LE MENIL - SOUVENIRS D'HELENE LAMBOLEZ VVE JEAN LOUIS
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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LE MENIL - SOUVENIRS D'HELENE LAMBOLEZ VVE JEAN LOUIS
Pendant la guerre, j'habitais déjà au Ménil, dans la côte du cimetière, avec mes parents. Ma grande sœur était mariée et avait quitté le domicile. J'avais 20 ans en 1939.
Je travaillais déjà depuis l'âge de 15 ans. J'avais un emploi à la comptabilité chez Werner à Remiremont, une entreprise de confection.
Je partais en vélo à 5 heures du matin pour prendre le train au Thillot. J'avais un logement à Remiremont avec Raymonde Frattinger du Ménil qui travaillait avec moi. Je revenais le samedi midi ou le samedi soir.
Comme j'étais absente toute la semaine, je n'ai pas beaucoup de souvenirs de la guerre au Ménil.
Juste avant la guerre, je me souviens d'une foule innombrable qui tentait de prendre le train au Thillot. Pour aller où, je n'en sais rien.
Je me souviens de la débâcle en 40, ma sœur était chez nous avec Jean Paul, son gamin. Avec mes parents, nous sommes allés nous réfugier chez Léa Laure Parmentier aux Granges. Sur le trajet, nous avons dû nous coucher dans les fossés parce que nous avons été mitraillés par un avion italien. Nous étions peut être une quinzaine de personnes cachées chez les Parmentier. Je me souviens qu'il y avait là Jeannette Chevrier avec son petit gamin, son mari était à la guerre et peut être déjà prisonnier. Nous sommes restés là peut être une semaine. Des soldats français fuyaient, un d'entre eux a demandé des habits civils, mon père lui en a prêtés. Il a abandonné son fusil et son uniforme qu'il a cachés dans le tas de fumier de chez Léa Laure. Un autre a jeté son fusil dans le ruisseau des Granges.
Quelques jours plus tard, une fois redescendus au village, nous avons vu passer une colonne de soldats français, encadrée par des Allemands. Ces prisonniers descendaient la côte du cimetière devant chez nous. Nous avons donné de l'eau à ceux qui en demandaient.
Avec la guerre, l'activité industrielle a diminué ainsi que l'alimentation. Chez Werner nous étions plus de quatre cents ouvriers. J'ai vu des quantités inimaginables de tissu être manipulés avant la guerre, à la fin de celle-ci les couturières étaient limitées à raccommoder les habits des soldats.
Le dimanche je partais chercher des provisions pour mes parents. J'allais régulièrement jusqu'à Beulotte St Laurent en Haute Saône, avec mon vélo, où j'avais trouvé une ferme tenue par une femme et son frère. Ils avaient la quarantaine d'années. L'homme m'avait fait des avances, il me montrait son portefeuille plein d'argent, mais je lui avais répondu que je voulais rentrer dans les ordres, ce qui a mis un terme à ses ambitions et ce qui ne m'a pas empêchée de continuer à aller m'approvisionner chez eux. A vrai dire j'achetais du linge chez Werner et je leur échangeais contre un peu de beurre, quelques patates ou des œufs.
Le soir, en revenant de Haute Saône, je n'étais pas tranquille lorsqu'en forêt sur le chemin du retour, je rencontrais une patrouille d'Allemands. Comment aurais-je pu me défendre, seule face à leur révolver?
Je me souviens qu'une fois, on avait appris qu'un paysan allait tuer le cochon. D'autres gens attendaient aussi. J'ai acheté mon bout de cochon, il devait être minuit. Probablement que j'ai couché en Haute Saône cette nuit-là, il n'était pas question de revenir avec le couvre feu.
On n’avait pas grand chose à manger, des patates, un peu de fromage. Quelquefois un paysan du Ménil descendait un peu de viande au village, sur une charrette tirée par des vaches. On allait se servir au passage pour quelques sous.
Régulièrement le lundi matin, je devais passer près des Feldgendarmes qui se tenaient dans le virage, près de chez Del Laurent, sur la route du Thillot. Je n'en menais pas large. A chaque fois, je faisais ma prière pour qu'ils me laissent tranquille.
