LE THILLOT - SOUVENIRS D'YVAN LAMBERT
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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LE THILLOT - SOUVENIRS D'YVAN LAMBERT
Comme j'ai eu vingt ans en 1944, je n'ai pas passé le conseil de révision, ça n'existait plus à ce moment là, par contre nous passions des visites médicales à EPINAL qui étaient faites par des personnels allemands.
J'ai passé trois fois cette visite médicale mais comme j'avais eu une santé précaire étant plus jeune, suite à des problèmes osseux, j'ai fait jouer mes certificats médicaux, et ai été à chaque fois réformé. Je dois vous dire que ça m'arrangeait bien.
Je crois même qu'en plus, toute la classe 44 a été d'ailleurs exemptée de service militaire. Ceux de mon âge, je crois, qui ont participé aux opérations militaires étaient des engagés volontaires.
Par contre j'ai été réquisitionné plusieurs fois pour faire des tranchées sur Chaillon.
A chacun sa destinée, moi, je suis passé à travers toute cette période troublée qu'est 39/45. Mes camarades ont eu la leur, beaucoup plus risquée ou tragique, comme Pierrot Valdenaire qui s'est engagé, comme, Guy Daval, comme Pierrot Munsch, du garage, qui malheureusement a été embarqué par les Allemands et qui n'est d'ailleurs jamais revenu de déportation.
En 1940, mon père était, comme beaucoup, mobilisé. A l'époque il travaillait chez Sailley au Thillot. Pierre Sailley père a demandé à ce que j'aille travailler au tissage. J'ai commencé comme novice à la manutention et au final, j'y ai terminé ma carrière avec un poste de cadre administratif.
En 1940 toujours, j'habitais déjà au Thillot, en face de la mairie actuelle, derrière ce qui est le magasin du tissage de la Mouline, au centre du Thillot.
Comme il ne faisait plus bon être jeune homme à ce moment là, en raison des réquisitions en personnel, j'ai trouvé refuge, avec Guy Daval, chez Mme FRESSE à la Chapelle des Vés.
Nous nous trouvions là, plus exactement à la ferme Collilieux, le soir où la poudrière du Thillot a sauté. Nous nous sommes demandés ce qu'il se passait tellement la détonation a été forte.
Nous sommes redescendus au village quelque temps plus tard, tout le quartier de la gare était saccagé. Les vitres les portes, les toitures avaient volé en éclats par l'effet de souffle.
Par ailleurs dans ce même laps de temps tout le secteur de l'ancienne mairie du Thillot avait été brûlé par les Allemands. La mairie, le café Bontemps, le café Mangin, la maison Sellier, le café Valdenaire, le garage Athier, l'imprimerie Demange, le cinéma des Lilas et la maison Rouillon, en fait, tous les bâtiments qui se trouvaient à l'époque dans le secteur de la place de l'hôtel de ville actuellement, ont été brûlés.
Notre maison quant à elle, avait été éventrée, ce qui fait que je n'ai même plus de vieux souvenirs puisqu'une bonne partie d'entre eux, en tout cas sur le plan matériel, sont partis avec la toiture de notre maison.
Les tissages ont continué à travailler un peu mais ont également souffert des bombardements. En ce qui concerne le tissage Sailley, bien qu'ayant pris deux ou trois obus, il n'a pas trop souffert et a pu prendre quelques ouvriers des tissages environnants comme celui de chez Dreyer, afin qu'un peu d'argent continue à entrer dans certains foyers.
Je me souviens de ce soir où tous les hommes du Thillot ont dû être rassemblés devant la mairie qui avait été transférée dans ce qui est aujourd'hui l'espace Marcel Parmentier.
Cécile Valence qui était secrétaire de mairie devait recenser les gens, elle tenait un listing et devait justifier des identités.
Je me voyais mal parti puisque nous étions encerclés par des cars et une rangée d'hommes armés de leur mitraillette. Heureusement que la secrétaire me connaissait puisque j'allais me faire couper les cheveux chez ses parents qui tenaient un salon de coiffure en dessous de l'église. Tout compte fait ça s'est bien passé pour moi et un gradé allemand a pris la parole et nous a harangués, nous disant qu'il ne fallait pas écouter la radio de Londres et tout un tas de mises en garde qu'il nous fallait respecter.
