LE THILLOT - SOUVENIRS DE JEAN CHEVRIER
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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LE THILLOT - SOUVENIRS DE JEAN CHEVRIER
Je suis né le 13 janvier 1921, je suis donc de la classe 41. Notre classe n’ a pas été mobilisée, contrairement à la classe 1940.
Ça commençait bien pour moi, de toutes façons je dois dire qu'il y a eu un bon Dieu pour moi tout au long de la guerre et je ne peux citer tous les exemples où il m'est venu en aide.
Un jour de 1940, le garde champêtre du Thillot est passé dans toutes les maisons pour nous dire que tous les hommes âgés de 18 à 50 ans devaient se réunir à la gare du Thillot en vue d'être déplacés vers le Sud pour ne pas être enrôlés.
Ce sont des camions gazo-bois, des transports Peureux et Philippe du Thillot, qui nous ont transportés. Heureusement qu'il s'agissait de gazo-bois, s'ils avaient roulé à l'essence, nous ne serions pas allés bien loin en raison des pénuries de carburant.
Bien après Besançon, mais avant d'arriver à Lyon, j'ai vu des colonnes de réfugiés, des femmes des enfants des vieillards se faire mitrailler par l'aviation Italienne.
Nous nous trouvions dans ce cortège, personne n'a vraiment compris ce qu'il se passait, en effet, nous étions des civils, pas des soldats!
Nous avons donc bifurqué vers l'intérieur au lieu de descendre plus bas vers le Sud.
Arrivés dans la Loire, nous avons pu emprunter l'unique pont qui subsistait, avant Orléans, tous les autres ponts avaient sénégalais.
Nous n'avions pas fait dix kilomètres que les soldats ont dû faire sauter le pont pour empêcher l'avancée des blindés allemands, c'est pour vous dire qu'ils n'étaient pas loin derrière nous.
Que vouliez vous que fassent les Français avec leurs petits canons de 75 et leurs mitraillettes contre les chars Allemands qui arrivaient !
De là nous sommes descendus dans le midi. Nous avons séjourné dans une école à Pierre-Ségade (Tarn). je me trouvais là avec René Grisvard du Thillot et d'autres, lorsque nous avons su que Pétain avait signé l'armistice.
Certains ont voulu remonter au Thillot, moi je n'ai pas voulu, j'ai préféré pousser vers le sud.
Nous avons pris le train et nous sommes retrouvés à Perpignan. Nous sommes restés quelque temps à Port Vendre.
Avec René Grisvard, Robert Lavier et un Alsacien, nous avons voulu aller en Algérie.
Nous nous sommes présentés à l'amirauté mais on a été refoulé parce que nous n'avions pas d'adresse pour nous accueillir en Algérie.
René Grisvard s'est souvenu qu'il avait des cousins, dont Jean Baptiste Maître, qui se trouvaient à Cherchell, en Algérie, où ils cultivaient entre autres des vergers et des vignobles.
Il a envoyé un télégramme à Cherchell et moins d'une heure après nous avions la réponse qui nous apprenait qu'on pouvait trouver refuge chez ces gens-là.
Nous avons donc pris place à bord de l'Athos II et avons débarqué à Alger.
J'étais habillé avec un gros pardessus et il faisait là au moins 40 degrés.
Nous étions attendus par Pierre Grisvard qui était Adjudant dans un régiment de Génie à Alger et qui nous a hébergés quelques jours.
Ensuite nous sommes allés à Cherchell, c'était vraiment magnifique là-bas, il y avait des centaines d'hectares de vignobles, de champs de blés, de vergers d'oranger, c'était vraiment très beau, on aurait vraiment dit le paradis terrestre.
Je suis resté là de juillet 40 jusqu'au mois de novembre 1940.
Comme j'étais horloger de métier, j'ai voulu trouver une place pour exercer mon métier. J'ai trouvé un poste chez Regnier, un grand bijoutier d'Alger, jusqu'au jour où les gens de Cherchell sont venus m'y apporter une pendule et deux montres à réparer. Cela n'a pas plu au patron qui m'a dit qu'il m'interdisait de travailler pour d'autres personnes que les clients de son commerce.
