RAMONCHAMP - SOUVENIRS DE PIERRE MARCHAL
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
Page 1 sur 1
RAMONCHAMP - SOUVENIRS DE PIERRE MARCHAL
Étant jeune, j'ai fait du scoutisme, tout en poursuivant mes études pour devenir instituteur. Parallèlement, depuis l'âge de 16 ans, j'étais passionné par la mécanique des postes de radio. J'étais d'ailleurs abonné à une revue qui s'appelait le Haut parleur.
Ces deux loisirs ont leur importance puisqu'ils sont intervenus dans les orientations de mon cursus militaire dont je vais parler par la suite.
Je suis originaire de Fraize ; à l'issue de mes années à l'école normale, j'ai été nommé instituteur à Ramonchamp, alors que je briguais un poste à Gérardmer où une place de cadre était également demandée chez les éclaireurs. J'aurais très bien pu tenir cette place en plus de celui d'instituteur, mais le sort en a décidé autrement.
J'en ai pris mon parti et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans la vallée de la haute Moselle, où je passe ma retraite, c'est vous dire si je m'y plais.
Je suis donc nommé instituteur à Ramonchamp à la fin des grandes vacances 1934, j'avais 20 ans et je ne tarde pas à créer à cet endroit une jeune troupe d'éclaireurs dont fera partie Olivier Rollot, de Ramonchamp, avec qui je bricole également un peu la radiographie.
En effet, durant cette année là, j'étais inscrit aussi à l'école Supérieure de TSF ( Télégraphie Sans Fil), rue de la Lune à Paris.
L'année suivante, je reçois ma convocation au conseil de révision. Étant originaire de Fraize, je suis convoqué dans cette commune le 7 Juin 1935 à 15h00.
L'inspecteur de l'école ne m'accordant qu'une journée pour me rendre à cette convocation ( en vélo, s'il vous plait), j'ai connu la frustration de ne pas pouvoir assister au repas de classe et au bal du soir avec les copains de Fraize, comme la tradition le voulait.
Durant mes trois années d'école normale, j'avais effectué ma préparation militaire. La règle voulait qu'elle se fasse sur trois ans, mais seule la première année était obligatoire. Cette préparation militaire constituait l'E.O.R, (l'Ecole des Officiers de Réserve ).
Étant passionné de radio, puisque adolescent , j'avais déjà conçu mon premier poste de radio, je n'avais qu'une envie, c'était de faire mon service dans la radio.
Je n'ai fait que la première année de PMS, ( Préparation Militaire Supérieure) , les trois ans permettaient d'accéder directement à des postes de Sous Lieutenant et d'arriver comme Aspirant dans un régiment d'infanterie, mais cela ne m'intéressait pas.
Je suis incorporé au service militaire en 21 Octobre 1935, pour une durée de 2 ans alors que le contingent précédant le mien, la classe 34-1, ne faisait que 18 mois.
Il faut préciser que les premiers tiraillements avec l'Allemagne s'étaient déjà fait sentir, d'où prolongation de la durée du service militaire.
Je me retrouve donc aux services transmission du 18 ème Génie de Nancy (54).
Les aléas font que je me retrouve également aide infirmier la deuxième année, puisque j'avais levé le doigt lorsqu'on nous avait demandé lesquels d'entre nous avaient des notions de soins.
Mon passé de scout me rattrapant, j'ai levé le doigt et me suis retrouvé actif à l'infirmerie jusqu'au 30 Septembre 1937, date de ma libération..
Fin 1937, je reprends donc ma classe de Cours Préparatoire à Ramonchamp.
Aux grandes vacances 1939, alors que je suis moniteur de colonie de vacances à Grenoble, je suis rappelé par voie d'affiche le 26 Aout, pour être mobilisé. En effet l'entrée en guerre se faisait sentir.
Je reviens donc à Ramonchamp pour prendre mon paquetage de caporal chef et me dirige à Nancy au Centre mobilisateur.
Là, grosse déception, j'apprends que je ne suis pas affecté à la radio mais Chef de poste « Dérouleuse Pilon ».
Cela signifiait, que je me retrouvais chef de trois hommes, mais en première ligne, pour établir les liens téléphoniques et radioélectriques entre les postes se trouvant sur le front, c'est à dire sur la Ligne Maginot,
( Voir lexique Ndr ), en ce qui concerne notre secteur.