En 1944, le Thillot a été évacué. Pour ma part, j'habitais à cette époque là au dessus de la boulangerie des arcades au Thillot et les archives de la mairie avaient été transportées dans les caves en dessous des arcades qui étaient utilisées initialement par un marchand de vin.
Je me souviens de ce jour, ce devait être fin octobre, où j'ai croisé, devant les arcades, Georges Grosjean, maire adjoint avec Ernest François le maire. Ils sortaient de la Kommandantur qui se tenait à la place de la perception actuelle.
Avec mon père, ils nous ont fortement conseillé d'évacuer le Thillot dans le quart d'heure. Nous n'avions aucune obligation de le faire mais nous avons bien compris que c'était la meilleure solution.
Dans le quart d'heure, nous sommes partis en direction de Ferdrupt, donc sans avoir pu préparer aucun bagage.
Je me souviens que nous n'avons pas pris l'itinéraire qui était recommandé et qui nous obligeait à aller jusqu'aux Fenesses, au Ménil, où les « Noni-Ambroise » ( Famille Chevrier Ndr), faisaient passer les lignes.
Nous sommes allés au plus droit en nous dirigeant vers La Mouline, mais avons été régulièrement canardés ce qui fait que nous avancions autant couchés que debout.
Nous avons fini par rejoindre sans trop de mal le chalet de la Flaconnière, où nous avons retrouvé des gens du Thillot sur les coups de midi, comme Mr Achille Laurent.
Comme nous n'avions pas eu le temps de prendre à manger, nous avons partagé avec lui une boîte de sardines à trois.
Par la suite nous avons été dirigés vers le Col de Morbieux où nous avons retrouvés Mr Henri Grosjean, le tanneur, qui avait pris un peu plus à manger et qui a partagé avec nous ce qu'il avait.
Ensuite, nous nous sommes retrouvés dans les lignes françaises où nous avons mangé un peu de pain blanc avec du chocolat.
Nous avons été dirigés ensuite sur Remiremont. A Remiremont, un gradé de l'armée je crois, m'a embauché pour réceptionner et redispatcher les valises des gens évacués. En effet, les gens montaient dans des GMC, ( Camion Américains de marque Général Motors Corporation - Ndr), tandis que leurs valises et bagages divers étaient chargés, pèle mêle, dans d'autres GMC. Comme ces bagages, faits dans la hâte n'avaient pas été étiquetés, il me revenait la charge de les ouvrir et de tenter de trouver des identités afin qu'ils soient restitués à leurs légitimes propriétaires.
Le local où étaient entreposés ces bagages devait être le local du catéchisme. Il y avait là des valises, des paquets, des sacs et divers effets personnels. Je me suis retrouvé là à travailler avec Mr Lohner, qui était gérant de la coopérative ouvrière du Thillot.
On fouillait donc les sacs non identifiés pour tenter justement de leur donner un nom.
Au final, seul le Thillot a été évacué, on n'a jamais trop su pourquoi. Nous sommes tous partis de manière individuelle, dans l'urgence, sans même avoir le temps de nous concerter.
Ma mère est partie à pied de son côté, elle est allée jusqu'au Ménil où le passeur Chevrier l'a fait monter dans la forêt du Géhan par un sentier assez raide. Ensuite les gens devaient rejoindre “La Cabane des Italiens” en suivant le chemin, tout ça dans la neige, où les alliés attendaient.
C'est dans ces circonstances que Mr et Mme Witte du Thillot sont décédés en sautant sur une mine. Les Allemands avaient sans doute repéré le passage et l'avaient piégé.
Ma belle mère, Mme Duchanois était passée également par là. Elle se trouvait avec un frère à Charles Rigolat lorsque leur charrette a déclenché une mine qui a tué Mr Rigolat.
Ces drames s'ajoutaient encore aux drames du moment qu'étaient la débâcle et la guerre.
