RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE PAULETTE VINCENT VVE PAUL MAUFFREY
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE PAULETTE VINCENT VVE PAUL MAUFFREY
Le jour de la déclaration de guerre, je m'en souviendrai toute ma vie. Ma grand-mère se trouvait sur un banc devant chez nous avec la cousine Alice. Elles pleuraient toutes les deux à grosses larmes et je ne savais pas pourquoi. Je leur ai demandé ce qu'il se passait. Ma grand-mère m'a enguirlandé, je m'en souviens comme si c'était hier. Elle m'a dit: « Mais tu sais que la guerre est déclarée, mais tu ne te rends pas compte de ce que c'est ! ».
Quelques jours plus tard, tous les hommes sont partis dans le sud, dont mon frère Roger. Nous sommes restés longtemps sans avoir aucune nouvelle d'eux. Il est revenu un jour où on ne l'attendait pas, ses chaussures n'avaient plus de semelle.
Ensuite, depuis chez nous, on a vu une file incroyable de soldats français qui montaient vers Rupt, encadré par des Allemands à vélo. Il y avait un petit café à Lépanges, situé en bordure de la route, tenu par Valentine Creusot. Une fontaine se trouvait près de son commerce. Les prisonniers qui le pouvaient se sont cachés près de cette fontaine pour ne pas partir plus loin. Dans ces moments là, il ne fallait pas qu'un paletot ou un outil traînent en bordure de route, il avait toutes les chances d'être ramassé pour transformer ce prisonnier en un gars du coin.
Je me rappelle du jour où les avions italiens sont allés bombarder la gare de Remiremont. Ils sont descendus en rase motte la vallée. Je les entends encore passer et ça me glace le sang.
Nous n'avons pas été trop embêtés par les réquisitions. On ne nous a prélevé qu'une seule vache. On avait de la chance dans les fermes, nous avions de quoi manger, ce qui n'était pas le cas de tout le monde. Je me souviens d'un petit gamin de six ou sept ans, il s'appelait Rebichung (Phonétique -Ndr). Il venait de Remiremont jusque chez nous avec un petit sac en tissu pour quelques patates.
Maman lui faisait du café au lait avec de la chicorée et des tartines. Le pauvre gamin, il voulait toujours payer, maman n'a jamais voulu quoi que ce soit. Ce n'était pas le cas de tout le monde, j'ai connu une famille qui n'avait rien avant la guerre et qui s'est retrouvée avec de beaux meubles quelques années plus tard.
Par les services sociaux, nous avons accueilli en 42/43 une petite gamine qui venait du Nord. Son père avait été tué à la guerre et elle avait été placée chez nous. Elle venait de Courrières, un village situé au dessus d'Arras. Elle s'appelle Vivianne Queret, elle avait sept ou huit ans.
Je me souviens être allée la chercher à Rupt un dimanche. C'était la femme du directeur de l'usine du Pont de Lette qui s'était occupée du rapatriement des petits réfugiés de Courrières.
Lorsque Vivianne est arrivée chez nous, elle n'avait pour tout bagage qu'une robe déchirée, deux culottes et deux paires de chaussettes. Elle est restée au moins deux ans chez nous. Elle est allée à l'école ici et au catéchisme.
Son frère qui était prisonnier est venu la chercher après la guerre. Leur mère était décédée entre temps.
Plusieurs gosses du Nord étaient réfugiés à Rupt. Il y avait un gamin chez Valentine Creusot, un autre chez Georges Bocquel, un autre chez Paul Perry.
(Au cours des événements de mai 1940, Courrières fut le théâtre de violentes opérations militaires. Opiniâtrement défendue par les troupes anglaises et nord-africaines qui infligèrent à l’ennemi de lourdes pertes, elle fut soumise à de nombreux bombardements et à des combats de rues. Furieux de cette résistance qui retarda de quelques jours leur avance, et prétextant l’action de francs-tireurs, les Allemands se vengèrent sur la ville, se livrant à de terribles représailles.
