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LE THILLOT - SOUVENIRS DE MARIE THERESE CUNAT VVE AUGUSTE BRIOT

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LE THILLOT - SOUVENIRS DE MARIE THERESE CUNAT VVE AUGUSTE BRIOT Empty LE THILLOT - SOUVENIRS DE MARIE THERESE CUNAT VVE AUGUSTE BRIOT

Message par yves philippe Dim 16 Oct 2016 - 16:46

Pour la guerre, mon mari a tiré le mauvais numéro et il a été mobilisé. Il a été fait prisonnier en 40 et s'est retrouvé dans la Forêt Noire. Il a été parti huit ans. Comme nous étions sur une ferme vous imaginez le travail que j'ai dû endurer pendant toute cette période.
J'ai accouché à la maison de mon fils le 14 janvier 1940. C'était l'hiver, la sage femme, Mme Jacquot, était venue du Thillot à pied, dans la neige. Vous voyez que j'ai eu de quoi m'occuper par la suite. J'avais pu l'appeler assez tôt parce qu'il y avait un téléphone public à la maison.

J'avais cinq vaches à gérer, je transformais le lait, je faisais du fromage. Mes journées étaient plutôt trop courtes, entre le travail à faire et mon gamin à m'occuper.

Je me souviens que pour certains travaux, je mettais les habits de mon homme car ce n'était pas commode avec mes habits de femme. Par exemple ce n'était pas facile de soulever les draps de foin avec les grandes cottes de l'époque. On marchait dessus lorsqu'on voulait se relever avec le drap de foin et on ne pouvait plus se mettre debout, alors je mettais les habits de mon mari. J'étais donc en avance sur mon temps puisqu'aujourd'hui toutes les femmes mettent des pantalons.

En 1943/44 , je me souviens que j'étais allée à Bussang en passant par les hauts. On se déplaçait à pied à l'époque, je n'avais pas d'autres moyens de locomotion. Je me rappelle avoir été effrayée par deux hommes à la croix de Fresse, un avait un grand couteau à la main et le second avait une barre de fer serrée entre les dents. On aurait dit des aviateurs. Je n'ai jamais compris ce qu'ils voulaient et ce qu'ils faisaient là, mais je peux vous dire que ça fait une drôle d'impression en pleine forêt. Cette fois-là, c’est Mr Lieffroy, le marchand de vaches du Thillot, qui m'a reconduite depuis Bussang.

Vous savez, ça fait drôle pour une femme seule d'être réveillée à deux heures du matin par deux Boches qui veulent vous piquer vos poules. Je leur disais « prenez mon coq, il ne fait pas d'œufs », j'en avais besoin de mes œufs! Mais les Boches ils faisaient bien ce qu'ils voulaient, on n'avait qu'à la boucler et puis c'est tout. La nourriture primait, pour eux comme pour nous.
J'ai eu plusieurs vaches réquisitionnées. Le plus dur à avaler c'est que c'étaient des Français qui venaient pour réquisitionner.

J'ai dû conduire une de mes vaches à Bussang, à pied, pour la réquisition. J'étais obligée de confier mon gamin à mes sœurs qui vivaient dans les cités du Prey.

J'ai aussi donné beaucoup de nourriture à des gens qui montaient dans les fermes pour trouver un peu quelque chose. Je donnais ce que je pouvais, des fois il m'est arrivé de ne plus pouvoir donner quoi que ce soit, je n'avais même plus pour moi. Malgré ça, des fois, les gens insistaient, ils avaient tant besoin. Je me souviens d'un homme qui m'a pris du fromage alors qu'il n'était même pas achevé, je n'avais plus que ça à offrir.

Je connais certains jeunes qui mériteraient d'avoir un peu faim, ça leur permettrait de faire un peu plus attention aux choses et de mieux comprendre ce qu'on a vécu.

En 44, nous avons vécu de durs moments. Les Allemands s'étaient réfugiés sur la colline au dessus de chez nous et nous étions bombardés depuis les dessus de Ramonchamp/Ferdrupt. Je vivais dans ma cave. Je me suis retrouvée avec des trous d'obus dans les champs partout autour de la maison. Il a bien fallu les reboucher les trous d'obus!

Avant cela je n'étais plus maître chez moi puisque les Allemands venaient s'y abriter. Avec mon foin ils s'étaient fait un matelas à la grange et ils brûlaient mon bois sans compter dans la cheminée. Ils arrivaient à faire rougir la plaque du fourneau tellement ils chargeaient en bois. Parmi eux il y avait un jeune Français qui avait à peine 18 ans et qui s'était engagé.

J'ai hébergé aussi des gens chez nous. Ils venaient du Thillot. Il y avait Maurice Arnould qui habitait à La Courbe. Marie Antoine et Lucie Perry sont venues aussi, plusieurs fois. Elles m'aidaient sur la ferme, en échange je les hébergeais et les nourrissais. Nous n'avions pas un sou à cette période-là, mais ce qui primait c'était de manger.


(Sur le site de la ville du Thillot, on peut lire ceci :
Fin septembre 1944, l'avance des Alliés dans les Vosges marquait un temps d'arrêt.
Le Thillot recevait les premiers obus le 23 septembre 1944. Toute la population devait vivre dans les caves, sans lumière, avec un ravitaillement insuffisant. Ensuite le bombardement allait en s'intensifiant et c'est au moins 40 000 obus qui tombèrent sur le territoire de la commune. Ceux-ci et les mines causèrent des pertes sévères parmi la population : 32 tués et 29 blessés.
Toute la population devait quitter la localité pour le 11 novembre au soir, toute personne restée sur place après ce délai devait être déportée. Heureusement, sauf un groupe d'impotents, tous ceux qui s'étaient cramponnés à leur foyer, pouvaient rejoindre les lignes françaises, après un pénible exode dans la neige à travers la montagne. Entre temps les Patriotes avaient payé leur tribut : 5 fusillés, 3 décédés en déportation.
Le Thillot était libéré le 26 novembre, les habitants revenaient en foule aussitôt et constataient les dégâts graves ou totaux : - Ecole maternelle et des filles. - Eglise, tous vitraux détruits.
- Immeubles détruits : 19 (comprenant 27 logements, composés de 140 pièces et abritant 108 habitants). - Au total, 50% de la population se trouvait sans abri et des sinistrés de 1940 voyaient une nouvelle fois leur foyer détruit. - Toutes les maisons ont été également plus ou moins gravement sinistrées et plus ou moins pillées. - Toutes les usines étaient gravement sinistrées et leur remise en route partielle nécessitait 2 à 12 mois de travaux. (cf site internet de la ville du Thillot ) – Ndr)

A la libération j'ai vu monter les Tabors devant chez nous, ils allaient sur le dos de leur bourriquots, ou marchant à côté, rejoindre Bussang en passant par la Croix de Fresse.

Mon mari n'est revenu qu'en 1945. L'armée française a occupé l'Allemagne après la guerre et c'est avec un régiment qui revenait en France que mon mari est arrivé à Lure en Haute Saône. Il est revenu jusqu'à la gare du Thillot à bord de la voiture du Curé du Haut du Them qui avait été réquisitionnée. Du Thillot, il est revenu à pied jusque chez nous. Lorsqu'il est arrivé à la maison il a découvert son fils, il ne l'avait jamais vu.

Bien après sa captivité, mon mari disait toujours, le principal c'est de ne pas avoir froid et faim, il avait tant souffert lorsqu'il travaillait sur les routes dans la Forêt Noire.
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Message par yves philippe Dim 16 Oct 2016 - 16:46

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