Je suis revenu au Thillot quelques jours après la libération du village, ce qui devait donner aux environs du 24-25 novembre 1944.
J'ai passé trois fois cette visite médicale mais comme j'avais eu une santé précaire étant plus jeune, suite à des problèmes osseux, j'ai fait jouer mes certificats médicaux, et ai été à chaque fois réformé. Je dois vous dire que ça m'arrangeait bien.
Je crois même qu'en plus, toute la classe 44 a été d'ailleurs exemptée de service militaire. Ceux de mon âge, je crois, qui ont participé aux opérations militaires étaient des engagés volontaires.
Par contre j'ai été réquisitionné plusieurs fois pour faire des tranchées sur Chaillon.
A chacun sa destinée, moi, je suis passé à travers toute cette période troublée qu'est 39/45. Mes camarades ont eu la leur, beaucoup plus risquée ou tragique, comme Pierrot Valdenaire qui s'est engagé, comme, Guy Daval, comme Pierrot Munsch, du garage, qui malheureusement a été embarqué par les Allemands et qui n'est d'ailleurs jamais revenu de déportation.
En 1940, mon père était, comme beaucoup, mobilisé. A l'époque il travaillait chez Sailley au Thillot. Pierre Sailley père a demandé à ce que j'aille travailler au tissage. J'ai commencé comme novice à la manutention et au final, j'y ai terminé ma carrière avec un poste de cadre administratif.
En 1940 toujours, j'habitais déjà au Thillot, en face de la mairie actuelle, derrière ce qui est le magasin du tissage de la Mouline, au centre du Thillot.
Comme il ne faisait plus bon être jeune homme à ce moment là, en raison des réquisitions en personnel, j'ai trouvé refuge, avec Guy Daval, chez Mme FRESSE à la Chapelle des Vés.
Nous nous trouvions là, plus exactement à la ferme Collilieux, le soir où la poudrière du Thillot a sauté. Nous nous sommes demandés ce qu'il se passait tellement la détonation a été forte.
Nous sommes redescendus au village quelque temps plus tard, tout le quartier de la gare était saccagé. Les vitres les portes, les toitures avaient volé en éclats par l'effet de souffle.
Par ailleurs dans ce même laps de temps tout le secteur de l'ancienne mairie du Thillot avait été brûlé par les Allemands. La mairie, le café Bontemps, le café Mangin, la maison Sellier, le café Valdenaire, le garage Athier, l'imprimerie Demange, le cinéma des Lilas et la maison Rouillon, en fait, tous les bâtiments qui se trouvaient à l'époque dans le secteur de la place de l'hôtel de ville actuellement, ont été brûlés.
Notre maison quant à elle, avait été éventrée, ce qui fait que je n'ai même plus de vieux souvenirs puisqu'une bonne partie d'entre eux, en tout cas sur le plan matériel, sont partis avec la toiture de notre maison.
Les tissages ont continué à travailler un peu mais ont également souffert des bombardements. En ce qui concerne le tissage Sailley, bien qu'ayant pris deux ou trois obus, il n'a pas trop souffert et a pu prendre quelques ouvriers des tissages environnants comme celui de chez Dreyer, afin qu'un peu d'argent continue à entrer dans certains foyers.
Je me souviens de ce soir où tous les hommes du Thillot ont dû être rassemblés devant la mairie qui avait été transférée dans ce qui est aujourd'hui l'espace Marcel Parmentier.
Cécile Valence qui était secrétaire de mairie devait recenser les gens, elle tenait un listing et devait justifier des identités.
Je me voyais mal parti puisque nous étions encerclés par des cars et une rangée d'hommes armés de leur mitraillette. Heureusement que la secrétaire me connaissait puisque j'allais me faire couper les cheveux chez ses parents qui tenaient un salon de coiffure en dessous de l'église. Tout compte fait ça s'est bien passé pour moi et un gradé allemand a pris la parole et nous a harangués, nous disant qu'il ne fallait pas écouter la radio de Londres et tout un tas de mises en garde qu'il nous fallait respecter.