Le 27 mai 1940, ils incendièrent l’agglomération principale, à l’aide de grenades incendiaires.
Sur les 1 605 immeubles existants, 951 étaient détruits totalement, 220 partiellement.
Le 28 mai, 46 otages dont 22 habitants de Courrières furent fusillés, les autres étaient des réfugiés. Ce qui valut à Courrières, l’attribution de la Croix de Guerre avec palme en tant que ville martyre – Source Internet – Ndr ).
Une fois par mois, nous allions à la mairie pour recevoir nos cartes d'alimentation. Avec les bons, on allait chez Valentine qui tenait une petite épicerie à Lépanges. Cette femme allait tous les jours à Remiremont chez le grossiste avec un vélo et une remorque. Bien souvent elle revenait en marchant à côté du vélo tellement la remorque était chargée.
Dans les moments les plus durs, nous hébergions plein de gens chez nous. Il y avait des matelas dans toutes les pièces. Il y avait là «Jules Bechtien » (Jules Perrin -Ndr), avec sa femme, Valentine avec Pierrot son neveu, une fille Laheurte et sa mère. Dans ces jours-là où on a tué le cochon, d'habitude ça se passait plutôt bien mais ce jour là le cochon s'est mis à hurler. Il devait être aussi perturbé que nous. Papa a eu très peur que les hurlements de la bête n'attirent les Boches.
Heureusement qu'il y avait du monde à la maison. Tous le monde s'y est mis, le cochon a été tué, dépecé, découpé dans la précipitation et les morceaux ont été cachés à la cave, quelle frayeur!
J'ai vu aussi passer les avions alliés qui allaient bombarder l'Allemagne. Certaines fois, si le vent portait, on entendait les bombes exploser là-bas.
Je me souviens d'un jour, on faisait les foins et je remontais le sentier qui reliait directement la route de Lépanges à notre maison des Avolets. Arrivée au niveau du petit bois, en dessous de chez nous, j'entendais des voix, mais je ne voyais rien. Tout à coup, j'ai vu au moins une douzaine d'Allemands. J'étais glacée sur place, je ne savais pas si je devais continuer ou retourner. Ils ont bien vu que j'avais peur, ils se sont fichus de moi.
Ils n'avaient rien trouvé de mieux que d'aller secouer les pommiers alors que les pommes n'étaient pas encore mûres.
Lorsque je suis arrivée chez nous, maman était en train de faire à manger. Il y avait deux gradés allemands qui mangeaient à notre table. Comme je n'osais pas m'approcher d'eux, un de ces deux hommes a sorti une tablette de chocolat de sa poche et me l'a tendue. J'ai dit non. Il a croqué un morceau et m'a donné la tablette.
En 1944, la veille de la Toussaint, nous avons été bombardés par des avions qui venaient du Nord et qui traversaient la vallée. Ils visaient probablement le Château Feltz à Hielle où le Général de Monsabert avait son PC. Nous étions tous allés nous réfugier dans les roches, au dessus de chez nous. On pensait qu'on y était à l'abri, ce qui n'est pas certain.
Une bombe est tombée à côté de chez nous, une autre un peu plus haut et une troisième derrière la blanche croix au dessus de Lépanges.
Je n'ai pas eu connaissance de femmes résistantes sur Rupt, par contre il y a eu des femmes tondues.
Un jour, après la guerre, j'étais allée au bal, à la boulangerie Grisvard à Maxonchamp, où il y avait également un bistrot et une salle de bal. Tout en dansant, un gars de Rupt qui avait été requis s'est étonné de la présence d'une jeune fille. Il s'est approché d'elle, a crié « à bas le turban! ». Il lui a arraché le foulard et tout le monde a vu qu'elle avait été tondue.