Nous ne pouvions plus nous ravitailler en vêtements. J'ai eu froid ! C'était terrible. Maman m'a fait une sorte de pèlerine avec une couverture, mais ça ne suffisait pas. Elle m'avait fait des gants avec de la laine de mouton qu'elle avait appris à filer elle-même.
En plus, il y avait des collaborateurs qui dénonçaient. Notre voisine, Flora était mariée avec un garçon qui venait du secteur de la chapelle des Vés. Il me semble qu'il avait été requis pour le STO, qu'il était revenu en permission et n'était pas reparti, comme beaucoup.
Il a été dénoncé par une femme qui habitait également en montant à la chapelle des Vés et qui le connaissait.
Un dimanche soir, les Allemands ont encerclé la maison de Flora. Nous étions derrière nos fenêtres et nous avons tout vu. Marcel Valdenaire a tenté de s'enfuir en soulevant les tuiles du toit mais il a été repéré. Ils lui ont tiré dessus et l'ont abattu. ( Marcel Valdenaire était revenu en permission pour se marier et n'était pas reparti, comme beaucoup. Ndr).
Cette affaire a duré de nombreuses heures, mon père qui, lui, était resté dehors à ce moment là s'est allongé dans les haricots. Les Allemands ne partant pas, mon père a dû passer la nuit allongé dans le jardin. S'il s'était montré, qui sait ce qu'en auraient déduit les Boches ?
Cette nuit-là, je n'ai pas dormi, ce qui ne m'a pas empêché d'enfourcher mon vélo à 5 heures pour aller travailler.
Après les bombardements de 44, le train ne fonctionnait plus. Dans les derniers temps il mettait un temps infini pour rejoindre Remiremont tellement il roulait lentement. J'ai été obligée d'aller un temps à Remiremont en vélo, puis sur la fin, je n'allais plus travailler.
En 1944, un officier allemand avait élu domicile chez nous. Il avait réquisitionné une chambre à l'étage. Tous les matins, son ordonnance venait à la maison pour lui vider son seau hygiénique.
Je voyais bien qu'il avait un regard particulier sur moi. Il avait remarqué la chambre où je couchais. Une fois, il est venu se frotter contre moi, il commençait à monter sa main au dessus de mon genou. Je me suis mise debout et me suis retenue de crier. Il n'a pas insisté mais depuis ce jour-là, j'ai demandé à mon père de venir dormir avec moi.
Je me méfiais encore plus des Russes blancs. Ils étaient capables de tout ceux-là !
Au cours de cette période là, mon père faisait tout pour éviter l'Allemand. Quand l'un était là, l'autre était absent et vice versa. Mon père avait fait 14 et on savait ce qu'il pensait des Boches. Je sais qu'une fois, papa a disparu pendant huit jours. Lorsqu'il est revenu, on lui a demandé des explications sur son absence. Il nous a expliqué qu'il était allé huit jours en prison à Remiremont pour avoir dit un mot de trop aux Allemands. Papa ne nous en a pas dit plus.
Ma belle-mère, Marguerite Chevrier a été blessée par un éclat d'obus qui lui a enlevé toute la partie extérieure du coude droit. C'est mon beau frère André et son copain, le docteur Lambert qui l'ont trimballée sur une charrette jusqu'à l'hôpital du Thillot, sous les bombardements.
Elle n'a plus pu se servir de son bras et en a souffert tout le restant de sa vie. Dans ses vieux jours elle avait la main gauche toute déformée d'avoir dû travailler qu'avec celle-là.
Il y avait même une femme du Thillot qui venait tous les soirs coucher dans la cave de chez Elie Valdenaire. C'était une Alsacienne.
En raison des bombardements, nous allions dormir tous les soirs dans la cave de la ferme de Denis et Mélie Chevrier, qui se trouve juste derrière chez nous. C'est bien simple, il n'y avait ni haie, ni murette à l'époque, on avait fait un accès direct à cette cave afin de perdre le moins de temps possible pour la rejoindre. Maman trimballait tout le temps son pot de sucre avec elle, matin et soir. Souvent lorsqu'on revenait chez nous le matin, on découvrait que notre maison avait été visitée ou saccagée pendant la nuit. Ils sont allés jusqu'à voler l'harmonica de mon père.
