RUPR SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE ROGER VINCENT
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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RUPR SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE ROGER VINCENT
Étant né en 1921, j'avais 19 ans en juin 1940 lorsqu'on apprend par ordre de la mairie qu'il nous fallait partir vers le sud. On a dû savoir ça dans l'après midi et il fallait partir pour le lendemain matin.
Partir, c'est bien, mais pour aller où ? Tout le monde se regarde, ne sachant que faire, et comment partir. A l'époque il n'y avait pas deux voitures par ménage comme maintenant. Pour ma part, je n'avais même pas le permis de conduire.
Un rendez vous avait été donné près de chez Courroy, au centre de Rupt où des véhicules nous prendraient en compte.
Au matin du 20 juin, je prends donc place parmi les véhicules qui attendaient, à l'arrière d'un camion d'un marchand de charbon de Nancy qui avait de la famille à Rupt. Il me semble qu'il était parent avec le Maire, il n'était pas très âgé et prenait la route comme nous.
Nous voilà partis dans un long cortège infernal, de voitures, de charrettes et de piétons. Arrivés à Dijon (21) le convoi est copieusement arrosé par l'aviation italienne qui prenait les routes en enfilade avec leurs mitrailleuses.
Nous n'avons que juste eu le temps de nous aplatir dans un champ de blé. Beaucoup d'innocents sont restés là.
Après huit heures de route, nous arrivons dans le département du Tarn, à Lavaur (81), au nord est de Toulouse. On a logé dans des appartements désaffectés. On dormait sur des paillasses au dessus d'un atelier d'électricité.
Nous mangions sous un grand hangar à plus de deux cents personnes. Je faisais les peluches afin de pouvoir manger un petit beefsteak en plus, parce que les rations journalières n'étaient pas grosses.
Normalement nous devions toucher dix francs par jours par réfugié, en réalité, on ne mangeait que pour deux francs, je ne sais pas où allait le reste de notre argent.
Vous ne me ferez plus manger de morue depuis cette époque-là!. La morue cuite à l'eau avec deux patates, voilà ce que nous mangions.
J'ai travaillé un peu dans les fermes et fait les vendanges, par ci par là. Je me souviens d'une famille Rigal pour qui j'ai travaillé, j'y suis retourné il y a quelques années.
A la fin, avec un copain, nous avons décidé de faire notre soupe. Là-bas, il y avait le marché tous les matins. J'y allais tous les jours, je revenais avec ce qu'il nous fallait et j'avais payé ça trois fois rien, quelquefois même, les paysans nous donnaient un peu de nourriture.
Au bout de quatre mois et demi, je décide de revenir dans les Vosges. J'ai pris le train jusqu'à Champagnole (39) avec quelques-uns de Rupt.
Nous sommes arrivés à Champagnole le jour de la Toussaint. Il faisait un temps de chien. Nous avions rendez vous chez le maire de la commune où nous avons soupé. Il nous a mis en rapport avec un passeur qui devait nous conduire le lendemain matin à la gare, celle ci se trouvant en zone occupée.
Le lendemain matin, notre passeur, que nous avions payé bien sûr, n'était pas trop dessaoulé et hésitait pour nous conduire. On s'est bien demandé si on allait la passer, cette ligne de démarcation !
On a fini par lui faire tenir parole et par des petits chemins, il nous a conduits à la gare. On a traversé des champs fraîchement labourés, nous avions de la boue presque jusqu'aux genoux. Nous avons donc traversé la ligne en plein jour. Après avoir traversé un petit bois de sapin qui était boueux, nous sommes arrivés sur une ligne de chemin de fer qui était gardée par des sentinelles placées tous les cents mètres.
Arrivé là, le passeur est parti faire un tour, probablement pour régler son affaire avec les Allemands puis il est revenu et nous a fait passer la ligne de chemin de fer.
On ne peut pas croire que les Allemands ne nous ont pas vus!
Par la suite, nous avons repris le train jusqu'à Lure (70) et de là, on est parti à pied. On était bien content de boire un café au « Coq Gaulois », un café de Faucogney (70) que je connaissais.
Une fois revenu à Rupt sur Moselle, pour ne pas être réquisitionné, je suis allé travailler à Lépanges ( lieu dit de Rupt Sur Moselle - Ndr) chez Léon Michel qui était prisonnier. Il avait quelques vaches, alors je donnais un coup de main à sa femme.
