'avions plus rien à manger. Ma grand-mère qui était forte, avait maigri comme neige au soleil. A l'arrivée des soldats français, ils m'ont dit qu'il ne fallait pas la laisser comme ça. Ils l'ont placée sur une chaise et mise à l'arrière d'un camion. Ils m'ont simplement dit qu'ils la transportaient dans un hôpital à Lure. Je n'ai plus eu de nouvelles d'elle.
Lorsque j'ai été soignée à l'infirmerie de Ferdrupt, j'ai fait la connaissance d'un soldat qui était dans la légion étrangère. Il s'appelait Felix Tureck, il avait des origines polonaises. Il logeait avec ses camarades dans une petite maison au dessus de l'église de Ferdrupt. Nous nous sommes fréquentés un mois de temps mais il a dû partir afin de poursuivre les combats en Alsace. Ce qui devait arriver arriva et je suis tombée enceinte de lui. Probablement que Félix a été tué, je n'ai plus jamais eu de nouvelle de lui. Je compte sur internet pour retrouver sa trace. Avant que l'on ne se quitte, il m'a laissé sa montre à gousset, je l'ai toujours et je compte un jour la remettre à mon fils qui n'a jamais connu son père.
Après la libération, j'ai entamé des démarches pour retrouver ma grand-mère. Je suis allée faire les hôpitaux et tous les cimetières entre Lure et Luxeuil avec un vieux vélo, mais sans succès. Ce n'est que longtemps après que j'ai appris qu'elle était décédée à l'hôpital de Remiremont. Comme tous les services étaient désorganisés, les informations n'avaient pas été communiquées à la mairie de Ramonchamp.
Beaucoup plus tard, les médecins ont vu que j'avais encore un éclat d'obus dans le dos. Je vis toujours avec. C’est peut être grâce à ça que j'ai attrapé une santé de fer et que je suis encore là.
yves philippe- MODERATEUR
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