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RAMONCHAMP - SOUVENIRS DE MARGUERITE MILLOTTE VVE MARCEL GALMICHE

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RAMONCHAMP - SOUVENIRS DE MARGUERITE MILLOTTE VVE MARCEL GALMICHE Empty RAMONCHAMP - SOUVENIRS DE MARGUERITE MILLOTTE VVE MARCEL GALMICHE

Message par yves philippe Dim 16 Oct 2016 - 14:03

La guerre remonte à bien longtemps maintenant, mais il me reste pour toujours quelques souvenirs qui ne s'éteindront pas. Vous savez, pour nous ça na pas été facile tous les jours.
Je me souviens de la déclaration de guerre. Ce n'était pas tout rose. C'est du passé mais tout cela a existé et c'est bien que vous l'écriviez, parce qu'après nous .... .

Je suis née Millotte et à cette époque là, j'étais déjà mariée avec Marcel, depuis 1933. Nous habitions tout près de l'usine de l'état à Ramonchamp, dans la première cité d'S.F.K. Marcel était menuisier dans cette usine et moi j'étais tisserande. On était bien là, on avait un jardin, on était tout près de l'usine. On travaillait tous les jours de la semaine et même le samedi matin. Souvent Marcel travaillait encore quelques heures à l'usine les samedis après midi. Et puis la guerre est arrivée. Marcel a été fait prisonnier et je me suis retrouvée toute seule avec les soucis.

Juste avant l'invasion, je suis allée me réfugier chez mon beau père à la Rosière en Haute Saône. J'étais là lorsque les Allemands sont arrivés. Je les vois encore, ils avaient des engins motorisés qui leur permettaient de monter tout droit dans les près. On n'avait jamais vu ça, on ne savait pas comment ils faisaient mais ils y arrivaient.
Nous nous étions cachés dans les caves, on les voyait arriver depuis Faucogney. Ca tirait, ça bombardait, il nous fallait faire attention. On les a vus atteindre la montagne sur Corravillers. Les Allemands ont subi des pertes sur La Rosière, on a vu les corps par la suite, ils ont été enterrés « à la va vite » contre le cimetière de Corravillers mais en dehors de celui-ci.

Lorsque les choses se sont calmées, j'ai pu revenir dans mon logement à Ramonchamp où il n'y avait eu aucun dégât. J'avais eu de la chance, tout le monde n'a pas eu cette veine.

J'ai été de longs moments sans avoir aucune nouvelle de Marcel. J'ai passé de durs moments à attendre, à espérer. Il pouvait tout aussi bien être mort quelque part sans que personne ne le sache, ou ne sache qui il était. Et puis un jour j'ai reçu de ses nouvelles. Il écrivait qu'il allait bien, mais sans plus, tout le courrier était censuré. Puis petit à petit le courrier est arrivé plus régulièrement, une lettre par mois environ. Je lui répondais en essayant de lui faire comprendre le plus de choses possible avec un minimum de mots, et de façon très vague pour que mon courrier puisse lui arriver.

A Ramonchamp, je vivais chez moi, mais j'allais manger chez mes parents qui habitaient à cent mètres de là et j'ai repris mon travail à l'usine. J'ai passé toute la guerre comme ça, à l'attendre. J'ai été fidèle à mon mari, ce n'était pas le cas de toutes les femmes. Certaines se rendaient à des rendez vous, dans les sapins de St Joseph, près de l'usine des Grands Prés à Ramonchamp.
J'ai connu une femme, dont le mari se trouvait en Allemagne, je ne sais pas s'il y était prisonnier ou s'il y travaillait volontairement, mais c'est bien volontairement qu'elle recevait des Allemands chez elle. Elle mettait même une de ses chambres à leur disposition. Elle est venue bien des fois sonner à ma porte, je n'ai jamais voulu lui ouvrir.
Lorsque le mari de cette dame est revenu, ils ont quitté Ramonchamp, je crois qu'ils sont partis sur Paris, il valait mieux pour eux. Nous n'avons plus jamais eu de nouvelles d'eux par la suite.