Lors d'une réquisition, j'ai été nommé pour conduire une vache à Rupt. En revenant sur Maxonchamp j'ai vu un défilé de vaches qui venaient de je ne sais où, Vecoux, Dommartin probablement. Elles marchaient toutes seules, une derrière l'autre.
Le lendemain de ce jour-là, d'autres gens ont été aussi réquisitionnés, mais ils ont dû aller jusqu'à Belfort, bien souvent en sabots!.
Sur le troupeau de Léon Michel, il ne devait lui rester que deux bêtes à la libération. Ils ont dû toucher le prix d'une vache, bien longtemps après la guerre.
Je ne souhaite pas aux gens de vivre ce qu'on a vu, de toutes façons, je n'en parle même pas, les jeunes ne nous croient qu'à moitié.
A la libération, je me suis engagé avec mon petit cousin, au régiment du Général de Monsabert qui cantonnait dans le château Feltz à Hielle, ( Lieu dit de Rupt Sur Moselle Ndr).
Je suis affecté à la Compagnie du train, 162-27 je crois, pour la durée de la guerre. Une auto est venue nous chercher à Hielle et nous a conduits à Luxeuil (70) où on a formé notre régiment.
A Luxeuil, j'ai commencé par distribuer des habits alors que je n'en avais même pas pour moi.
Nous sommes restés là huit jours environ et avons fait route dans un premier temps sur Lépanges devant Bruyères (88).
A Lépanges devant Bruyères, j'ai été affecté au garage comme mécanicien.
Nous avons pris la direction de l'Alsace, sommes passés par Sainte Marie Aux Mines, Schirmeck etc.
Nous changions de cantonnement au fur et à mesure que les Allemands reculaient.
Nous sommes montés sur Molsheim, puis Obernai, puis Brumath ( 67). Nous avons passé le Rhin la veille ou l'avant-veille de Pâques.
Je me souviens qu'en Allemagne, c'était « table rase ». Il n'y avait plus rien. Tout avait été massacré. J'ai été surpris d'y trouver une vache. Je l'ai traite et on a bu un peu de lait frais.
Nous sommes allés jusqu'à Sigmaringen, au nord du lac de Constance . Ensuite nous sommes revenus sur Baden Baden, puis en Alsace jusqu'à ma démobilisation au bout de treize mois de service.
Partir, c'est bien, mais pour aller où ? Tout le monde se regarde, ne sachant que faire, et comment partir. A l'époque il n'y avait pas deux voitures par ménage comme maintenant. Pour ma part, je n'avais même pas le permis de conduire.
Un rendez vous avait été donné près de chez Courroy, au centre de Rupt où des véhicules nous prendraient en compte.
Au matin du 20 juin, je prends donc place parmi les véhicules qui attendaient, à l'arrière d'un camion d'un marchand de charbon de Nancy qui avait de la famille à Rupt. Il me semble qu'il était parent avec le Maire, il n'était pas très âgé et prenait la route comme nous.
Nous voilà partis dans un long cortège infernal, de voitures, de charrettes et de piétons. Arrivés à Dijon (21) le convoi est copieusement arrosé par l'aviation italienne qui prenait les routes en enfilade avec leurs mitrailleuses.
Nous n'avons que juste eu le temps de nous aplatir dans un champ de blé. Beaucoup d'innocents sont restés là.
Après huit heures de route, nous arrivons dans le département du Tarn, à Lavaur (81), au nord est de Toulouse. On a logé dans des appartements désaffectés. On dormait sur des paillasses au dessus d'un atelier d'électricité.
Nous mangions sous un grand hangar à plus de deux cents personnes. Je faisais les peluches afin de pouvoir manger un petit beefsteak en plus, parce que les rations journalières n'étaient pas grosses.
Normalement nous devions toucher dix francs par jours par réfugié, en réalité, on ne mangeait que pour deux francs, je ne sais pas où allait le reste de notre argent.
Vous ne me ferez plus manger de morue depuis cette époque-là!. La morue cuite à l'eau avec deux patates, voilà ce que nous mangions.
J'ai travaillé un peu dans les fermes et fait les vendanges, par ci par là. Je me souviens d'une famille Rigal pour qui j'ai travaillé, j'y suis retourné il y a quelques années.