Je n'avais que dix neuf ans mais je ne me suis pas laissé faire, j'ai demandé mon compte. J'ai dit au patron que je connaissais mon métier et qu'il n'avait pas à me commander sur ce point.
Quelques jours plus tard j'avais trouvé un autre emploi d'horloger à Blida chez un Opticien Suisse qui vendait aussi des montres et des horloges.
Un jour, deux officiers qui encadraient les chantiers de jeunesse en Algérie, sous l'autorité du Général Végan, sont venus me voir pour faire réparer une montre.
J'ai été surpris de les voir revenir le soir même à six heures.
Je leur dit que la montre n'est pas encore réparée mais ils m'ont répondu qu'ils ne venaient pas pour la montre mais pour moi.
Décelant mon accent ils comprennent que je suis Vosgien et moi décèle en eux l'accent Franc-Comtois. En effet, le premier était de Lure et l'autre de Vesoul.
Ils m'informent que leur colonel voulait me voir. Je ne comprenais pas trop pourquoi.
Je suis allé voir ce colonel, en fait il était originaire de Remiremont. Il connaissait très bien une de mes tantes qui tenait à Remiremont sa bijouterie, la bijouterie Michel.
Ce colonel m'a dit qu'il fallait que je travaille pour la France et m'a fait devancer l'appel.
C'est ainsi que je me suis retrouvé pour dix mois dans le chantier de jeunesse du camp des Chênes, à partir de février 1941. Ce camp se trouvait sur les hauteurs, dans les environs de Blida.
Nous nous levions à 04 heures du matin et allions nous entraîner dans les montagnes. Nous n'étions armés que d'un poignard. On vivait sous tentes, dans la montagne.
Jusqu'au jour où je suis allé à l'infirmerie parce que j'avais attrapé un gros rhume. Après quelques jours le médecin m'a demandé si je ne voulais pas occuper un poste d'infirmier. J'ai saisi l'opportunité mais me suis retrouvé dans la section dermatologie.
J'ai été servi ! je me suis retrouvé face à des chancres, des syphilis et toutes des maladies plus ou moins honteuses, mais c'était toujours moins dur que les entraînements en montagne.
L'infirmerie était en fait l'ancienne propriété de Joséphine Becker.
Au bout de mes dix mois de chantier de jeunesse, on m'a demandé si je ne voulais pas m'engager, j'ai répondu que mon métier était celui d'horloger et que je préférais retourner dans le civil.
C'est comme ça que je suis retourné à Alger où j'ai repris contact avec Melle Vela, qui était la directrice du cours Felenon, une école catholique. Cette demoiselle connaissait très bien les gens de Cherchell qui nous avaient hébergés.
Elle m'a donné les coordonnées de Mr Marsac, le plus gros opticien d'Alger qui cherchait un horloger.
Quinze jours après mes 21 ans, donc aux alentours du 1er février 1942, je recevais ma licence pour pouvoir exercer à mon compte comme horloger.
Je devenais alors le plus jeune horloger d'Alger.
Je travaillais de 03 heures du matin jusqu'à 11h30.
Un instituteur gagnait 900 francs par mois, moi je me faisais deux mille francs.
J'ai réparé les montres et les réveils de beaucoup de gens célèbres du moment, des acteurs, des hommes politiques qui venaient tous chez Marsac.
C'est ainsi que j'ai travaillé pour la cantatrice Ninon Valin qui était très connue à l'époque
Cela a duré jusqu'au jour où ma sœur m'a écrit pour me dire que mon père n'allait vraiment pas bien, ce qui m'a fait prendre la décision de revenir au Thillot, un peu à contre cœur tellement j'étais bien la bas.
Je suis revenu au mois d'août 1942.
Quelque temps plus tard, début décembre 1942, j'ai reçu une convocation pour aller travailler pour l'Allemagne.
On m'avait bien conseillé d'aller travailler à Epinal pour le compte d'une entreprise qui travaillait pour l'Allemagne mais je n'ai pas voulu. J'ai dit que s'il fallait travailler pour l'Allemagne, ce ne serait que si on me l'imposait. Je n'ai donc pas voulu aller volontairement à Epinal et me suis retrouvé en Allemagne.