Nous rejoignons donc « l'échelon A » ( les militaires d'actives - Ndr), sur le front d'Alsace lorsque le hasard intervient à mon bénéfice.
Ça fait deux jours que nous sommes à Hirsingue (68) , près de Altkirch lorsque je rencontre mon copain Lecaillon, qui était maintenant d'active, mais avec qui j'avais fait l'E.O.R à Nancy.
Il se rappelle que j'avais passé mon service militaire en tant qu'infirmier et me propose de me présenter au Lieutenant David, le médecin militaire, lequel devait gérer sur le plan de la santé, deux compagnies de « Radio et fils », et en plus la population civile.
En effet le médecin du village, le Docteur Meyer, avait été rappelé sur la frontière Suisse où il avait été mobilisé, de ce fait, le médecin Commandant Grand le remplaçait en bénéficiant de sa maison et de son cabinet.
Je me retrouve donc infirmier, attaché au médecin militaire. Je dormais dans mon sac de couchage dans la salle de soin, faute de place.
Au mois de Mai 40, c'est la débâcle ( Voir lexique Ndr ) et notre compagnie est embarquée avec les gars de la 13 D.I qui doivent prendre position sur le front d'Amiens (80).
Il nous faut reculer vers l'intérieur avant que la tenaille allemande ne se resserre sur nous.
A bord de cars réquisitionnés pour les troupes, nous nous retrouvons en moins de trois jours sur le front d'Amiens où les trois régiments de la division, estimés à 18 000 hommes sont décimés à 90%.
Nos deux compagnies « Radio et fils » restent en possession de leurs moyens et véhicules.
Il nous faut à nouveau nous replier vers le sud, n'étant plus que 1800, ne roulant que la nuit à bord de nos véhicules équipés de Black-out, et n'empruntant que des chemins forestiers pour ne pas être repérés par l'aviation ou les troupes au sol.
Nous reculions sur Arpajon (91) le jour où les Allemands défilaient aux Champs Elysées, ( le 14 Juin 1940 Ndr), c'est vous dire que nous n'étions pas loin les uns des autres.
Quels désespoirs, quels traumatismes pour nous. J'ai vu mes camarades pleurer ou se terrer comme des lapins en forêt, sous des tas de feuilles.
Je me souviens d'un jeune officier qui a levé son révolver sur un Messerchmitt qui nous survolait, c'est vous dire l'état psychologique du moment. Il n'avait aucune chance d'atteindre l'avion, mais bien celle de nous faire repérer.
Nous reculerons vers le sud jusqu'aux environs de Bergerac (24), à Lalinde (24) exactement où nous campons dans un champ, peut être une huitaine de jours.
Un matin, un ordre au rapport nous informe que suite à la fin des hostilités, nous avons la possibilité d'être démobilisés à la condition de bénéficier d'un pied à terre en zone libre et d'en justifier. En effet, la ligne de démarcation ( Voir lexique Ndr) avait été fixée entre temps.
Dans ma compagnie, j'avais un copain originaire de Toul, qui était photographe de métier, un nommé Bouvier, qui m'avait initié à la photographie.
J'ai trouve une place à Lalinde (24), chez un photographe, un nommé Vergniole, qui semble débordé par cet arrivée massive de militaires.
Avec cet emploi, je bénéficie d'un certificat d'hébergement qui est synonyme pour moi de démobilisation.
Redevenu civil , je n'ai qu'un seul but, celui de revenir à Ramonchamp.
J'ai pris attache avec mon ancien directeur d'école de Ramonchamp afin qu'il me fasse parvenir un document attestant mon emploi d'instituteur, ce qui fut fait.
Je m'étais fixé un délai de trois mois pour revenir en zone interdite.
Après quelques semaines passées chez les Vergniole, dont le père était propriétaire d'un magasin de meubles et d'une quincaillerie dans cette commune, je tente de passer une première fois la ligne de démarcation au niveau d'Auxerre mais suis refoulé.
Par la suite, je tente de passer par l'est. Je demande au directeur de la colonie de vacances de Grenoble, avec qui j'avais travaillé lors de ma mobilisation en aout 1939, s'il pouvait m'héberger.