Une fois un Allemand est venu frapper à ma porte, il portait ses affaires, il m'a fait comprendre qu'il voulait loger chez moi, j'ai tout simplement refusé et il est reparti. Une autre fois, alors que je lavais mon linge au lavoir, un Allemand est venu m'apporter ses habits. J'ai bien compris ce qu'il voulait, mais j'ai quitté les lieux aussitôt. Il pouvait toujours courir. Pensez donc, me demander ça à moi alors que mon mari était prisonnier! Ce devait être cette voisine qui les envoyait, elle savait bien nous montrer qu'elle avait moins de restrictions alimentaires que nous, mais je préférais me passer de pain plutôt que de manger le pain des Allemands.

Je n’ai pas trop manqué de choses pendant la guerre, j'avais un petit jardin pour moi toute seule, mes parents habitaient pas loin et mes beaux parents tenaient une ferme alors ça allait. Bien sûr on ne mangeait pas tout ce qu'on voulait, mais juste ce qu'on pouvait. J'avais mon salaire, une carte d'alimentation, j'arrivais donc à faire.

Je me souviens de la libération de Ramonchamp. Le jour même, ou peut-être le lendemain, les gens de Ramonchamp ont défilé dans le pays. Moi je les regardais de ma fenêtre. J'ai été conviée à les rejoindre, mais je n'ai pas voulu, parce que Marcel n'était pas libéré lui. Je trouvais que ce n'était pas ma place, mon mari était peut être mort, quelque part, sans que je le sache alors, non, un peu de réserve, je resterais chez moi.
Le soir, il y a eu un bal à la salle des fêtes au village. Là non plus je n'ai pas voulu y aller mais les copines ont insisté et j'ai dû me résoudre à les suivre. Je suis restée un peu avec elles, mais pas question pour moi de danser. Je suis restée assise. Ma première danse, ce serait pour mon mari, alors je suis revenue chez moi, vers minuit.

Je ne sais plus où, ni dans quel pays mon mari était prisonnier, ce que je me souviens c'est qu'il a pris le bateau, puis l'avion pour revenir. Il a atterri à Paris. Il m'a envoyé une carte depuis Paris, mais elle n'est arrivée qu'après lui.
Le jour de la fête Dieu, (Le 30 avril en 1945 - Ndr), j'étais allée à la messe et je suis allée manger chez mes parents ensuite. J'avais fini de manger lorsque notre attention a été attirée par notre voisine qui parlait à un homme devant chez moi. La fenêtre de maman donnait sur mon appartement. Maman me dit: « Mais, c'est Marcel! ». Je ne le reconnaissais pas, je le voyais de dos. Je n'y croyais pas. Maman me dit à nouveau: « Mais si, c'est Marcel ! ». Je n'arrivais toujours pas à y croire jusqu'au moment où la voisine a tendu le bras dans notre direction. L'homme a pris sa petite valise et s'est dirigé vers nous. Là, il a bien fallu que je l'admette, c'était bien mon Marcel qui revenait de la guerre. Quel bonheur! Quelle joie, j'avais peine à y croire.
Nous sommes sortis et j'ai accouru. Marcel était déguenillé, mais c'était bien lui, grand et fort. Il devait être deux heures de l'après midi, comme il n'avait rien dans le ventre, je lui ai préparé un bon petit plat. Je me souviens être allée au grenier où j'avais aménagé une cache que les Allemands n'ont jamais trouvée. Derrière un tas de fagots j'avais caché quelques réserves, dont quelques bouteilles de vin. J'en ai débouché une pour l'occasion.
La nouvelle s'est vite répandue et tous les voisins sont venus voir mon Marcel. Je me suis retrouvée avec du monde plein la maison.

-------- ( Margueritte MILLOTTE est décédée le 16/04/2010 --- NDR)






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