Tout compte fait, le gars avec qui je devais aller travailler à Epinal a été tué à la gare de cette ville lors de bombardements. Certainement que ce jour là, je me serais trouvé avec lui si j'avais accepté la proposition.
Je me suis donc retrouvé en Allemagne, à Nuremberg où je travaillais comme manœuvre pour le compte d'une petite usine qui faisait des transformateurs électriques.
Nous étions plusieurs du Thillot à être partis ce coup-là, il y avait, René Cunat, Marcel Vannson, René Haillan et bien d'autres.
Marcel Vannson du Thillot, qui se trouvait pas loin, à Schvenfurt est venu me voir une fois ou deux.
Nous étions au moins soixante mille prisonniers et STO confondus, à cet endroit, et de toutes nationalités .
A l'usine, je n'en faisais pas lourd, au départ je devais limer les soudures des caisses qui contenaient les transformateurs. Quand le contremaître passait il me montrait les soudures et disait: « Sabotache! Chevrier, sabotache! », alors ils m'ont changé de poste et m'ont mis à la soudure autogène.
Je travaillais bien le temps que j'apprenais, après je me laissais aller un peu, alors ils m'ont encore changer de place et m'ont mis à la soudure à l'arc.
Lorsque j'ai su souder à l'arc, ça a été pareil. « Sabotache! Sabotache! » qu'ils me répétaient, jusqu'au jour où Herr Reiner, le directeur de l'usine, est venu me voir.
Il savait que j'étais horloger de métier. Il me remet une montre que les horlogers d'Allemagne n'étaient pas foutus de réparer.
Il faut dire aussi que j'avais une chance sur mille de la réparer. Il me fallait redresser la corne de l'ancre de la montre qui était tordue. Habituellement cette corne casse quand on la redresse, moi j'ai réussi à la redresser et la montre a remarché.
Ne me demandez pas comment j'ai fait, d'habitude ça ne marche jamais.
Après j'étais devenu un as aux yeux de Herr Reiner.
Quand je vous dit que Dieu me protégeait !
Alors à chaque fois qu'il y avait une montre à réparer, il faisait appel à moi.
Entre temps j'étais devenu régleur sur machines, je travaillais avec une vingtaine de jeunes Ukrainiennes.
Un jour en 1944, il y a eu un bombardement du temps de midi. Ce n'était pas normal, ce n'était pas une heure régulière pour un bombardement, on avait l'habitude, ils arrivaient à heures régulières, mais jamais à midi.
Les midis, on mangeait toujours dans une petite baraque en tôle ondulée, au centre de la cour.
Ce jour- là, j'ai pris la décision d'aller manger dans l'abri tandis que les autres se fichaient de moi. Ils me disaient: « Tu es fou, il n'y a jamais de bombardement du temps de midi! ».
Au final, ils étaient aussi fous que moi puisqu'ils sont venus me rejoindre dans l'abri.
J'avais bien fait, après le bombardement il y avait un trou à la place de la baraque. La ville de Nuremberg avait été bombardée, il y a eu soixante dix mille morts.
Au total, avec les bombardements successifs, cent cinquante mille morts ont été dénombrés sur Nuremberg. Il ne restait plus rien de cette ville magnifique.
Ces bombardements annonçaient l'avancée des alliés. La bataille de Nuremberg a été dure, elle a duré huit jours. Je crois que six mille SS se sont battus jusqu'à la mort, aucun ne s'est rendu.
Une fois que les Américains nous ont libérés, ils nous ont conduits dans un premier temps dans une caserne. Par curiosité, j'étais descendu à la cave et j'y ai découvert le corps d'une soixantaine de SS.
Ensuite nous avons été conduits à la gare de Schwenfurt et de là on a pris le train pour revenir en France. C'était en juin/ juillet 1945.
Les trains de rapatriés empruntaient un pont-bateau provisoire sur le Rhin. Je me souviens que le pont a craqué au passage du train qui nous suivait. Ce train est tombé dans le Rhin. Comme il était bondé de rapatriés, il y a eu énormément de morts.
Nous sommes arrivés à Metz, où on nous a donné 20 ou 30 francs par personne et je suis rentré au Thillot.