J'ai vu, alors que nous étions à l'abri dans cette cave, des Français et des Allemands se courir après autour de la maison. On les voyait passer par les larmiers de cave.
De jour comme de nuit, l'occupant entrait et sortait de chez nous sans qu'on ait un mot à dire.
Mon père était contremaître à l'usine Philippe. A côté de cela, il coupait les cheveux et rasait les hommes. Régulièrement il se rendait chez Victorin Valdenaire, aux Granges et coupait les cheveux des gens de ce secteur là. Un samedi, je suis allée rejoindre papa là-haut. En redescendant, seule, je suis passée par le chemin qui longe le pied de la Revauche. Juste avant d'arriver chez « le Grand Paul » (Paul Briot- Ndr), peut être à cause d'un orage, je me suis abritée dans une ferme abandonnée. J'ai été surprise par la présence d'un homme qui était accroupi et qui s'est levé rapidement à ma vue. Il avait un révolver à la ceinture. J'ai eu peur qu'il me tue. Il était en civil et ne devait pas avoir trente ans. Il a vu que je ne lui voulais pas de mal et il a remis son révolver dans son pantalon. Il m'a dit: « Rouski, Rouski ». J'ai compris qu'il s'était évadé et qu'il voulait aller en France libre. Il avait juste un pantalon et une veste sur le dos. Je lui ai donné une poignée de cerises que j'avais sur moi et j'ai poursuivi ma route. Lui est monté du côté de la tête des Renards.
A la débâcle d'octobre 1944, les gens passaient devant chez nous avant de passer les lignes. Beaucoup n'en pouvaient plus de porter leur fardeau, au passage, ils se délestaient chez nous en nous laissant les objets trop lourds. Mon père stockait tout dans une chambre à l'étage, nous avons fini par remplir cette chambre avec tous ces effets.
Juste avant la libération, je me souviens d'avoir vu des chars allemands en action devant le cimetière.
Lorsque les Allemands ont décroché, l'un d'entre eux avait oublié une belle paire de souliers chez nous. Il s'est trouvé qu'elle était de la pointure de mon père qui ne s'est pas fait prier pour se les approprier. Mais ça n'a pas duré longtemps, à peine avait il fini de les cirer que l'Allemand qui les avait laissées là est venu les reprendre. Ses chaussures ayant changé d'aspect, il s'est imaginé que nous cachions quelqu'un dans la maison. Il a fouillé partout, il est même allé piquer le foin au grenier avec une fourche afin de s'assurer que personne n'était caché dedans.
Ce fut ensuite mon tour de passer les lignes. Je suis allée jusque chez Daniel Petitjean un matin, où j'avais rendez vous avec “Madelon” (Madeleine Chevrier - Ndr). Se trouvait là également Bébert Fresse, Madeleine Valdenaire, mon beau frère André Louis, et un homme, Mr Munsch qui s'était caché un temps chez Henri Philippe. Depuis “la Golette”, nous sommes montés tout droit dans la forêt du Géant pour nous retrouver en « Zone libre ».
Nous avons marché toute la journée pour arriver jusqu’aux postes avancés des Alliés. Ensuite, nous avons embarqué à bord de camions, conduits par des noirs. Ils nous ont déposés aux “Amias” à Saulxures. Là on nous a offert une brioche avec du café. Je n'avais jusque là jamais mangé de brioche de ma vie. Je suis allée ensuite à Remiremont où j'avais mon appartement.
A partir de ces jours-là, le Ménil a été coupé en deux, les Allemands se sont retirés sur Les Granges, Les Fenesses et la Chapelle des Vés, tandis que les alliés se trouvaient au Droit, dans la forêt du Géhant.
Au cours de cette guerre là, ma grand-mère maternelle a perdu deux fils sur les six qui étaient soldats en 1940, Louis, et le plus jeune Charles qui n'avait que 20 ans en septembre 1940 lorsqu'il a été tué du côté de St Dié.