Arrivé là, Mr Thieulle me communique les coordonnées d'une personne qui était commissaire aux éclaireurs de France, originaire de Dijon . Je me rends chez ce dernier et tente une nouvelle fois de passer la ligne, sans succès.
De retour chez ce commissaire, il me donne une astuce qui me permettrait de passer la ligne plus facilement.
Il me dit : « Tu te débrouilles, ( car on se tutoie chez les scouts), tu achètes un vélo, même un vieux clou, tu descends du train à Auxerre, tu prends ton vélo dans le dernier wagon, tu traverse la ligne en vélo et tu reprends le train de l'autre côté. T'as une chance sur deux de ne pas te faire contrôler ».
C'est ce que j'ai fait. J'ai pris le train, mis mon vélo dans ce train, récupéré mon vélo en gare d'Auxerre et suis sorti de la gare comme un citoyen normal. Il ne me restait plus qu'à passer le pont où un contrôle avait été mis en place par les Allemands.
J'arrive au pont avec mon vélo, présente à la sentinelle mon attestation d'emploi à Ramonchamp, laquelle avait été visée par la Kommandantur qui avait pris position à la filature SFK de Ramonchamp.
L'allemand de faction au pont me demande où se trouve Ramonchamp. Je lui baragouine avec le peu d'allemand que je connais, que c'est au pied du ballon d'Alsace. J'ai vu qu'il connaissait le mot Alsace.
Il garde mon attestation et part en direction de son collègue qui se tenait dans une guérite à proximité.
Je savais que mon sort allait se jouer d'une façon ou d'une autre dans les secondes qui suivaient quant l'arrivée d'un camion, à l'autre bout du pont, a retenu l'attention de la sentinelle.
Devant faire un choix, elle a décidé de me rendre mon papier et d'aller s'occuper du camion.
C'est dans ces circonstances chanceuses que j'ai enjambé mon vélo, passé le pont et suis entré en zone occupée.
D'Auxerre j'ai regagné Vesoul où je suis arrivé dans la nuit, puis Lure au petit matin. Ensuite, de Lure, j'ai pédalé jusqu'à Ramonchamp où je me suis présenté au maire de la commune à 8h30 du matin.
J'ai appris là que l'appartement de fonction que j'avais au dessus de la salle des fêtes avait été pillé, premièrement par les soldats français, puis par les allemands.
J'ai donc repris mon poste d'instituteur une année jusqu'à ce qu'on fasse appel à moi suite à la création à Fresse sur Moselle, en Novembre 1942, d'une école d'apprentissage professionnelle regroupant les filières bois, textile et mécanique.
Nous tentions souvent de nous arranger pour prendre des jeunes de 16 ans et plus, alors que la norme était de 14 ans, ce qui permettait à ces jeunes d'être tranquilles pendant trois ans et de ne pas être requis par le STO, ( voir lexique Ndr ), je me souviens de Pierre Kempf par exemple, originaire du Ménil, que j'ai eu comme élève.
Je fus donc nommé directeur de cette école, qui a déménagé dans les années 1950 sur Remiremont dans des locaux du Parmont.
Je traverse donc le reste des années guerre à ce poste tandis que j'occupe un logement au Thillot.
Parallèlement à mon métier, j'ai adhéré à la défense passive ou par groupe de trois nous étions d'astreinte à tour de rôle à l'hôpital central du Thillot où nous accueillions et soignions les blessés civils.
J'en avais profité également pour héberger discrètement chez moi, enfin je le croyais, le nommé André Lacroix, de confession juive.
Cet André Lacroix, avait une fausse identité, il s'appelait en vérité André Blocq.
En fait , je ne l'ai su qu'après, mais beaucoup de gens, comme les commerçants israélites du Thillot notamment, savaient tous qu'André se trouvait chez moi. Il y est resté jusqu'un peu avant que le Thillot ne se soit vidé de ses occupants en Novembre 44.
A la débâcle du Thillot en 44, j'ai passé les lignes le 11 Novembre. Nous sommes passés par les dessus du Ménil et ai trouvé refuge chez mes beaux parents à Ramonchamp, lesquels y tenaient la coopérative.
A ce moment là, une partie seulement de Ramonchamp était libérée.
Ces deux loisirs ont leur importance puisqu'ils sont intervenus dans les orientations de mon cursus militaire dont je vais parler par la suite.