Cette escapade en Allemagne m'avait fait perdre au moins 30 kg
Ça commençait bien pour moi, de toutes façons je dois dire qu'il y a eu un bon Dieu pour moi tout au long de la guerre et je ne peux citer tous les exemples où il m'est venu en aide.
Un jour de 1940, le garde champêtre du Thillot est passé dans toutes les maisons pour nous dire que tous les hommes âgés de 18 à 50 ans devaient se réunir à la gare du Thillot en vue d'être déplacés vers le Sud pour ne pas être enrôlés.
Ce sont des camions gazo-bois, des transports Peureux et Philippe du Thillot, qui nous ont transportés. Heureusement qu'il s'agissait de gazo-bois, s'ils avaient roulé à l'essence, nous ne serions pas allés bien loin en raison des pénuries de carburant.
Bien après Besançon, mais avant d'arriver à Lyon, j'ai vu des colonnes de réfugiés, des femmes des enfants des vieillards se faire mitrailler par l'aviation Italienne.
Nous nous trouvions dans ce cortège, personne n'a vraiment compris ce qu'il se passait, en effet, nous étions des civils, pas des soldats!
Nous avons donc bifurqué vers l'intérieur au lieu de descendre plus bas vers le Sud.
Arrivés dans la Loire, nous avons pu emprunter l'unique pont qui subsistait, avant Orléans, tous les autres ponts avaient sénégalais.
Nous n'avions pas fait dix kilomètres que les soldats ont dû faire sauter le pont pour empêcher l'avancée des blindés allemands, c'est pour vous dire qu'ils n'étaient pas loin derrière nous.
Que vouliez vous que fassent les Français avec leurs petits canons de 75 et leurs mitraillettes contre les chars Allemands qui arrivaient !
De là nous sommes descendus dans le midi. Nous avons séjourné dans une école à Pierre-Ségade (Tarn). je me trouvais là avec René Grisvard du Thillot et d'autres, lorsque nous avons su que Pétain avait signé l'armistice.
Certains ont voulu remonter au Thillot, moi je n'ai pas voulu, j'ai préféré pousser vers le sud.
Nous avons pris le train et nous sommes retrouvés à Perpignan. Nous sommes restés quelque temps à Port Vendre.
Avec René Grisvard, Robert Lavier et un Alsacien, nous avons voulu aller en Algérie.
Nous nous sommes présentés à l'amirauté mais on a été refoulé parce que nous n'avions pas d'adresse pour nous accueillir en Algérie.
René Grisvard s'est souvenu qu'il avait des cousins, dont Jean Baptiste Maître, qui se trouvaient à Cherchell, en Algérie, où ils cultivaient entre autres des vergers et des vignobles.
Il a envoyé un télégramme à Cherchell et moins d'une heure après nous avions la réponse qui nous apprenait qu'on pouvait trouver refuge chez ces gens-là.
Nous avons donc pris place à bord de l'Athos II et avons débarqué à Alger.
J'étais habillé avec un gros pardessus et il faisait là au moins 40 degrés.
Nous étions attendus par Pierre Grisvard qui était Adjudant dans un régiment de Génie à Alger et qui nous a hébergés quelques jours.
Ensuite nous sommes allés à Cherchell, c'était vraiment magnifique là-bas, il y avait des centaines d'hectares de vignobles, de champs de blés, de vergers d'oranger, c'était vraiment très beau, on aurait vraiment dit le paradis terrestre.
Je suis resté là de juillet 40 jusqu'au mois de novembre 1940.
Comme j'étais horloger de métier, j'ai voulu trouver une place pour exercer mon métier. J'ai trouvé un poste chez Regnier, un grand bijoutier d'Alger, jusqu'au jour où les gens de Cherchell sont venus m'y apporter une pendule et deux montres à réparer. Cela n'a pas plu au patron qui m'a dit qu'il m'interdisait de travailler pour d'autres personnes que les clients de son commerce.
Je n'avais que dix neuf ans mais je ne me suis pas laissé faire, j'ai demandé mon compte. J'ai dit au patron que je connaissais mon métier et qu'il n'avait pas à me commander sur ce point.
