RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE FERNAND MAUFFREY
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE FERNAND MAUFFREY
Je suis né en 21, je n'ai pas été mobilisé, seule la classe 40 a été mobilisée pour le service militaire.
Par contre, vers mai/juin 1940 nous sommes informés que tous les hommes entre 17 et 60 vont devoir aller travailler pour les Allemands et que si nous ne voulions pas l'être, il nous fallait fuir vers le midi de la France.
C'est dans ces circonstances, qu'avec d'autres, j'ai pris place à l'arrière d'un camion qui nous avait ramassés à la croisée des routes à Rupt Sur Moselle et nous sommes partis dans la précipitation avec juste un peu de rechange.
Au départ nous devions nous rendre à Lons Le Saunier dans le Jura.
Arrivés là bas, les différents endroits qui devaient nous héberger étaient déjà pleins de réfugiés, à chaque fois on nous renvoyait toujours un peu plus bas.
Nous avons fini par arriver à Lavaure dans le Tarn.
Heureusement que le chauffeur du camion avait pris un gros bidon de fuel en plus de ses réservoirs. De temps en temps il s'arrêtait pour faire le plein.
Arrivé la bas, j'ai bricolé un peu à droite à gauche, il fallait bien s'occuper. J'ai fait les vendanges, j'ai travaillé un peu chez un boucher.
Il y avait un réseau qui passait le courrier parce que tout était censuré. On déposait la lettre dans un endroit précis, il fallait payer pour que la lettre passe et le passeur mettait le courrier à la poste mais en zone occupée.
Nous sommes revenus vers les Vosges, dans les mois de septembre/octobre 40.
J'ai passé la ligne de nuit vers Lons le Saunier. Il fallait payer le passeur qui nous a fait marcher à travers un bois et des champs.
Je me souviens qu'on distinguait un sentier dans la forêt. Je m'étais réjoui en pensant que c'en était enfin fini de patauger dans la boue. Manque de pot, ce sentier était également un sentier de boue. C'était de la terre grasse, on s'enfonçait jusqu'à la cheville.
Le lendemain, une fois arrivé en ville, les gens voyaient bien qu'on avait passé la ligne, on était crotté jusqu'aux genoux. Il faut dire qu'on n'avait pas d'habit de rechange. Les gens du coin nous ont conseillé de nous nettoyer un peu pour ne pas trop attirer l'attention des Allemands.
Ensuite on a repris le train pour revenir dans les Vosges. Nous sommes arrivés un dimanche matin à Lure (Haute Saône). On a fait le reste du chemin à pied.
J'ai trouvé un peu de travail à l'usine jusqu'au jour de 1942 où nous avons appris avec mon frère que nous étions requis pour aller travailler en Allemagne.
Nous n'avions pas le choix, nos noms figuraient sur une liste qui avait été établie par rapport au registre des ouvriers.
On nous avait expliqué qu'on n'y allait que pour un an et que c'était pour relever des prisonniers français afin qu'ils puissent rentrer chez eux.
Pour nous c'était un geste de fraternité vis à vis de ceux qui avaient été faits prisonniers et on pensait qu'on serait relevé nous aussi au bout d'un an, puisque c'est ce qu'on nous avait dit..
Nous nous sommes retrouvés en Allemagne dans une usine qui confectionnait des pièces pour l'aviation. L'usine s'appelait Weserflug, au bord de la Weser.
Nous faisions du travail à la chaîne mais ce n'était pas trop dur. Nous étions par groupes de cinq, quatre STO et un ouvrier allemand. L'Allemand était un vieux bonhomme, il avait du être requis lui aussi , il passait son temps à faire des allers et retours avec les papiers de production et nous faisions sa part de travail en plus de la nôtre.
Nous faisions des pièces pour les avions Stuqua.
Chaque équipe était surveillée par de vieux Allemands qui étaient réformés.
Je me souviens, il y avait beaucoup de prisonniers russes, ça n’a pas été facile pour eux. Ils étaient mal vus par les Allemands et n'avaient presque rien à manger.
Nos rations alimentaires n'étaient pas bien grosses. Nous mangions simplement une gamelle de soupe.
A ma première paie, je suis allé dans un bistro et j'ai demandé qu'on me serve une bonne soupe de légumes. J'en ai mangé cinq assiettes. Il est très difficile de se restreindre lorsqu'on a faim.
J'ai eu du mal à retourner au camp tellement j'avais mal au ventre. Je me souviens que j'avais également pris une bière, je n'ai même pas pu la boire tellement j'étais ballonné.