En 1944, le Thillot a été évacué. Pour ma part, j'habitais à cette époque là au dessus de la boulangerie des arcades au Thillot et les archives de la mairie avaient été transportées dans les caves en dessous des arcades qui étaient utilisées initialement par un marchand de vin.
Je me souviens de ce jour, ce devait être fin octobre, où j'ai croisé, devant les arcades, Georges Grosjean, maire adjoint avec Ernest François le maire. Ils sortaient de la Kommandantur qui se tenait à la place de la perception actuelle.
Avec mon père, ils nous ont fortement conseillé d'évacuer le Thillot dans le quart d'heure. Nous n'avions aucune obligation de le faire mais nous avons bien compris que c'était la meilleure solution.
Dans le quart d'heure, nous sommes partis en direction de Ferdrupt, donc sans avoir pu préparer aucun bagage.
Je me souviens que nous n'avons pas pris l'itinéraire qui était recommandé et qui nous obligeait à aller jusqu'aux Fenesses, au Ménil, où les « Noni-Ambroise » ( Famille Chevrier Ndr), faisaient passer les lignes.
Nous sommes allés au plus droit en nous dirigeant vers La Mouline, mais avons été régulièrement canardés ce qui fait que nous avancions autant couchés que debout.
Nous avons fini par rejoindre sans trop de mal le chalet de la Flaconnière, où nous avons retrouvé des gens du Thillot sur les coups de midi, comme Mr Achille Laurent.
Comme nous n'avions pas eu le temps de prendre à manger, nous avons partagé avec lui une boîte de sardines à trois.
Par la suite nous avons été dirigés vers le Col de Morbieux où nous avons retrouvés Mr Henri Grosjean, le tanneur, qui avait pris un peu plus à manger et qui a partagé avec nous ce qu'il avait.
Ensuite, nous nous sommes retrouvés dans les lignes françaises où nous avons mangé un peu de pain blanc avec du chocolat.
Nous avons été dirigés ensuite sur Remiremont. A Remiremont, un gradé de l'armée je crois, m'a embauché pour réceptionner et redispatcher les valises des gens évacués. En effet, les gens montaient dans des GMC, ( Camion Américains de marque Général Motors Corporation - Ndr), tandis que leurs valises et bagages divers étaient chargés, pèle mêle, dans d'autres GMC. Comme ces bagages, faits dans la hâte n'avaient pas été étiquetés, il me revenait la charge de les ouvrir et de tenter de trouver des identités afin qu'ils soient restitués à leurs légitimes propriétaires.
Le local où étaient entreposés ces bagages devait être le local du catéchisme. Il y avait là des valises, des paquets, des sacs et divers effets personnels. Je me suis retrouvé là à travailler avec Mr Lohner, qui était gérant de la coopérative ouvrière du Thillot.
On fouillait donc les sacs non identifiés pour tenter justement de leur donner un nom.
Au final, seul le Thillot a été évacué, on n'a jamais trop su pourquoi. Nous sommes tous partis de manière individuelle, dans l'urgence, sans même avoir le temps de nous concerter.
Ma mère est partie à pied de son côté, elle est allée jusqu'au Ménil où le passeur Chevrier l'a fait monter dans la forêt du Géhan par un sentier assez raide. Ensuite les gens devaient rejoindre “La Cabane des Italiens” en suivant le chemin, tout ça dans la neige, où les alliés attendaient.
C'est dans ces circonstances que Mr et Mme Witte du Thillot sont décédés en sautant sur une mine. Les Allemands avaient sans doute repéré le passage et l'avaient piégé.
Ma belle mère, Mme Duchanois était passée également par là. Elle se trouvait avec un frère à Charles Rigolat lorsque leur charrette a déclenché une mine qui a tué Mr Rigolat.
Ces drames s'ajoutaient encore aux drames du moment qu'étaient la débâcle et la guerre.
Je suis revenu au Thillot quelques jours après la libération du village, ce qui devait donner aux environs du 24-25 novembre 1944.
yves philippe- MODERATEUR
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Ville : le Ménil
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Date d'inscription : 28/12/2010
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