Quelques jours plus tard j'avais trouvé un autre emploi d'horloger à Blida chez un Opticien Suisse qui vendait aussi des montres et des horloges.
Un jour, deux officiers qui encadraient les chantiers de jeunesse en Algérie, sous l'autorité du Général Végan, sont venus me voir pour faire réparer une montre.
J'ai été surpris de les voir revenir le soir même à six heures.
Je leur dit que la montre n'est pas encore réparée mais ils m'ont répondu qu'ils ne venaient pas pour la montre mais pour moi.
Décelant mon accent ils comprennent que je suis Vosgien et moi décèle en eux l'accent Franc-Comtois. En effet, le premier était de Lure et l'autre de Vesoul.
Ils m'informent que leur colonel voulait me voir. Je ne comprenais pas trop pourquoi.
Je suis allé voir ce colonel, en fait il était originaire de Remiremont. Il connaissait très bien une de mes tantes qui tenait à Remiremont sa bijouterie, la bijouterie Michel.
Ce colonel m'a dit qu'il fallait que je travaille pour la France et m'a fait devancer l'appel.
C'est ainsi que je me suis retrouvé pour dix mois dans le chantier de jeunesse du camp des Chênes, à partir de février 1941. Ce camp se trouvait sur les hauteurs, dans les environs de Blida.
Nous nous levions à 04 heures du matin et allions nous entraîner dans les montagnes. Nous n'étions armés que d'un poignard. On vivait sous tentes, dans la montagne.
Jusqu'au jour où je suis allé à l'infirmerie parce que j'avais attrapé un gros rhume. Après quelques jours le médecin m'a demandé si je ne voulais pas occuper un poste d'infirmier. J'ai saisi l'opportunité mais me suis retrouvé dans la section dermatologie.
J'ai été servi ! je me suis retrouvé face à des chancres, des syphilis et toutes des maladies plus ou moins honteuses, mais c'était toujours moins dur que les entraînements en montagne.
L'infirmerie était en fait l'ancienne propriété de Joséphine Becker.
Au bout de mes dix mois de chantier de jeunesse, on m'a demandé si je ne voulais pas m'engager, j'ai répondu que mon métier était celui d'horloger et que je préférais retourner dans le civil.
C'est comme ça que je suis retourné à Alger où j'ai repris contact avec Melle Vela, qui était la directrice du cours Felenon, une école catholique. Cette demoiselle connaissait très bien les gens de Cherchell qui nous avaient hébergés.
Elle m'a donné les coordonnées de Mr Marsac, le plus gros opticien d'Alger qui cherchait un horloger.
Quinze jours après mes 21 ans, donc aux alentours du 1er février 1942, je recevais ma licence pour pouvoir exercer à mon compte comme horloger.
Je devenais alors le plus jeune horloger d'Alger.
Je travaillais de 03 heures du matin jusqu'à 11h30.
Un instituteur gagnait 900 francs par mois, moi je me faisais deux mille francs.
J'ai réparé les montres et les réveils de beaucoup de gens célèbres du moment, des acteurs, des hommes politiques qui venaient tous chez Marsac.
C'est ainsi que j'ai travaillé pour la cantatrice Ninon Valin qui était très connue à l'époque
Cela a duré jusqu'au jour où ma sœur m'a écrit pour me dire que mon père n'allait vraiment pas bien, ce qui m'a fait prendre la décision de revenir au Thillot, un peu à contre cœur tellement j'étais bien la bas.
Je suis revenu au mois d'août 1942.
Quelque temps plus tard, début décembre 1942, j'ai reçu une convocation pour aller travailler pour l'Allemagne.
On m'avait bien conseillé d'aller travailler à Epinal pour le compte d'une entreprise qui travaillait pour l'Allemagne mais je n'ai pas voulu. J'ai dit que s'il fallait travailler pour l'Allemagne, ce ne serait que si on me l'imposait. Je n'ai donc pas voulu aller volontairement à Epinal et me suis retrouvé en Allemagne.
Tout compte fait, le gars avec qui je devais aller travailler à Epinal a été tué à la gare de cette ville lors de bombardements. Certainement que ce jour là, je me serais trouvé avec lui si j'avais accepté la proposition.