A la fin, avec un copain, nous avons décidé de faire notre soupe. Là-bas, il y avait le marché tous les matins. J'y allais tous les jours, je revenais avec ce qu'il nous fallait et j'avais payé ça trois fois rien, quelquefois même, les paysans nous donnaient un peu de nourriture.
Au bout de quatre mois et demi, je décide de revenir dans les Vosges. J'ai pris le train jusqu'à Champagnole (39) avec quelques-uns de Rupt.
Nous sommes arrivés à Champagnole le jour de la Toussaint. Il faisait un temps de chien. Nous avions rendez vous chez le maire de la commune où nous avons soupé. Il nous a mis en rapport avec un passeur qui devait nous conduire le lendemain matin à la gare, celle ci se trouvant en zone occupée.
Le lendemain matin, notre passeur, que nous avions payé bien sûr, n'était pas trop dessaoulé et hésitait pour nous conduire. On s'est bien demandé si on allait la passer, cette ligne de démarcation !
On a fini par lui faire tenir parole et par des petits chemins, il nous a conduits à la gare. On a traversé des champs fraîchement labourés, nous avions de la boue presque jusqu'aux genoux. Nous avons donc traversé la ligne en plein jour. Après avoir traversé un petit bois de sapin qui était boueux, nous sommes arrivés sur une ligne de chemin de fer qui était gardée par des sentinelles placées tous les cents mètres.
Arrivé là, le passeur est parti faire un tour, probablement pour régler son affaire avec les Allemands puis il est revenu et nous a fait passer la ligne de chemin de fer.
On ne peut pas croire que les Allemands ne nous ont pas vus!
Par la suite, nous avons repris le train jusqu'à Lure (70) et de là, on est parti à pied. On était bien content de boire un café au « Coq Gaulois », un café de Faucogney (70) que je connaissais.
Une fois revenu à Rupt sur Moselle, pour ne pas être réquisitionné, je suis allé travailler à Lépanges ( lieu dit de Rupt Sur Moselle - Ndr) chez Léon Michel qui était prisonnier. Il avait quelques vaches, alors je donnais un coup de main à sa femme.
Lors d'une réquisition, j'ai été nommé pour conduire une vache à Rupt. En revenant sur Maxonchamp j'ai vu un défilé de vaches qui venaient de je ne sais où, Vecoux, Dommartin probablement. Elles marchaient toutes seules, une derrière l'autre.
Le lendemain de ce jour-là, d'autres gens ont été aussi réquisitionnés, mais ils ont dû aller jusqu'à Belfort, bien souvent en sabots!.
Sur le troupeau de Léon Michel, il ne devait lui rester que deux bêtes à la libération. Ils ont dû toucher le prix d'une vache, bien longtemps après la guerre.
Je ne souhaite pas aux gens de vivre ce qu'on a vu, de toutes façons, je n'en parle même pas, les jeunes ne nous croient qu'à moitié.
A la libération, je me suis engagé avec mon petit cousin, au régiment du Général de Monsabert qui cantonnait dans le château Feltz à Hielle, ( Lieu dit de Rupt Sur Moselle Ndr).
Je suis affecté à la Compagnie du train, 162-27 je crois, pour la durée de la guerre. Une auto est venue nous chercher à Hielle et nous a conduits à Luxeuil (70) où on a formé notre régiment.
A Luxeuil, j'ai commencé par distribuer des habits alors que je n'en avais même pas pour moi.
Nous sommes restés là huit jours environ et avons fait route dans un premier temps sur Lépanges devant Bruyères (88).
A Lépanges devant Bruyères, j'ai été affecté au garage comme mécanicien.
Nous avons pris la direction de l'Alsace, sommes passés par Sainte Marie Aux Mines, Schirmeck etc.
Nous changions de cantonnement au fur et à mesure que les Allemands reculaient.
Nous sommes montés sur Molsheim, puis Obernai, puis Brumath ( 67). Nous avons passé le Rhin la veille ou l'avant-veille de Pâques.
Je me souviens qu'en Allemagne, c'était « table rase ». Il n'y avait plus rien. Tout avait été massacré. J'ai été surpris d'y trouver une vache. Je l'ai traite et on a bu un peu de lait frais.
Nous sommes allés jusqu'à Sigmaringen, au nord du lac de Constance . Ensuite nous sommes revenus sur Baden Baden, puis en Alsace jusqu'à ma démobilisation au bout de treize mois de service.
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
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