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Les collèges de Remiremont et la guerre (1914-1915)

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Les collèges de Remiremont et la guerre (1914-1915) Empty Les collèges de Remiremont et la guerre (1914-1915)

Message par Invité Jeu 12 Fév 2009 - 16:18

Bonjour à tous,
Ne voyant pas d'autre rubrique où poster ce message, je pense donc que sa place est ici. Bonne lecture !

Bien cordialement,
Eric Mansuy

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« A Remiremont, bien que les conditions fussent moins défavorables qu’ailleurs, la rentrée des deux collèges n’allait pas sans difficulté. Pourtant, grâce à l’activité et à l’entente parfaite de la directrice et du principal, Mlle Prévot et M. Basile, la reprise des études se fit dès le premier jour, et jusqu’à la fin de l’année le travail scolaire fonctionna normalement.
Le collège de jeunes filles, tout neuf et admirablement situé, s’offrait pour un hôpital merveilleux ; on s’empressa de l’aménager. Toutefois il fut longtemps sans recevoir de blessés : les premiers ne furent amenés qu’en novembre. La Direction du « Centre hospitalier » avait installé ses bureaux dans une partie du rez-de-chaussée, cabinet de la directrice, etc. : nulle part ailleurs elle ne pouvait être mieux. Dès la fin de septembre, on convint qu’une partie des locaux serait tout de même réservée au collège, avec un dortoir pour son internat. La rentrée put ainsi se faire le 1er octobre, avec 143 élèves (au lieu de 175 l’année précédente), dont 23 internes (au lieu de 38). Puis le chiffre varia, de 153 à 157 au lieu de 183 à 188. C’était un résultat inespéré. Car enfin on entendait souvent le canon, répercuté par les échos des montagnes, de l’autre côté des Vosges, surtout lors des combats de l’Hartmannswillerkopf ; et la ville reçut quelques visites de « taubes », attirés par la présence d’un État-major d’armée.
La directrice, grâce au zèle et au dévouement du personnel, réussit à maintenir toute l’année sans incident fâcheux la cohabitation de son collège et de l’hôpital sous le même toit. Une séparation rigoureuse fut établie ; le réfectoire, il est vrai, servit aux deux ; mais ce fut une question d’horaire, et les repas se succédaient à intervalles convenables ; la cuisine resta commune. On devine cependant les soucis de surveillance de la directrice et de l’économe. Pour les classes, toutes les maîtresses avaient d’elles-mêmes regagné leur poste à la date réglementaire, quelques-unes arrachant à force d’instances le laisser-passer qu’on hésitait parfois à leur signer pour Remiremont : n’était-ce pas les envoyer presque sur la ligne de feu, et dans une ville menacée d’occupation ? Mais ces inquiétudes n’existaient qu’à l’arrière ; on n’en croyait rien en Lorraine.
Le service fut réparti au mieux des intérêts des deux établissements. La directrice fit quelques cours de lettres au collège de garçons, ainsi que Mlle Simon pour l’anglais. En échange, les petits furent réunis aux fillettes dans les classes enfantines, avec Mlles Vautrin et Kaufmann, et Mme Gault. Élèves et maîtresses partagèrent leur temps entre l’étude et les ouvrages manuels, que nécessita la guerre. Les succès aux examens témoignent du bon travail accompli : 18 élèves reçues au brevet élémentaire sur 20 présentées, et 5 sur 6 au brevet supérieur ; 7 sur 8 au certificat de troisième année, et 2 sur 2 au diplôme de fin d’études secondaires. Les études n’ont donc pas souffert de cette préoccupation de travailler pour nos soldats dans les tranchées, ou pour les blessés à qui les enfants venaient distribuer elles-mêmes dans les dortoirs de leur collège confitures et chocolat, livres et journaux. Ces visites seules étaient tolérées : l’hôpital, qui avait son personnel d’infirmiers militaires en suffisance, n’accepta pas les services que nos maîtresses eussent été heureuses de lui rendre. Tout cela, loin de distraire les élèves (et c’eût été une distraction bienfaisante), leur donna plus de sérieux dans l’accomplissement de leurs devoirs. « Cette année, plus que les autres, dit la directrice, aura été féconde en enseignement moral. Le patriotisme de nos enfants est devenu plus conscient. Elles ont apprécié la joie de donner leur argent et surtout leur travail. Elles ont compris la beauté du sacrifice à une cause juste, et de la douleur supportée avec fermeté. »
