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BUSSANG - SOUVENIRS DE ROGER HANS

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Message par yves philippe Dim 16 Oct 2016 - 20:22

En 1940, j'avais 16 ans. Il fallait être aveugle pour ne pas voir la différence entre l'armée française et l'armée allemande.
L'ennemi était aussi bien équipé que discipliné, tout le contraire de l'armée française.
Je vous donne juste une image qui vous donnera une idée de nos soldats, ils étaient encore équipés de mulets.

C'était étrange, il me semble que lorsque Bussang s'est retrouvé sous le contrôle allemand, l'armistice était déjà signé. La vraie guerre n'était pas vraiment passée par chez nous, ce qui n'était pas plus mal en fin de compte..
Nous les jeunes, avions été mis en garde par les vieux qui avaient fait la guerre 14. Les Boches étaient selon eux des barbares, au final, on a bien vu que la troupe régulière n'était pas plus mauvaise qu'une autre.
S'il y avait des salopards chez eux, il ne faut pas oublier qu'il y en avait aussi chez nous et dans la même proportion.

Il y a bien eu ce réfugié qui a été tué à la baïonnette par un Allemand au début de leur arrivée en 40, mais je n'en connais pas les circonstances. Il y a eu aussi cette journée de bombardement qui précédait l'arrivée de l'ennemi, mais en dehors de ça, il n'y a pas eu de gros événements au début de la guerre.
Les Boches étaient là en vainqueurs, l'armée française avait pris la poudre d'escampette ou était prisonnière.
Mon premier engagement dans cette guerre s'est déroulé en juin 40 lorsque l'envahisseur a envoyé des obus sur le centre du village. Les maisons de la place brûlaient. François Pottecher, qui était le maire de Bussang, m'a demandé d'aller chercher mon oncle, lequel était lieutenant des pompiers.
Mon oncle étant allé se cacher en haut de l'Amerey, j'ai fait le déplacement à pied mais en cours de route, je me suis retrouvé devant un Allemand qui m'a mis sa baïonnette sur le ventre. Je ne sais pas ce qu'il me voulait puisque je ne comprenais pas l'allemand, toujours est- il que j'ai bien compris qu'il fallait que je m'arrête.
A 16 ans, sentir le pointu d'une baïonnette sur le corps ne vous engage pas à faire le malin, je peux vous l'assurer. Il m'a tout de même laissé repartir.

Au final, les Allemands n'ont fait que passer et un semblant de vie normale a repris. On en a profité pour récupérer ce que l'armée française avait abandonné. Évidemment, nous les jeunes étions attirés par les armes, il en traînait partout.
Des voituriers ont même été réquisitionnés pour ramasser toutes les armes et les munitions qui traînaient. Ils ont dû aller les enterrer dans des trous individuels qui avaient été faits par les soldats de 40.

On a mangé aussi du steak de cheval. Les chevaux de l'armée de 40 avaient été abandonnés eux aussi, ils finissaient par redevenir sauvages, alors ils étaient aussi bien dans nos assiettes.

Le temps a passé jusqu'au jour où les jeunes arrivaient à un âge où ils devaient faire un choix. Soit aller travailler en forêt, soit dans une ferme, soit en Allemagne.
Comme je n'étais très enclin à aller dans une ferme et encore moins en Allemagne, je me suis retrouvé en forêt.

En 1941 – 42, je suivais des cours de radio par correspondance auprès de l'école centrale de T S F qui était basée à Paris.
Cette formation me donnait la possibilité d'aller faire un stage sur place avant de passer l'examen, alors j'ai profité de cette occasion pour filer comme étudiant sur Paris. De ce fait je n'étais plus sur Bussang lorsque s'y sont déroulées les scènes tragiques de l'occupation du village, avec ses rafles, ses réquisitions et autres moments bouleversants.

J'ai donc quitté mon travail à Bussang sans l'autorisation de mon patron et encore moins celle de l'inspecteur du travail. Cela m'a valu d'être convoqué au commissariat de police du 10ème arrondissement pour me justifier.
J'ai passé mon concours et ai trouvé un emploi à la Compagnie des Compteurs située à Montrouge (Haut de Seine). C'était une entreprise qui construisait des instruments de mesure, des compteurs électriques, des voltmètres et tous autres appareils de ce genre.
J'ai été approché par les réseaux de résistants, mais je me méfiais, on ne savait jamais à qui on avait affaire.
J'avais une fausse carte d'identité, je m'appelais Roger Hugues, né à Equerdreville dans la Manche, allez savoir pourquoi ! mais au final, cette carte ne m'a jamais servi.

Je me souviens que dans les moments du bombardement de la gare de La Chapelle, mon lit tremblait alors que je me trouvais à trois kilomètres de là.
Le plus empoisonnant pour moi était l'arrêt du métro. Je devais alors faire plusieurs kilomètres à pied pour aller au travail.
Le métro servant également d'abri à la population, il fallait s'assurer que le réseau soit à nouveau libre pour remettre les lignes en route, et à chaque nouvelle alerte, tout s'arrêtait à nouveau.

Il me fallait tout de même faire attention aux rafles, mais ce n'était pas difficile, elles avaient lieu toujours aux mêmes places, là où se passaient les trafics de cigarettes. Comme je ne fumais pas, j'étais protégé de ce côté là.

J'ai donc traversé des deux dernières années de la guerre à Paris et je me suis engagé dans l'armée après la libération de Paris, en septembre 1944.
Je me suis retrouvé pour quatre ans dans l'armée de l'air. J'ai fais un an à Fez au Maroc. Là on avait été vaccinés avec des piqures anti-typhiques. On s'est tous retrouvés avec de gros abcès dans le dos, visiblement, le sérum n'était plus bon. J'en garde les traces aujourd'hui encore. Par la suite, je suis revenu à Cazaux, près d'Arcachon, la guerre était finie.
J'aurais peut être fait ma carrière là-dedans, mais j'étais dégoûté de voir la vétusté de nos matériels. On devait travailler avec du matériel anglais alors au bout de mon contrat, je suis revenu à Bussang et les connaissances que j'avais acquises m'ont permis de monter mon affaire en électricité.


yves philippe
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