Comme toujours, on sait bien que ceux qui décident de déclarer la guerre ne sont pas ceux qui la font.
Je travaillais déjà depuis l'âge de 15 ans. J'avais un emploi à la comptabilité chez Werner à Remiremont, une entreprise de confection.
Je partais en vélo à 5 heures du matin pour prendre le train au Thillot. J'avais un logement à Remiremont avec Raymonde Frattinger du Ménil qui travaillait avec moi. Je revenais le samedi midi ou le samedi soir.
Comme j'étais absente toute la semaine, je n'ai pas beaucoup de souvenirs de la guerre au Ménil.
Juste avant la guerre, je me souviens d'une foule innombrable qui tentait de prendre le train au Thillot. Pour aller où, je n'en sais rien.
Je me souviens de la débâcle en 40, ma sœur était chez nous avec Jean Paul, son gamin. Avec mes parents, nous sommes allés nous réfugier chez Léa Laure Parmentier aux Granges. Sur le trajet, nous avons dû nous coucher dans les fossés parce que nous avons été mitraillés par un avion italien. Nous étions peut être une quinzaine de personnes cachées chez les Parmentier. Je me souviens qu'il y avait là Jeannette Chevrier avec son petit gamin, son mari était à la guerre et peut être déjà prisonnier. Nous sommes restés là peut être une semaine. Des soldats français fuyaient, un d'entre eux a demandé des habits civils, mon père lui en a prêtés. Il a abandonné son fusil et son uniforme qu'il a cachés dans le tas de fumier de chez Léa Laure. Un autre a jeté son fusil dans le ruisseau des Granges.
Quelques jours plus tard, une fois redescendus au village, nous avons vu passer une colonne de soldats français, encadrée par des Allemands. Ces prisonniers descendaient la côte du cimetière devant chez nous. Nous avons donné de l'eau à ceux qui en demandaient.
Avec la guerre, l'activité industrielle a diminué ainsi que l'alimentation. Chez Werner nous étions plus de quatre cents ouvriers. J'ai vu des quantités inimaginables de tissu être manipulés avant la guerre, à la fin de celle-ci les couturières étaient limitées à raccommoder les habits des soldats.
Le dimanche je partais chercher des provisions pour mes parents. J'allais régulièrement jusqu'à Beulotte St Laurent en Haute Saône, avec mon vélo, où j'avais trouvé une ferme tenue par une femme et son frère. Ils avaient la quarantaine d'années. L'homme m'avait fait des avances, il me montrait son portefeuille plein d'argent, mais je lui avais répondu que je voulais rentrer dans les ordres, ce qui a mis un terme à ses ambitions et ce qui ne m'a pas empêchée de continuer à aller m'approvisionner chez eux. A vrai dire j'achetais du linge chez Werner et je leur échangeais contre un peu de beurre, quelques patates ou des œufs.
Le soir, en revenant de Haute Saône, je n'étais pas tranquille lorsqu'en forêt sur le chemin du retour, je rencontrais une patrouille d'Allemands. Comment aurais-je pu me défendre, seule face à leur révolver?
Je me souviens qu'une fois, on avait appris qu'un paysan allait tuer le cochon. D'autres gens attendaient aussi. J'ai acheté mon bout de cochon, il devait être minuit. Probablement que j'ai couché en Haute Saône cette nuit-là, il n'était pas question de revenir avec le couvre feu.
On n’avait pas grand chose à manger, des patates, un peu de fromage. Quelquefois un paysan du Ménil descendait un peu de viande au village, sur une charrette tirée par des vaches. On allait se servir au passage pour quelques sous.
Régulièrement le lundi matin, je devais passer près des Feldgendarmes qui se tenaient dans le virage, près de chez Del Laurent, sur la route du Thillot. Je n'en menais pas large. A chaque fois, je faisais ma prière pour qu'ils me laissent tranquille.
Nous ne pouvions plus nous ravitailler en vêtements. J'ai eu froid ! C'était terrible. Maman m'a fait une sorte de pèlerine avec une couverture, mais ça ne suffisait pas. Elle m'avait fait des gants avec de la laine de mouton qu'elle avait appris à filer elle-même.