Je me souviens d'un bombardement sur Brème, il ne restait plus que les murs des maisons, soit que leurs toits étaient effondrés soit qu'elles avaient brulé. Ça faisait drôle parce que les volets restaient fermés sur les façades, mais l'arrière des maisons n'existait plus.
Dans le camp où nous nous trouvions, nous avions des tranchées recouvertes de rondins et de sable pour nous abriter des éventuels bombardements. A l'usine nous bénéficions d'un blockhaus.
Je n'ai pas vu le plus gros des dégâts, puisque je suis parti avant notre libération, mais Brème a subi d'autres bombardements par la suite. Il ne devait plus rester grand chose de la ville à la fin de la guerre.
Au bout d'un an, nous avons su que nous avions droit à une permission de 15 jours, ça voulait donc dire qu'on s'était fichu de nous et que le contrat d'un an n'était que des histoires.
Je suis revenu en permission, mais je ne suis pas reparti. Beaucoup ont fait comme moi. J'ai donc été réfractaire jusqu'à la fin de la guerre.
Je suis allé me cacher chez un oncle qui tenait une ferme au Girmont Val d'Ajol.
De temps en temps, je revenais chez moi. Je me souviens d'une fois alors que je taillais des rames pour les haricots, j'ai vu la Feld-gendarmerie pas loin. Je me suis enfui dans le bois où j ai passé une partie de la journée, jusqu'au soir.
En réalité c'était uniquement une patrouille allemande qui faisait le tour des fermes pour récupérer des œufs.
Un matin, un gendarme français passe à la maison avec son vélo, il cherchait à me voir. Ma sœur lui a répondu que je n'étais pas là. Il lui a dit que j'étais convoqué le soir même à la gendarmerie. En réalité ce jour- là j'étais caché chez moi.
Le soir je vais à la brigade et le gendarme m'explique que je suis recherché. Lorsqu'il m'a demandé ce que je comptais faire, j'ai bien compris qu'il était conciliant et qu'il ne me voulait pas de mal. Mais il m'a bien expliqué qu'il fallait que je me cache parce que si la Feld-gendarmerie me trouvait, c'était aussi synonyme pour lui qu'il faisait mal son travail.
Je n'ai pas été repris et la libération est arrivée.
Par contre, vers mai/juin 1940 nous sommes informés que tous les hommes entre 17 et 60 vont devoir aller travailler pour les Allemands et que si nous ne voulions pas l'être, il nous fallait fuir vers le midi de la France.
C'est dans ces circonstances, qu'avec d'autres, j'ai pris place à l'arrière d'un camion qui nous avait ramassés à la croisée des routes à Rupt Sur Moselle et nous sommes partis dans la précipitation avec juste un peu de rechange.
Au départ nous devions nous rendre à Lons Le Saunier dans le Jura.
Arrivés là bas, les différents endroits qui devaient nous héberger étaient déjà pleins de réfugiés, à chaque fois on nous renvoyait toujours un peu plus bas.
Nous avons fini par arriver à Lavaure dans le Tarn.
Heureusement que le chauffeur du camion avait pris un gros bidon de fuel en plus de ses réservoirs. De temps en temps il s'arrêtait pour faire le plein.
Arrivé la bas, j'ai bricolé un peu à droite à gauche, il fallait bien s'occuper. J'ai fait les vendanges, j'ai travaillé un peu chez un boucher.
Il y avait un réseau qui passait le courrier parce que tout était censuré. On déposait la lettre dans un endroit précis, il fallait payer pour que la lettre passe et le passeur mettait le courrier à la poste mais en zone occupée.
Nous sommes revenus vers les Vosges, dans les mois de septembre/octobre 40.
J'ai passé la ligne de nuit vers Lons le Saunier. Il fallait payer le passeur qui nous a fait marcher à travers un bois et des champs.
Je me souviens qu'on distinguait un sentier dans la forêt. Je m'étais réjoui en pensant que c'en était enfin fini de patauger dans la boue. Manque de pot, ce sentier était également un sentier de boue. C'était de la terre grasse, on s'enfonçait jusqu'à la cheville.
Le lendemain, une fois arrivé en ville, les gens voyaient bien qu'on avait passé la ligne, on était crotté jusqu'aux genoux. Il faut dire qu'on n'avait pas d'habit de rechange. Les gens du coin nous ont conseillé de nous nettoyer un peu pour ne pas trop attirer l'attention des Allemands.
Ensuite on a repris le train pour revenir dans les Vosges. Nous sommes arrivés un dimanche matin à Lure (Haute Saône). On a fait le reste du chemin à pied.
J'ai trouvé un peu de travail à l'usine jusqu'au jour de 1942 où nous avons appris avec mon frère que nous étions requis pour aller travailler en Allemagne.
Nous n'avions pas le choix, nos noms figuraient sur une liste qui avait été établie par rapport au registre des ouvriers.
On nous avait expliqué qu'on n'y allait que pour un an et que c'était pour relever des prisonniers français afin qu'ils puissent rentrer chez eux.
Pour nous c'était un geste de fraternité vis à vis de ceux qui avaient été faits prisonniers et on pensait qu'on serait relevé nous aussi au bout d'un an, puisque c'est ce qu'on nous avait dit..
Nous nous sommes retrouvés en Allemagne dans une usine qui confectionnait des pièces pour l'aviation. L'usine s'appelait Weserflug, au bord de la Weser.
Nous faisions du travail à la chaîne mais ce n'était pas trop dur. Nous étions par groupes de cinq, quatre STO et un ouvrier allemand. L'Allemand était un vieux bonhomme, il avait du être requis lui aussi , il passait son temps à faire des allers et retours avec les papiers de production et nous faisions sa part de travail en plus de la nôtre.
Nous faisions des pièces pour les avions Stuqua.
Chaque équipe était surveillée par de vieux Allemands qui étaient réformés.
Je me souviens, il y avait beaucoup de prisonniers russes, ça n’a pas été facile pour eux. Ils étaient mal vus par les Allemands et n'avaient presque rien à manger.
Nos rations alimentaires n'étaient pas bien grosses. Nous mangions simplement une gamelle de soupe.
A ma première paie, je suis allé dans un bistro et j'ai demandé qu'on me serve une bonne soupe de légumes. J'en ai mangé cinq assiettes. Il est très difficile de se restreindre lorsqu'on a faim.
J'ai eu du mal à retourner au camp tellement j'avais mal au ventre. Je me souviens que j'avais également pris une bière, je n'ai même pas pu la boire tellement j'étais ballonné.
Je me souviens d'un bombardement sur Brème, il ne restait plus que les murs des maisons, soit que leurs toits étaient effondrés soit qu'elles avaient brulé. Ça faisait drôle parce que les volets restaient fermés sur les façades, mais l'arrière des maisons n'existait plus.
Dans le camp où nous nous trouvions, nous avions des tranchées recouvertes de rondins et de sable pour nous abriter des éventuels bombardements. A l'usine nous bénéficions d'un blockhaus.
Je n'ai pas vu le plus gros des dégâts, puisque je suis parti avant notre libération, mais Brème a subi d'autres bombardements par la suite. Il ne devait plus rester grand chose de la ville à la fin de la guerre.
Au bout d'un an, nous avons su que nous avions droit à une permission de 15 jours, ça voulait donc dire qu'on s'était fichu de nous et que le contrat d'un an n'était que des histoires.
Je suis revenu en permission, mais je ne suis pas reparti. Beaucoup ont fait comme moi. J'ai donc été réfractaire jusqu'à la fin de la guerre.
Je suis allé me cacher chez un oncle qui tenait une ferme au Girmont Val d'Ajol.
De temps en temps, je revenais chez moi. Je me souviens d'une fois alors que je taillais des rames pour les haricots, j'ai vu la Feld-gendarmerie pas loin. Je me suis enfui dans le bois où j ai passé une partie de la journée, jusqu'au soir.
En réalité c'était uniquement une patrouille allemande qui faisait le tour des fermes pour récupérer des œufs.
Un matin, un gendarme français passe à la maison avec son vélo, il cherchait à me voir. Ma sœur lui a répondu que je n'étais pas là. Il lui a dit que j'étais convoqué le soir même à la gendarmerie. En réalité ce jour- là j'étais caché chez moi.
Le soir je vais à la brigade et le gendarme m'explique que je suis recherché. Lorsqu'il m'a demandé ce que je comptais faire, j'ai bien compris qu'il était conciliant et qu'il ne me voulait pas de mal. Mais il m'a bien expliqué qu'il fallait que je me cache parce que si la Feld-gendarmerie me trouvait, c'était aussi synonyme pour lui qu'il faisait mal son travail.
Je n'ai pas été repris et la libération est arrivée.
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
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