Le collège de garçons, moins heureux, ne put rouvrir son internat. A la veille même de la guerre, qu’on prévoyait inévitable, la présidente de la Croix-Rouge à Remiremont, Mme Schwartz, s’occupa d’aménager les locaux en hôpital pour les blessés. Le principal, M. Basile, et l’économe, M. Valentin, offrirent leur concours, qu’on accepta et qui fut apprécié. Toutes les ressources de l’établissement furent utilisées, personnel et matériel. Qu’on en juge par ce petit fait : le collège de Remiremont a de beaux ateliers pour le fer, pour le bois, et presque tous les élèves aiment à y travailler ; le directeur, M. Grivel, demanda à ses jeunes menuisiers de monter des tables de nuit et aussi des tablettes pour les malades alités ; en outre les plus habiles tournèrent des béquilles, dont le prix de revient fut de 2 f. 50 la paire ; ils fabriquèrent même des métiers à tricoter, plus de deux cents. Le nombre des blessés ou malades, soignés à cet hôpital, s’éleva à 1.065. Décès : un seul.
Mme Schwartz, reconnaissante au principal de tous ses bons offices, l’aida à trouver au dehors, puisqu’elle lui prenait ses locaux, une maison disponible, où put se faire la rentrée. Celle-ci se fit, le 1er octobre, avec 184 élèves, au lieu de 215 l’année précédente. Ce chiffre s’éleva même à 201 et 202 en décembre et janvier ; puis il baissa un peu, 197, en février et mars, et descendit même à 189, le dernier trimestre à cause du canon. A la session de juillet, 25 élèves se présentèrent au baccalauréat, 19 furent admissibles, et 17 reçus, dont 4 avec la mention assez bien. Le collège avait connu de plus beaux succès ; néanmoins ces résultats restent fort honorables.
Le travail avait été convenable. Le principal y tenait la main, fort bien secondé par les professeurs non mobilisés : 10 sur 18, et un seul répétiteur sur 4. Parmi les mobilisés cependant, M. Basile avait obtenu de l’autorité militaire que plusieurs pussent donner quelques heures de classe au collège : MM. Grivel, Mangin, Duflos. Chacun fit tout son possible. Le professeur d’histoire, M. Desloges, un lettré, un humaniste d’ailleurs, ajouta à son enseignement le latin et le grec en 1re et en 2de. Un maître d’un collège voisin, M. Andrès, de Saint-Dié, vint faire la 4e et la 3e. Enfin l’excellent M. Thierry, principal honoraire, voulut bien reprendre sa classe de philosophie : les élèves venaient chez lui, dans sa petite maison située à une extrémité de la ville ; en été, les leçons se donnèrent plus d’une fois sur la pente de la montagne toute proche, à l’ombre des sapins.
D’autres leçons étaient aussi données à nos jeunes gens par les événements eux-mêmes, et leurs maîtres ne manquaient pas de les commenter. Tous se souviendront, en particulier, de la belle conférence de M. Desloges pour la « Journée Serbe » ; au collège de jeunes filles, une maîtresse, Mlle Huin, qui avait voyagé en Serbie et habité assez longtemps la Russie, put donner aux enfants ses impressions personnelles, singulièrement vivantes. Le même professeur, M. Desloges, remarquant en outre que quelques grands élèves le soir à quatre heures, à peine sortis de classe, allumaient parfois une cigarette, leur fit entendre qu’on fumerait peut-être volontiers aussi là-bas dans les tranchées. Ils comprirent, et se cotisant, ils envoyèrent de leur bourse, à plusieurs reprises, pour plus de 150 francs de tabac à nos soldats, surtout à ceux qu’on connaissait bien, chasseurs à pied et artilleurs de Remiremont.
Mais voici certainement la leçon la plus haute. Un répétiteur du collège, M. Godard, fut blessé à l’ennemi. Un professeur, M. Windenberger, d’origine alsacienne, arrosa de son sang cette terre d’Alsace qui va redevenir nôtre ; il y reçut une grave blessure, mais fut décoré de la médaille militaire. Un autre professeur, M. Maupin, exempté pourtant de toute obligation militaire, n’y put tenir. Lorsqu’il vit que la patrie avait besoin de tous ses enfants, le 6 septembre, il annonça à son principal qu’il s’engageait. Il fut accepté cette fois. Mais ce brave avait trop présumé de ses forces. Il tomba malade, et mourut dans un hôpital de Besançon, le 22 février, à 26 ans, sans avoir eu la joie qu’il rêvait de combattre pour son pays, ni, comme l’a si bien dit M. Basile, « la consolation de tomber face à l’ennemi, au champ d’honneur ». »

Ch. ADAM, Lycées et Collèges pendant la guerre (1914-1915), Nancy, Imprimerie Coubé, 1915.

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