En plus, il y avait des collaborateurs qui dénonçaient. Notre voisine, Flora était mariée avec un garçon qui venait du secteur de la chapelle des Vés. Il me semble qu'il avait été requis pour le STO, qu'il était revenu en permission et n'était pas reparti, comme beaucoup.
Il a été dénoncé par une femme qui habitait également en montant à la chapelle des Vés et qui le connaissait.
Un dimanche soir, les Allemands ont encerclé la maison de Flora. Nous étions derrière nos fenêtres et nous avons tout vu. Marcel Valdenaire a tenté de s'enfuir en soulevant les tuiles du toit mais il a été repéré. Ils lui ont tiré dessus et l'ont abattu. ( Marcel Valdenaire était revenu en permission pour se marier et n'était pas reparti, comme beaucoup. Ndr).
Cette affaire a duré de nombreuses heures, mon père qui, lui, était resté dehors à ce moment là s'est allongé dans les haricots. Les Allemands ne partant pas, mon père a dû passer la nuit allongé dans le jardin. S'il s'était montré, qui sait ce qu'en auraient déduit les Boches ?
Cette nuit-là, je n'ai pas dormi, ce qui ne m'a pas empêché d'enfourcher mon vélo à 5 heures pour aller travailler.
Après les bombardements de 44, le train ne fonctionnait plus. Dans les derniers temps il mettait un temps infini pour rejoindre Remiremont tellement il roulait lentement. J'ai été obligée d'aller un temps à Remiremont en vélo, puis sur la fin, je n'allais plus travailler.
En 1944, un officier allemand avait élu domicile chez nous. Il avait réquisitionné une chambre à l'étage. Tous les matins, son ordonnance venait à la maison pour lui vider son seau hygiénique.
Je voyais bien qu'il avait un regard particulier sur moi. Il avait remarqué la chambre où je couchais. Une fois, il est venu se frotter contre moi, il commençait à monter sa main au dessus de mon genou. Je me suis mise debout et me suis retenue de crier. Il n'a pas insisté mais depuis ce jour-là, j'ai demandé à mon père de venir dormir avec moi.
Je me méfiais encore plus des Russes blancs. Ils étaient capables de tout ceux-là !
Au cours de cette période là, mon père faisait tout pour éviter l'Allemand. Quand l'un était là, l'autre était absent et vice versa. Mon père avait fait 14 et on savait ce qu'il pensait des Boches. Je sais qu'une fois, papa a disparu pendant huit jours. Lorsqu'il est revenu, on lui a demandé des explications sur son absence. Il nous a expliqué qu'il était allé huit jours en prison à Remiremont pour avoir dit un mot de trop aux Allemands. Papa ne nous en a pas dit plus.
Ma belle-mère, Marguerite Chevrier a été blessée par un éclat d'obus qui lui a enlevé toute la partie extérieure du coude droit. C'est mon beau frère André et son copain, le docteur Lambert qui l'ont trimballée sur une charrette jusqu'à l'hôpital du Thillot, sous les bombardements.
Elle n'a plus pu se servir de son bras et en a souffert tout le restant de sa vie. Dans ses vieux jours elle avait la main gauche toute déformée d'avoir dû travailler qu'avec celle-là.
Il y avait même une femme du Thillot qui venait tous les soirs coucher dans la cave de chez Elie Valdenaire. C'était une Alsacienne.
En raison des bombardements, nous allions dormir tous les soirs dans la cave de la ferme de Denis et Mélie Chevrier, qui se trouve juste derrière chez nous. C'est bien simple, il n'y avait ni haie, ni murette à l'époque, on avait fait un accès direct à cette cave afin de perdre le moins de temps possible pour la rejoindre. Maman trimballait tout le temps son pot de sucre avec elle, matin et soir. Souvent lorsqu'on revenait chez nous le matin, on découvrait que notre maison avait été visitée ou saccagée pendant la nuit. Ils sont allés jusqu'à voler l'harmonica de mon père.