Je suis originaire de Fraize ; à l'issue de mes années à l'école normale, j'ai été nommé instituteur à Ramonchamp, alors que je briguais un poste à Gérardmer où une place de cadre était également demandée chez les éclaireurs. J'aurais très bien pu tenir cette place en plus de celui d'instituteur, mais le sort en a décidé autrement.
J'en ai pris mon parti et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans la vallée de la haute Moselle, où je passe ma retraite, c'est vous dire si je m'y plais.
Je suis donc nommé instituteur à Ramonchamp à la fin des grandes vacances 1934, j'avais 20 ans et je ne tarde pas à créer à cet endroit une jeune troupe d'éclaireurs dont fera partie Olivier Rollot, de Ramonchamp, avec qui je bricole également un peu la radiographie.
En effet, durant cette année là, j'étais inscrit aussi à l'école Supérieure de TSF ( Télégraphie Sans Fil), rue de la Lune à Paris.
L'année suivante, je reçois ma convocation au conseil de révision. Étant originaire de Fraize, je suis convoqué dans cette commune le 7 Juin 1935 à 15h00.
L'inspecteur de l'école ne m'accordant qu'une journée pour me rendre à cette convocation ( en vélo, s'il vous plait), j'ai connu la frustration de ne pas pouvoir assister au repas de classe et au bal du soir avec les copains de Fraize, comme la tradition le voulait.
Durant mes trois années d'école normale, j'avais effectué ma préparation militaire. La règle voulait qu'elle se fasse sur trois ans, mais seule la première année était obligatoire. Cette préparation militaire constituait l'E.O.R, (l'Ecole des Officiers de Réserve ).
Étant passionné de radio, puisque adolescent , j'avais déjà conçu mon premier poste de radio, je n'avais qu'une envie, c'était de faire mon service dans la radio.
Je n'ai fait que la première année de PMS, ( Préparation Militaire Supérieure) , les trois ans permettaient d'accéder directement à des postes de Sous Lieutenant et d'arriver comme Aspirant dans un régiment d'infanterie, mais cela ne m'intéressait pas.
Je suis incorporé au service militaire en 21 Octobre 1935, pour une durée de 2 ans alors que le contingent précédant le mien, la classe 34-1, ne faisait que 18 mois.
Il faut préciser que les premiers tiraillements avec l'Allemagne s'étaient déjà fait sentir, d'où prolongation de la durée du service militaire.
Je me retrouve donc aux services transmission du 18 ème Génie de Nancy (54).
Les aléas font que je me retrouve également aide infirmier la deuxième année, puisque j'avais levé le doigt lorsqu'on nous avait demandé lesquels d'entre nous avaient des notions de soins.
Mon passé de scout me rattrapant, j'ai levé le doigt et me suis retrouvé actif à l'infirmerie jusqu'au 30 Septembre 1937, date de ma libération..
Fin 1937, je reprends donc ma classe de Cours Préparatoire à Ramonchamp.
Aux grandes vacances 1939, alors que je suis moniteur de colonie de vacances à Grenoble, je suis rappelé par voie d'affiche le 26 Aout, pour être mobilisé. En effet l'entrée en guerre se faisait sentir.
Je reviens donc à Ramonchamp pour prendre mon paquetage de caporal chef et me dirige à Nancy au Centre mobilisateur.
Là, grosse déception, j'apprends que je ne suis pas affecté à la radio mais Chef de poste « Dérouleuse Pilon ».
Cela signifiait, que je me retrouvais chef de trois hommes, mais en première ligne, pour établir les liens téléphoniques et radioélectriques entre les postes se trouvant sur le front, c'est à dire sur la Ligne Maginot,
( Voir lexique Ndr ), en ce qui concerne notre secteur.
Nous rejoignons donc « l'échelon A » ( les militaires d'actives - Ndr), sur le front d'Alsace lorsque le hasard intervient à mon bénéfice.
Ça fait deux jours que nous sommes à Hirsingue (68) , près de Altkirch lorsque je rencontre mon copain Lecaillon, qui était maintenant d'active, mais avec qui j'avais fait l'E.O.R à Nancy.
Il se rappelle que j'avais passé mon service militaire en tant qu'infirmier et me propose de me présenter au Lieutenant David, le médecin militaire, lequel devait gérer sur le plan de la santé, deux compagnies de « Radio et fils », et en plus la population civile.