Je me suis donc retrouvé en Allemagne, à Nuremberg où je travaillais comme manœuvre pour le compte d'une petite usine qui faisait des transformateurs électriques.
Nous étions plusieurs du Thillot à être partis ce coup-là, il y avait, René Cunat, Marcel Vannson, René Haillan et bien d'autres.
Marcel Vannson du Thillot, qui se trouvait pas loin, à Schvenfurt est venu me voir une fois ou deux.
Nous étions au moins soixante mille prisonniers et STO confondus, à cet endroit, et de toutes nationalités .
A l'usine, je n'en faisais pas lourd, au départ je devais limer les soudures des caisses qui contenaient les transformateurs. Quand le contremaître passait il me montrait les soudures et disait: « Sabotache! Chevrier, sabotache! », alors ils m'ont changé de poste et m'ont mis à la soudure autogène.
Je travaillais bien le temps que j'apprenais, après je me laissais aller un peu, alors ils m'ont encore changer de place et m'ont mis à la soudure à l'arc.
Lorsque j'ai su souder à l'arc, ça a été pareil. « Sabotache! Sabotache! » qu'ils me répétaient, jusqu'au jour où Herr Reiner, le directeur de l'usine, est venu me voir.
Il savait que j'étais horloger de métier. Il me remet une montre que les horlogers d'Allemagne n'étaient pas foutus de réparer.
Il faut dire aussi que j'avais une chance sur mille de la réparer. Il me fallait redresser la corne de l'ancre de la montre qui était tordue. Habituellement cette corne casse quand on la redresse, moi j'ai réussi à la redresser et la montre a remarché.
Ne me demandez pas comment j'ai fait, d'habitude ça ne marche jamais.
Après j'étais devenu un as aux yeux de Herr Reiner.
Quand je vous dit que Dieu me protégeait !
Alors à chaque fois qu'il y avait une montre à réparer, il faisait appel à moi.
Entre temps j'étais devenu régleur sur machines, je travaillais avec une vingtaine de jeunes Ukrainiennes.
Un jour en 1944, il y a eu un bombardement du temps de midi. Ce n'était pas normal, ce n'était pas une heure régulière pour un bombardement, on avait l'habitude, ils arrivaient à heures régulières, mais jamais à midi.
Les midis, on mangeait toujours dans une petite baraque en tôle ondulée, au centre de la cour.
Ce jour- là, j'ai pris la décision d'aller manger dans l'abri tandis que les autres se fichaient de moi. Ils me disaient: « Tu es fou, il n'y a jamais de bombardement du temps de midi! ».
Au final, ils étaient aussi fous que moi puisqu'ils sont venus me rejoindre dans l'abri.
J'avais bien fait, après le bombardement il y avait un trou à la place de la baraque. La ville de Nuremberg avait été bombardée, il y a eu soixante dix mille morts.
Au total, avec les bombardements successifs, cent cinquante mille morts ont été dénombrés sur Nuremberg. Il ne restait plus rien de cette ville magnifique.
Ces bombardements annonçaient l'avancée des alliés. La bataille de Nuremberg a été dure, elle a duré huit jours. Je crois que six mille SS se sont battus jusqu'à la mort, aucun ne s'est rendu.
Une fois que les Américains nous ont libérés, ils nous ont conduits dans un premier temps dans une caserne. Par curiosité, j'étais descendu à la cave et j'y ai découvert le corps d'une soixantaine de SS.
Ensuite nous avons été conduits à la gare de Schwenfurt et de là on a pris le train pour revenir en France. C'était en juin/ juillet 1945.
Les trains de rapatriés empruntaient un pont-bateau provisoire sur le Rhin. Je me souviens que le pont a craqué au passage du train qui nous suivait. Ce train est tombé dans le Rhin. Comme il était bondé de rapatriés, il y a eu énormément de morts.
Nous sommes arrivés à Metz, où on nous a donné 20 ou 30 francs par personne et je suis rentré au Thillot.
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yves philippe- MODERATEUR
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Ville : le Ménil
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Date d'inscription : 28/12/2010
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