J'ai vu, alors que nous étions à l'abri dans cette cave, des Français et des Allemands se courir après autour de la maison. On les voyait passer par les larmiers de cave.
De jour comme de nuit, l'occupant entrait et sortait de chez nous sans qu'on ait un mot à dire.
Mon père était contremaître à l'usine Philippe. A côté de cela, il coupait les cheveux et rasait les hommes. Régulièrement il se rendait chez Victorin Valdenaire, aux Granges et coupait les cheveux des gens de ce secteur là. Un samedi, je suis allée rejoindre papa là-haut. En redescendant, seule, je suis passée par le chemin qui longe le pied de la Revauche. Juste avant d'arriver chez « le Grand Paul » (Paul Briot- Ndr), peut être à cause d'un orage, je me suis abritée dans une ferme abandonnée. J'ai été surprise par la présence d'un homme qui était accroupi et qui s'est levé rapidement à ma vue. Il avait un révolver à la ceinture. J'ai eu peur qu'il me tue. Il était en civil et ne devait pas avoir trente ans. Il a vu que je ne lui voulais pas de mal et il a remis son révolver dans son pantalon. Il m'a dit: « Rouski, Rouski ». J'ai compris qu'il s'était évadé et qu'il voulait aller en France libre. Il avait juste un pantalon et une veste sur le dos. Je lui ai donné une poignée de cerises que j'avais sur moi et j'ai poursuivi ma route. Lui est monté du côté de la tête des Renards.
A la débâcle d'octobre 1944, les gens passaient devant chez nous avant de passer les lignes. Beaucoup n'en pouvaient plus de porter leur fardeau, au passage, ils se délestaient chez nous en nous laissant les objets trop lourds. Mon père stockait tout dans une chambre à l'étage, nous avons fini par remplir cette chambre avec tous ces effets.
Juste avant la libération, je me souviens d'avoir vu des chars allemands en action devant le cimetière.
Lorsque les Allemands ont décroché, l'un d'entre eux avait oublié une belle paire de souliers chez nous. Il s'est trouvé qu'elle était de la pointure de mon père qui ne s'est pas fait prier pour se les approprier. Mais ça n'a pas duré longtemps, à peine avait il fini de les cirer que l'Allemand qui les avait laissées là est venu les reprendre. Ses chaussures ayant changé d'aspect, il s'est imaginé que nous cachions quelqu'un dans la maison. Il a fouillé partout, il est même allé piquer le foin au grenier avec une fourche afin de s'assurer que personne n'était caché dedans.
Ce fut ensuite mon tour de passer les lignes. Je suis allée jusque chez Daniel Petitjean un matin, où j'avais rendez vous avec “Madelon” (Madeleine Chevrier - Ndr). Se trouvait là également Bébert Fresse, Madeleine Valdenaire, mon beau frère André Louis, et un homme, Mr Munsch qui s'était caché un temps chez Henri Philippe. Depuis “la Golette”, nous sommes montés tout droit dans la forêt du Géant pour nous retrouver en « Zone libre ».
Nous avons marché toute la journée pour arriver jusqu’aux postes avancés des Alliés. Ensuite, nous avons embarqué à bord de camions, conduits par des noirs. Ils nous ont déposés aux “Amias” à Saulxures. Là on nous a offert une brioche avec du café. Je n'avais jusque là jamais mangé de brioche de ma vie. Je suis allée ensuite à Remiremont où j'avais mon appartement.
A partir de ces jours-là, le Ménil a été coupé en deux, les Allemands se sont retirés sur Les Granges, Les Fenesses et la Chapelle des Vés, tandis que les alliés se trouvaient au Droit, dans la forêt du Géhant.
Au cours de cette guerre là, ma grand-mère maternelle a perdu deux fils sur les six qui étaient soldats en 1940, Louis, et le plus jeune Charles qui n'avait que 20 ans en septembre 1940 lorsqu'il a été tué du côté de St Dié.
Comme toujours, on sait bien que ceux qui décident de déclarer la guerre ne sont pas ceux qui la font.
yves philippe- MODERATEUR
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Date d'inscription : 28/12/2010
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