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RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE JEAN FEBVAY

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Message par yves philippe Dim 16 Oct 2016 - 10:32

J'ai vu le jour le 02 février 1921 dans la ferme familiale du pré Daval, sur les hauteurs du Chêne à Rupt Sur Moselle (88).
A la déclaration de guerre, j'avais juste 18 ans.
Au mois de juin 1940, l'armée française était en déroute, les Allemands étaient déjà sur Vesoul.
Pour ne pas être fait prisonnier, j'ai décidé de partir avec Yvan Chonavel de Rupt sur Moselle.

Nous sommes partis avec nos vélos et les quelques habits que nous avions sur le dos. Nous n'avions pas de but précis sauf celui de rester libres.

Au Col du Mont de Fourche, nous avons rencontré trois gars qui étaient originaires de Provenchères Sur Fave (88). Il y avait les deux frères Guidat et le facteur de ce village dont j'ai oublié le nom.

Nous avons passé notre première nuit sur un trottoir, à même le sol, à Villersexcel (Haute Saône).

Le lendemain, sur Besançon (Doubs), en raison d'un bombardement, notre groupe a éclaté. Avec Yvan, nous nous sommes perdus dans Besançon.

Au fur et à mesure que nous avancions, nous nous ravitaillions auprès des soldats français qu'on trouvait. Ils nous donnaient des boites de rations.
De ce côté-là, ils avaient ce qu'il fallait. Je me souviens également avoir cueilli des cerises et des choses comme ça.

Le soir, nous avons dormi dans la cabine « serre frein », d'un wagon de marchandises. Nous étions sur Bourg en Bresse (Ain). Nous avions attaché nos vélos à la cabine, pour ne pas qu'on nous les pique.
A notre réveil, nous avons décidé de prendre des places plus convenables dans le train. En nous faufilant parmi les gens, nous sommes tombés sur nos trois copains de Provenchères qui dormaient à même le plancher.

Nous avons donc pris le train vers Lyon (Rhône), puis Valence (Drôme). Dans ce secteur là, vers Toulouse (Haute Garonne), un contrôleur demandait aux gens qui n'avaient pas de famille dans le sud, de descendre du train. Nous on s'est dit que puisqu'on était dans le train, on y resterait jusqu'au bout. Au final, nous sommes descendus du train à Tarbes (Hautes Pyrénées).

A Tarbes, nous sommes allés dans un premier temps dans un camp de réfugiés où nous avons vécu pendant quelque temps à la grâce de Dieu. Ensuite, tous les cinq, nous avons été désignés pour aller travailler dans des fermes, sur Bazillac (Hautes Pyrénées) près de Pau (Pyrénées Atlantiques). Moi je suis resté avec Yvan Chonavel et les trois copains de Provenchères sont allés dans une autre ferme.
Nous on travaillait pour le compte du Conseiller Général de l'époque.

J'avais de la famille sur Lourdes (Hautes Pyrénées), un nommé Renaud, originaire du Nord et qui était teinturier, dans le secteur de la gare. Il était marié avec ma cousine, une nommée Simon, originaire du secteur de Rambervillers/ St Dié.
Je prenais donc mon vélo et j'allais les voir à Lourdes. J'en ai fait du vélo. Je montais le Tourmalet (65), sans dérailleur. Le Tourmalet, ce n'est pas le Ballon d'Alsace!, et les routes n'étaient pas goudronnées à l'époque.

Le courrier passait encore, on écrivait des petites cartes où il y avait juste la place pour mettre trois quatre mots; « Je vais bien ».

Je suis donc resté dans le sud de fin juin 1940 à décembre 1940.
Là-bas, on nous appelait « Les Boches de l'Est ».
Par le courrier, j'ai appris que ma mère était bien malade, alors j'ai décidé de revenir à Rupt sur Moselle.

Début janvier 1941, j'ai donc repris le train, mais depuis mon départ, la ligne de démarcation avait été mise en place et chez nous dans les Vosges, c'était la zone interdite.
J'ai fait enregistrer mon vélo à la gare de Pouilly (Loire). Je n'avais pas de laisser passer, il me fallait donc trouver un passeur.

Il avait été convenu par ce dernier qu'on profiterait d'une relève entre deux équipes d'Allemands qui surveillaient un pont, pour passer la ligne.
Malheureusement, il n'y a pas eu de relève et il a fallu qu'on s'évapore dans la nature.
Il y avait dix centimètres de neige et j'avais des petites chaussures. J'ai passé la nuit dans la forêt et j'ai eu les pieds gelés.
J'ai pu passer les lignes un peu plus tard, vers Poligny/ Arbois (Jura), puis à Chamblay (Jura) où j'ai traversé la rivière la Loue.
Ensuite, nous avons traversé un bois et sommes arrivés à Dôle (Jura).

A Dôle, il y avait des cars qui reliaient la Haute Saône. Là, je me suis retrouvé avec Mr Piallat, l'ancien directeur d'école de Rupt sur Moselle.
Comme je sortais du bois, j'étais couvert de boue de la tête aux pieds. Je me demande bien comment j'ai fait pour ne pas être contrôlé tellement j'étais sale.
Ça va que c'était en 1941, ça allait encore. De toute façon, les Allemands savaient bien que des Français passaient les lignes.
Je me souviens, j'étais couvert de poux blancs que j'avais dû attraper ça et là, en me frottant à la misère.