En effet le médecin du village, le Docteur Meyer, avait été rappelé sur la frontière Suisse où il avait été mobilisé, de ce fait, le médecin Commandant Grand le remplaçait en bénéficiant de sa maison et de son cabinet.
Je me retrouve donc infirmier, attaché au médecin militaire. Je dormais dans mon sac de couchage dans la salle de soin, faute de place.
Au mois de Mai 40, c'est la débâcle ( Voir lexique Ndr ) et notre compagnie est embarquée avec les gars de la 13 D.I qui doivent prendre position sur le front d'Amiens (80).
Il nous faut reculer vers l'intérieur avant que la tenaille allemande ne se resserre sur nous.
A bord de cars réquisitionnés pour les troupes, nous nous retrouvons en moins de trois jours sur le front d'Amiens où les trois régiments de la division, estimés à 18 000 hommes sont décimés à 90%.
Nos deux compagnies « Radio et fils » restent en possession de leurs moyens et véhicules.
Il nous faut à nouveau nous replier vers le sud, n'étant plus que 1800, ne roulant que la nuit à bord de nos véhicules équipés de Black-out, et n'empruntant que des chemins forestiers pour ne pas être repérés par l'aviation ou les troupes au sol.
Nous reculions sur Arpajon (91) le jour où les Allemands défilaient aux Champs Elysées, ( le 14 Juin 1940 Ndr), c'est vous dire que nous n'étions pas loin les uns des autres.
Quels désespoirs, quels traumatismes pour nous. J'ai vu mes camarades pleurer ou se terrer comme des lapins en forêt, sous des tas de feuilles.
Je me souviens d'un jeune officier qui a levé son révolver sur un Messerchmitt qui nous survolait, c'est vous dire l'état psychologique du moment. Il n'avait aucune chance d'atteindre l'avion, mais bien celle de nous faire repérer.
Nous reculerons vers le sud jusqu'aux environs de Bergerac (24), à Lalinde (24) exactement où nous campons dans un champ, peut être une huitaine de jours.
Un matin, un ordre au rapport nous informe que suite à la fin des hostilités, nous avons la possibilité d'être démobilisés à la condition de bénéficier d'un pied à terre en zone libre et d'en justifier. En effet, la ligne de démarcation ( Voir lexique Ndr) avait été fixée entre temps.
Dans ma compagnie, j'avais un copain originaire de Toul, qui était photographe de métier, un nommé Bouvier, qui m'avait initié à la photographie.
J'ai trouve une place à Lalinde (24), chez un photographe, un nommé Vergniole, qui semble débordé par cet arrivée massive de militaires.
Avec cet emploi, je bénéficie d'un certificat d'hébergement qui est synonyme pour moi de démobilisation.
Redevenu civil , je n'ai qu'un seul but, celui de revenir à Ramonchamp.
J'ai pris attache avec mon ancien directeur d'école de Ramonchamp afin qu'il me fasse parvenir un document attestant mon emploi d'instituteur, ce qui fut fait.
Je m'étais fixé un délai de trois mois pour revenir en zone interdite.
Après quelques semaines passées chez les Vergniole, dont le père était propriétaire d'un magasin de meubles et d'une quincaillerie dans cette commune, je tente de passer une première fois la ligne de démarcation au niveau d'Auxerre mais suis refoulé.
Par la suite, je tente de passer par l'est. Je demande au directeur de la colonie de vacances de Grenoble, avec qui j'avais travaillé lors de ma mobilisation en aout 1939, s'il pouvait m'héberger.
Arrivé là, Mr Thieulle me communique les coordonnées d'une personne qui était commissaire aux éclaireurs de France, originaire de Dijon . Je me rends chez ce dernier et tente une nouvelle fois de passer la ligne, sans succès.
De retour chez ce commissaire, il me donne une astuce qui me permettrait de passer la ligne plus facilement.
Il me dit : « Tu te débrouilles, ( car on se tutoie chez les scouts), tu achètes un vélo, même un vieux clou, tu descends du train à Auxerre, tu prends ton vélo dans le dernier wagon, tu traverse la ligne en vélo et tu reprends le train de l'autre côté. T'as une chance sur deux de ne pas te faire contrôler ».