Ça a dû être horrible à vivre pour cette fille, d'autant qu’on n’a jamais trop su ce qu'elle avait fait de mal. Les parents de la jeune fille étaient présents, ça n'a pas dû être simple pour eux non plus. Ils ont quitté la salle de bal aussitôt.
Vous savez, après la guerre, nous avons encore traversé plusieurs années avant de reprendre un rythme normal.
Quelques jours plus tard, tous les hommes sont partis dans le sud, dont mon frère Roger. Nous sommes restés longtemps sans avoir aucune nouvelle d'eux. Il est revenu un jour où on ne l'attendait pas, ses chaussures n'avaient plus de semelle.
Ensuite, depuis chez nous, on a vu une file incroyable de soldats français qui montaient vers Rupt, encadré par des Allemands à vélo. Il y avait un petit café à Lépanges, situé en bordure de la route, tenu par Valentine Creusot. Une fontaine se trouvait près de son commerce. Les prisonniers qui le pouvaient se sont cachés près de cette fontaine pour ne pas partir plus loin. Dans ces moments là, il ne fallait pas qu'un paletot ou un outil traînent en bordure de route, il avait toutes les chances d'être ramassé pour transformer ce prisonnier en un gars du coin.
Je me rappelle du jour où les avions italiens sont allés bombarder la gare de Remiremont. Ils sont descendus en rase motte la vallée. Je les entends encore passer et ça me glace le sang.
Nous n'avons pas été trop embêtés par les réquisitions. On ne nous a prélevé qu'une seule vache. On avait de la chance dans les fermes, nous avions de quoi manger, ce qui n'était pas le cas de tout le monde. Je me souviens d'un petit gamin de six ou sept ans, il s'appelait Rebichung (Phonétique -Ndr). Il venait de Remiremont jusque chez nous avec un petit sac en tissu pour quelques patates.
Maman lui faisait du café au lait avec de la chicorée et des tartines. Le pauvre gamin, il voulait toujours payer, maman n'a jamais voulu quoi que ce soit. Ce n'était pas le cas de tout le monde, j'ai connu une famille qui n'avait rien avant la guerre et qui s'est retrouvée avec de beaux meubles quelques années plus tard.
Par les services sociaux, nous avons accueilli en 42/43 une petite gamine qui venait du Nord. Son père avait été tué à la guerre et elle avait été placée chez nous. Elle venait de Courrières, un village situé au dessus d'Arras. Elle s'appelle Vivianne Queret, elle avait sept ou huit ans.
Je me souviens être allée la chercher à Rupt un dimanche. C'était la femme du directeur de l'usine du Pont de Lette qui s'était occupée du rapatriement des petits réfugiés de Courrières.
Lorsque Vivianne est arrivée chez nous, elle n'avait pour tout bagage qu'une robe déchirée, deux culottes et deux paires de chaussettes. Elle est restée au moins deux ans chez nous. Elle est allée à l'école ici et au catéchisme.
Son frère qui était prisonnier est venu la chercher après la guerre. Leur mère était décédée entre temps.
Plusieurs gosses du Nord étaient réfugiés à Rupt. Il y avait un gamin chez Valentine Creusot, un autre chez Georges Bocquel, un autre chez Paul Perry.
(Au cours des événements de mai 1940, Courrières fut le théâtre de violentes opérations militaires. Opiniâtrement défendue par les troupes anglaises et nord-africaines qui infligèrent à l’ennemi de lourdes pertes, elle fut soumise à de nombreux bombardements et à des combats de rues. Furieux de cette résistance qui retarda de quelques jours leur avance, et prétextant l’action de francs-tireurs, les Allemands se vengèrent sur la ville, se livrant à de terribles représailles.
Le 27 mai 1940, ils incendièrent l’agglomération principale, à l’aide de grenades incendiaires.
Sur les 1 605 immeubles existants, 951 étaient détruits totalement, 220 partiellement.
Le 28 mai, 46 otages dont 22 habitants de Courrières furent fusillés, les autres étaient des réfugiés. Ce qui valut à Courrières, l’attribution de la Croix de Guerre avec palme en tant que ville martyre – Source Internet – Ndr ).
Une fois par mois, nous allions à la mairie pour recevoir nos cartes d'alimentation. Avec les bons, on allait chez Valentine qui tenait une petite épicerie à Lépanges. Cette femme allait tous les jours à Remiremont chez le grossiste avec un vélo et une remorque. Bien souvent elle revenait en marchant à côté du vélo tellement la remorque était chargée.
Dans les moments les plus durs, nous hébergions plein de gens chez nous. Il y avait des matelas dans toutes les pièces. Il y avait là «Jules Bechtien » (Jules Perrin -Ndr), avec sa femme, Valentine avec Pierrot son neveu, une fille Laheurte et sa mère. Dans ces jours-là où on a tué le cochon, d'habitude ça se passait plutôt bien mais ce jour là le cochon s'est mis à hurler. Il devait être aussi perturbé que nous. Papa a eu très peur que les hurlements de la bête n'attirent les Boches.
Heureusement qu'il y avait du monde à la maison. Tous le monde s'y est mis, le cochon a été tué, dépecé, découpé dans la précipitation et les morceaux ont été cachés à la cave, quelle frayeur!
J'ai vu aussi passer les avions alliés qui allaient bombarder l'Allemagne. Certaines fois, si le vent portait, on entendait les bombes exploser là-bas.
Je me souviens d'un jour, on faisait les foins et je remontais le sentier qui reliait directement la route de Lépanges à notre maison des Avolets. Arrivée au niveau du petit bois, en dessous de chez nous, j'entendais des voix, mais je ne voyais rien. Tout à coup, j'ai vu au moins une douzaine d'Allemands. J'étais glacée sur place, je ne savais pas si je devais continuer ou retourner. Ils ont bien vu que j'avais peur, ils se sont fichus de moi.
Ils n'avaient rien trouvé de mieux que d'aller secouer les pommiers alors que les pommes n'étaient pas encore mûres.
Lorsque je suis arrivée chez nous, maman était en train de faire à manger. Il y avait deux gradés allemands qui mangeaient à notre table. Comme je n'osais pas m'approcher d'eux, un de ces deux hommes a sorti une tablette de chocolat de sa poche et me l'a tendue. J'ai dit non. Il a croqué un morceau et m'a donné la tablette.
En 1944, la veille de la Toussaint, nous avons été bombardés par des avions qui venaient du Nord et qui traversaient la vallée. Ils visaient probablement le Château Feltz à Hielle où le Général de Monsabert avait son PC. Nous étions tous allés nous réfugier dans les roches, au dessus de chez nous. On pensait qu'on y était à l'abri, ce qui n'est pas certain.
Une bombe est tombée à côté de chez nous, une autre un peu plus haut et une troisième derrière la blanche croix au dessus de Lépanges.
Je n'ai pas eu connaissance de femmes résistantes sur Rupt, par contre il y a eu des femmes tondues.
Un jour, après la guerre, j'étais allée au bal, à la boulangerie Grisvard à Maxonchamp, où il y avait également un bistrot et une salle de bal. Tout en dansant, un gars de Rupt qui avait été requis s'est étonné de la présence d'une jeune fille. Il s'est approché d'elle, a crié « à bas le turban! ». Il lui a arraché le foulard et tout le monde a vu qu'elle avait été tondue.
Ça a dû être horrible à vivre pour cette fille, d'autant qu’on n’a jamais trop su ce qu'elle avait fait de mal. Les parents de la jeune fille étaient présents, ça n'a pas dû être simple pour eux non plus. Ils ont quitté la salle de bal aussitôt.
Vous savez, après la guerre, nous avons encore traversé plusieurs années avant de reprendre un rythme normal.
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
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