J'étais jeune et alerte, Mr Pialat était plus âgé, j'ai pu prendre le car mais pas lui, il y avait trop de monde. Il n'est revenu que le lendemain. Nous en avons reparlé ensemble après la guerre, je lui ai dit que je n'aurais laissé ma place à personne tellement j'étais pressé de revenir.
A Vesoul (Haute Saône), la ligne Vesoul/Corravillers existait déjà alors j'ai eu tôt fait de me retrouver au pied du Mont de Fourche.

Arrivé à la ferme des Près Daval, mes parents m'ont accueilli avec soulagement. Ils étaient très inquiets parce qu'ils avaient bien récupéré mon vélo à la gare de Rupt sur Moselle depuis belle lurette, mais le bonhomme tardait à revenir.

Le lendemain de ce jour-là, je suis allé à la messe, c'était la messe anniversaire du grand père à Robert Parmentier, l'ancien maire de Rupt.
Robert n'était pas rentré, il avait dû être fait prisonnier du côté de la Vendée, et mis dans un camp de jeunesse, que Pétain avait créé, je crois.
J'ai donc repris mon travail à la ferme l'été et à l'usine l'hiver.
J'ai eu de la chance, je travaillais dans une ferme et les paysans n'étaient pas réquisitionnés par les Allemands. Les paysans devaient produire pour permettre les réquisitions.
Une chance aussi que j'étais de la classe 41 parce que toute la classe 42 a été ramassée et conduite dans les camps pour le STO (Service du Travail Obligatoire).
J'ai donc tenu la ferme au rythme des réquisitions des vaches, des cochons et des patates.

Quelques jours avant la libération de Rupt, ce devait être fin septembre, début octobre 1944, (probablement le 22 septembre – Ndr), j'ai dû, comme beaucoup de gens de Rupt et des villages alentour, conduire une vache à la réquisition.
Cette fois-là, il fallait conduire la vache à Ferdrupt. De Ferdrupt, il a fallu qu'on la monte au Thillot. Au Thillot, les vaches ont été rassemblées au parc Bluche.
Là, les Boches nous ont demandé nos pièces d'identité. Ils les ont gardées, et du Thillot, direction Belfort (90), à pied, avec nos bêtes.

(Rupt sur Moselle est distant de 55 Km de Belfort, l'itinéraire emprunté passe par le Ballon d'Alsace, un col culminant à 1150 m d'altitude – Ndr )

Nous avons quitté le Thillot vers 15 heures, il faisait un temps de chien. Nous étions encadrés par des Boches.
Je n'avais rien pris comme habit, je n'ai pu me procurer un manteau qu'à St Maurice auprès d'un nommé Grava.
Nous avons emprunté le Ballon d'Alsace. Les vaches étaient énervées et j'ai perdu la mienne en montant le Ballon.
Je me souviens que la ferme du Pont de Lette, de Rupt, a dû perdre six ou sept vaches sur la dizaine qui lui était demandée.

Nous avons dormi à Lepuix-gy (Territoire de Belfort), en redescendant sur Belfort. Là, c'était infesté d'Allemands. On a dormi dans une sorte d'usine désaffectée entre Lepuix-Gy et Giromagny.
Là, on avait repéré des caisses de ravitaillement qui contenaient du saucisson. Je me souviens, j'étais avec un nommé Duval de Rupt, on s'était dit que ce serait bien s'il y avait une coupure de courant.
Le ciel nous a entendus et grâce à une panne de courant, nous avons pu manger du saucisson.
Le lendemain, nous avons repris la route en direction de Belfort où nous avons laissé les vaches.
Nous étions plus d'une centaine d'hommes à avoir été réquisitionnés, quant aux vaches, elles n'étaient plus autant à l'arrivée, beaucoup s'étaient perdues en route.
Quand une vache se sauvait, on ne pouvait pas la rattraper puisqu'on était encadrés. Toutefois, même les absentes nous ont été payées.
A Belfort, les Allemands nous ont rendu nos pièces d'identité. Nous n'avions qu'une crainte, c'est celle d'être conduit tout droit en Allemagne.

Aucun moyen n'a été mis à notre disposition pour faire le trajet inverse. Nous nous sommes tous dispersés et sommes revenus à pied. Nous avons donc été partis pendant trois jours.

Quelques jours plus tard, nous avons entendu les canons tonner sur la Haute Saône, c'étaient les Allemands qui se repliaient et les Américains qui arrivaient.
Ici, sur Rupt, nous avons eu de la chance, les Allemands ont vite quitté les lieux, ça n'a pas été comme au Ménil où ils sont restés encore longtemps.

Je n'ai donc passé mon conseil de révision qu'en 1945 et été affecté à la Gendarmerie, mais ça n'est resté qu'une formalité puisque je n'y suis jamais allé.

Les frères Guidat, qui avaient fait le voyage avec nous vers le sud en 1940, se sont fait tuer lors de l'attaque d'un maquis vers St Dié.
Moi, je n'ai eu que les doigts de pieds gelés, mais le recueil de ces souvenirs m'a permis, de retrouver mon vieux copain, Yvan Chonavel que je n'avais plus vu depuis longtemps.


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Note du rédacteur
Je précise que cette version de Jean Febvay m'est en partie confirmée par son compagnon d'aventure, Yvan Chonavel, qui décrit ceci dans ses mémoires de guerre, qu'il a bien voulu me faire parvenir, et que je vous rapporte ci dessous:

Je dis en partie confirmée, simplement parce que les deux compères se sont séparés à Tarbes, avant de revenir dans leurs Vosges natales, chacun à sa guise.
( Cf Souvenirs d'Yvan CHONAVEL)
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Message par yves philippe Dim 16 Oct 2016 - 10:36

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