C'est ce que j'ai fait. J'ai pris le train, mis mon vélo dans ce train, récupéré mon vélo en gare d'Auxerre et suis sorti de la gare comme un citoyen normal. Il ne me restait plus qu'à passer le pont où un contrôle avait été mis en place par les Allemands.
J'arrive au pont avec mon vélo, présente à la sentinelle mon attestation d'emploi à Ramonchamp, laquelle avait été visée par la Kommandantur qui avait pris position à la filature SFK de Ramonchamp.
L'allemand de faction au pont me demande où se trouve Ramonchamp. Je lui baragouine avec le peu d'allemand que je connais, que c'est au pied du ballon d'Alsace. J'ai vu qu'il connaissait le mot Alsace.
Il garde mon attestation et part en direction de son collègue qui se tenait dans une guérite à proximité.
Je savais que mon sort allait se jouer d'une façon ou d'une autre dans les secondes qui suivaient quant l'arrivée d'un camion, à l'autre bout du pont, a retenu l'attention de la sentinelle.
Devant faire un choix, elle a décidé de me rendre mon papier et d'aller s'occuper du camion.
C'est dans ces circonstances chanceuses que j'ai enjambé mon vélo, passé le pont et suis entré en zone occupée.
D'Auxerre j'ai regagné Vesoul où je suis arrivé dans la nuit, puis Lure au petit matin. Ensuite, de Lure, j'ai pédalé jusqu'à Ramonchamp où je me suis présenté au maire de la commune à 8h30 du matin.
J'ai appris là que l'appartement de fonction que j'avais au dessus de la salle des fêtes avait été pillé, premièrement par les soldats français, puis par les allemands.
J'ai donc repris mon poste d'instituteur une année jusqu'à ce qu'on fasse appel à moi suite à la création à Fresse sur Moselle, en Novembre 1942, d'une école d'apprentissage professionnelle regroupant les filières bois, textile et mécanique.
Nous tentions souvent de nous arranger pour prendre des jeunes de 16 ans et plus, alors que la norme était de 14 ans, ce qui permettait à ces jeunes d'être tranquilles pendant trois ans et de ne pas être requis par le STO, ( voir lexique Ndr ), je me souviens de Pierre Kempf par exemple, originaire du Ménil, que j'ai eu comme élève.
Je fus donc nommé directeur de cette école, qui a déménagé dans les années 1950 sur Remiremont dans des locaux du Parmont.
Je traverse donc le reste des années guerre à ce poste tandis que j'occupe un logement au Thillot.
Parallèlement à mon métier, j'ai adhéré à la défense passive ou par groupe de trois nous étions d'astreinte à tour de rôle à l'hôpital central du Thillot où nous accueillions et soignions les blessés civils.
J'en avais profité également pour héberger discrètement chez moi, enfin je le croyais, le nommé André Lacroix, de confession juive.
Cet André Lacroix, avait une fausse identité, il s'appelait en vérité André Blocq.
En fait , je ne l'ai su qu'après, mais beaucoup de gens, comme les commerçants israélites du Thillot notamment, savaient tous qu'André se trouvait chez moi. Il y est resté jusqu'un peu avant que le Thillot ne se soit vidé de ses occupants en Novembre 44.
A la débâcle du Thillot en 44, j'ai passé les lignes le 11 Novembre. Nous sommes passés par les dessus du Ménil et ai trouvé refuge chez mes beaux parents à Ramonchamp, lesquels y tenaient la coopérative.
A ce moment là, une partie seulement de Ramonchamp était libérée.
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
Sujets similaires
» RAMONCHAMP - SOUVENIRS DE PIERRE LAMBOLEZ
» FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE PIERRE DIEUDONNE
» FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS D’ANGÈLE APTEL VVE PIERRE FLECK
» RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE MARGUERITE CLAUDE VVE ANDRÉ ROTA - PRÉCISÉS PAR SA SŒUR LUCIE VVE PIERRE KRAFT
» Pierre LOTI.....
» FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE PIERRE DIEUDONNE
» FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS D’ANGÈLE APTEL VVE PIERRE FLECK
» RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE MARGUERITE CLAUDE VVE ANDRÉ ROTA - PRÉCISÉS PAR SA SŒUR LUCIE VVE PIERRE KRAFT
» Pierre LOTI.....
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum