FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS ECRITS DE SIMONE CHOFFEL VVE RAYMOND VALDENAIRE
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS ECRITS DE SIMONE CHOFFEL VVE RAYMOND VALDENAIRE
(...) La guerre se prépare et c'est en 1940 qu'elle se déclare. Les tambours, les cloches, les sirènes d'usine, se mettent à sonner. C'est la grande débâcle, la peur s'installe.
Les hommes sont appelés à être soldats. Papa part aussi, il a 41 ans. Vu son âge, il ne va pas loin, il se retrouve garde-voies au Thillot.
Un peu plus tard, à nouveau le champêtre qui tambourine aux portes. Le Pont du Thillot va sauter ainsi que la poudrière, il nous faut aller nous réfugier à la Colline. Tout le monde prend ce qu'il peut. Je vois encore tante Lucie qui part avec un cornet de chapeaux et son chien, c'en est même presque rigolo.
Nous montons à Leyot, au droit de la colline de Fresse, chez Alphonse Chevrier, un oncle à papa qui avait été blessé à un œil et une jambe lors de la guerre précédente. Là nous passons la nuit à attendre, à six dans le même lit.
A minuit, un énorme fracas retentit. On ressent jusqu'ici la détonation.
Le lendemain, des avions, par centaines, lancent des tracts au dessus de nous. C'est en redescendant au village que je vois mes premiers Allemands. Ils ont le visage tout noir et ils nettoient leur fusil. Avec tout ce qu'on nous avait dit sur eux, je ne fais pas la maligne. Tout compte fait, ils se montrent corrects avec nous mais les quatre années de la guerre qui s'ensuivent nous feront souffrir.
Nous avons des tickets de pain, qui n'est pas très bon, on trouve des grands fils à l'intérieur. La jeunesse a faim de pain, dont moi-même car j'adore le pain et je l'aime toujours. Il y a des tickets pour tout, la viande, l'habillement, les chaussures etc... On fait la queue devant les magasins pour être servi. Les gens sont aigris, il ne faut pas doubler quelqu'un dans la file d'attente, sinon... .
Un après midi de novembre, on avait du retard, nous décidons d'aller arracher les pommes de terre. Le panier que nous avions laissé dans le champ a disparu suite à la chute d'un obus. Nous nous obligeons à parler pour nous donner du courage et ne pas laisser la place à la peur. Ce jour-là, Paul Dieudonné, qui tient un café au Plein de Fresse y va aussi avec un de ses cousins, originaire de Rupt. Ils se trouvent dans un autre champ, non loin du nôtre.
Ca fait une heure que nous sommes là lorsque retentit une détonation. Nous avons juste eu le temps de plonger dans une tranchée qui longe le champ, un autre obus nous passe tout près au dessus. Paul Dieudonné et son cousin en sont les victimes, ils sont tués un peu plus loin.
Le 11 janvier 1944, à sept heures du soir, je me trouve au “poêle” avec maman. Maman, en allant à la salle à manger prend peur. Elle se met à crier: « Henri, viens voir, j'entends des bruits et il y a de la fumée ». Papa arrive, ouvre la porte qui va aux chambres à coucher et crie: « Il y a le feu chez nous ! Sauvez la caissette, (la boîte où il conservait ses papiers) et les bêtes! »
Je pars avec cinq vaches et le cheval en criant au secours.
A la Croix Valroff, une paire de volets s'ouvrent et j'entends crier: « Il y a le feu chez Choffel ».
Je tiens le cheval par la bride, les flammes sortent du toit, le cheval prend peur et se met à ruer. Il me marche sur mes chaussons, je resterai toute la nuit suivante avec un seul chausson.
Heureusement, il y a une ferme en dessous de chez nous qui est vide, le propriétaire qui habite tout près ne retrouve pas les clés, il doit s'y reprendre à plusieurs reprises pour ouvrir sa porte, à coups de tête. On y abrite les bêtes.
Selon les gendarmes présents sur les lieux, trois sortes de personnes se sont précipitées vers chez nous lors de cet incendie: Ceux qui portaient secours, des curieux et des voleurs. Les gendarmes en ont pris quelques-uns cette fois-là.
Nous nous retrouvons donc sans toit et les mains vides. Une grand mère qui habite pas loin de chez nous part loger chez sa sœur en Haute Saône pour nous laisser sa petite maison. C'était la mère d'Alfred Febvay, le mari d'une tante. Quel grand cœur !
Les Allemands font aussi leur enquête. Ils font venir un homme de leur police secrète pour enquêter et trouver le coupable de l'incendie. Comme plusieurs autres incendies ont déjà eu lieu dans ce secteur, papa demande à arrêter l'enquête de peur de nouvelles représailles.
Papa décide de rebâtir notre maison. Il va voir Mr Curien qui vient de créer son entreprise au Thillot. Notre maison est la première que cette nouvelle entreprise construit. Mr Curien vient voir ses ouvriers, à vélo. Nous sommes au mois de mai.
Maman doit aller à vélo jusqu'à Epinal pour récupérer notre permis de construire. Quel courage !
La veille du jour où on va couvrir la maison, papa est réveillé vers une heure du matin par une grande lueur qui filtre par la fenêtre. C'est notre hangar, devant la maison qui brûle à son tour. Dans celui-ci se trouvent tous les outils de l'entreprise Curien.
Papa en a attrapé un ulcère à l'estomac.
Plus tard arrivent les tirs des alliés. Lors d'un tir en provenance de Morbieux, je vois une maman qui va faire ses courses au village dans les chemins en dessous de chez nous. Elle est tuée, elle a huit enfants. Il me semble que c'était une dame Colle du plain de Fresse.
Une autre dame, Mme Montémont, en face de chez nous est aussi tuée dans les mêmes circonstances. Je la regarde alors qu'elle arrache ses pommes de terre. J'entends l'obus arriver sur elle. Elle a un enfant et est enceinte du deuxième. Pauvre Georgette!
Je n’ai pas pu voir la suite parce qu'un autre obus tombe au même moment sur notre maison. Il y a un fracas, la cuisinière est déplacée par la secousse, on voit le ciel à travers le toit, la fleur de foin vole partout. Nous partons nous réfugier à la cave.
Et ainsi de suite, quel massacre ! Un monsieur et une dame, en revenant de la messe, se mettent à table pour manger leur pot au feu. Un obus tombe sur la soupière. Mr et Mme Léon Duchène, de la Hardoye sont tués tous les deux.
Une autre fois je reviens des pommes de terre, je suis prise pour cible par les alliés qui se trouvent à Morbieux. Je vois les impacts des petits « crapouillots », (des petits obus), qui se rapprochent de moi. J'ai juste eu le temps de me cacher près de la maison du gendarme Grandjean qui n'habite pas loin de chez mon oncle Alfred Febvay.
Papa passe quinze jours pour reboucher un trou d'obus au dessus de notre maison.
Juste avant la fin de l'occupation, c'est la panique. Les hommes ne pensent plus qu'à se sauver. Le ralliement se fait chez Alfred Febvay, où nous logeons. Pour nous c'est un divertissement de voir des hommes habillés en femmes, et plus encore lorsque quelqu'un crie : « Un Allemand arrive! ». Les hommes se cachent dans la précipitation, sous la table et dans les placards. L'Allemand ne s'aperçoit de rien et repart.
Ces hommes partaient sur Le Ménil pour atteindre les Huttes, où un passeur les attend, Mr Poirot le scieur de bois, il leur fait passer les lignes.
Un jour, voici deux Allemands qui nous crient: « Les chevaux et les voitures! ». Tout de suite l'oncle Alfred sort son cheval. Papa fait de même. « Harnachez! » nous ordonnent-ils. Papa lui répond : « Moi malade, je peux pas ». Mon oncle demande à sa fille Suzanne de cacher la bâche qui se trouve au fond du hangar afin qu'ils ne l'emportent pas. L'Allemand prend son arme et la braque sous son nez en hurlant.
Tout compte fait, ils partent avec nos bêtes et nos charrettes, papa regarde partir son cheval, les yeux pleins de larmes.
Le dimanche d'après, un homme vient crier au fond de l'église: « On est libéré, nous sommes libres! ». Mr le curé abandonne son sermon, tous le monde sort en criant, en chantant. Nous partons à l'aventure en direction du Thillot. Grosse surprise, à la sortie de Fresse on retrouve Papa, l'oncle André, Marcel Chevrier qui est prêtre. Un soldat du Corps Franc Pommies vient nous embrasser. Quelle joie! Maman décide de faire à manger pour tout ce monde.
Les hommes sont appelés à être soldats. Papa part aussi, il a 41 ans. Vu son âge, il ne va pas loin, il se retrouve garde-voies au Thillot.
Un peu plus tard, à nouveau le champêtre qui tambourine aux portes. Le Pont du Thillot va sauter ainsi que la poudrière, il nous faut aller nous réfugier à la Colline. Tout le monde prend ce qu'il peut. Je vois encore tante Lucie qui part avec un cornet de chapeaux et son chien, c'en est même presque rigolo.
Nous montons à Leyot, au droit de la colline de Fresse, chez Alphonse Chevrier, un oncle à papa qui avait été blessé à un œil et une jambe lors de la guerre précédente. Là nous passons la nuit à attendre, à six dans le même lit.
A minuit, un énorme fracas retentit. On ressent jusqu'ici la détonation.
Le lendemain, des avions, par centaines, lancent des tracts au dessus de nous. C'est en redescendant au village que je vois mes premiers Allemands. Ils ont le visage tout noir et ils nettoient leur fusil. Avec tout ce qu'on nous avait dit sur eux, je ne fais pas la maligne. Tout compte fait, ils se montrent corrects avec nous mais les quatre années de la guerre qui s'ensuivent nous feront souffrir.
Nous avons des tickets de pain, qui n'est pas très bon, on trouve des grands fils à l'intérieur. La jeunesse a faim de pain, dont moi-même car j'adore le pain et je l'aime toujours. Il y a des tickets pour tout, la viande, l'habillement, les chaussures etc... On fait la queue devant les magasins pour être servi. Les gens sont aigris, il ne faut pas doubler quelqu'un dans la file d'attente, sinon... .
Un après midi de novembre, on avait du retard, nous décidons d'aller arracher les pommes de terre. Le panier que nous avions laissé dans le champ a disparu suite à la chute d'un obus. Nous nous obligeons à parler pour nous donner du courage et ne pas laisser la place à la peur. Ce jour-là, Paul Dieudonné, qui tient un café au Plein de Fresse y va aussi avec un de ses cousins, originaire de Rupt. Ils se trouvent dans un autre champ, non loin du nôtre.
Ca fait une heure que nous sommes là lorsque retentit une détonation. Nous avons juste eu le temps de plonger dans une tranchée qui longe le champ, un autre obus nous passe tout près au dessus. Paul Dieudonné et son cousin en sont les victimes, ils sont tués un peu plus loin.
Le 11 janvier 1944, à sept heures du soir, je me trouve au “poêle” avec maman. Maman, en allant à la salle à manger prend peur. Elle se met à crier: « Henri, viens voir, j'entends des bruits et il y a de la fumée ». Papa arrive, ouvre la porte qui va aux chambres à coucher et crie: « Il y a le feu chez nous ! Sauvez la caissette, (la boîte où il conservait ses papiers) et les bêtes! »
Je pars avec cinq vaches et le cheval en criant au secours.
A la Croix Valroff, une paire de volets s'ouvrent et j'entends crier: « Il y a le feu chez Choffel ».
Je tiens le cheval par la bride, les flammes sortent du toit, le cheval prend peur et se met à ruer. Il me marche sur mes chaussons, je resterai toute la nuit suivante avec un seul chausson.
Heureusement, il y a une ferme en dessous de chez nous qui est vide, le propriétaire qui habite tout près ne retrouve pas les clés, il doit s'y reprendre à plusieurs reprises pour ouvrir sa porte, à coups de tête. On y abrite les bêtes.
Selon les gendarmes présents sur les lieux, trois sortes de personnes se sont précipitées vers chez nous lors de cet incendie: Ceux qui portaient secours, des curieux et des voleurs. Les gendarmes en ont pris quelques-uns cette fois-là.
Nous nous retrouvons donc sans toit et les mains vides. Une grand mère qui habite pas loin de chez nous part loger chez sa sœur en Haute Saône pour nous laisser sa petite maison. C'était la mère d'Alfred Febvay, le mari d'une tante. Quel grand cœur !
Les Allemands font aussi leur enquête. Ils font venir un homme de leur police secrète pour enquêter et trouver le coupable de l'incendie. Comme plusieurs autres incendies ont déjà eu lieu dans ce secteur, papa demande à arrêter l'enquête de peur de nouvelles représailles.
Papa décide de rebâtir notre maison. Il va voir Mr Curien qui vient de créer son entreprise au Thillot. Notre maison est la première que cette nouvelle entreprise construit. Mr Curien vient voir ses ouvriers, à vélo. Nous sommes au mois de mai.
Maman doit aller à vélo jusqu'à Epinal pour récupérer notre permis de construire. Quel courage !
La veille du jour où on va couvrir la maison, papa est réveillé vers une heure du matin par une grande lueur qui filtre par la fenêtre. C'est notre hangar, devant la maison qui brûle à son tour. Dans celui-ci se trouvent tous les outils de l'entreprise Curien.
Papa en a attrapé un ulcère à l'estomac.
Plus tard arrivent les tirs des alliés. Lors d'un tir en provenance de Morbieux, je vois une maman qui va faire ses courses au village dans les chemins en dessous de chez nous. Elle est tuée, elle a huit enfants. Il me semble que c'était une dame Colle du plain de Fresse.
Une autre dame, Mme Montémont, en face de chez nous est aussi tuée dans les mêmes circonstances. Je la regarde alors qu'elle arrache ses pommes de terre. J'entends l'obus arriver sur elle. Elle a un enfant et est enceinte du deuxième. Pauvre Georgette!
Je n’ai pas pu voir la suite parce qu'un autre obus tombe au même moment sur notre maison. Il y a un fracas, la cuisinière est déplacée par la secousse, on voit le ciel à travers le toit, la fleur de foin vole partout. Nous partons nous réfugier à la cave.
Et ainsi de suite, quel massacre ! Un monsieur et une dame, en revenant de la messe, se mettent à table pour manger leur pot au feu. Un obus tombe sur la soupière. Mr et Mme Léon Duchène, de la Hardoye sont tués tous les deux.
Une autre fois je reviens des pommes de terre, je suis prise pour cible par les alliés qui se trouvent à Morbieux. Je vois les impacts des petits « crapouillots », (des petits obus), qui se rapprochent de moi. J'ai juste eu le temps de me cacher près de la maison du gendarme Grandjean qui n'habite pas loin de chez mon oncle Alfred Febvay.
Papa passe quinze jours pour reboucher un trou d'obus au dessus de notre maison.
Juste avant la fin de l'occupation, c'est la panique. Les hommes ne pensent plus qu'à se sauver. Le ralliement se fait chez Alfred Febvay, où nous logeons. Pour nous c'est un divertissement de voir des hommes habillés en femmes, et plus encore lorsque quelqu'un crie : « Un Allemand arrive! ». Les hommes se cachent dans la précipitation, sous la table et dans les placards. L'Allemand ne s'aperçoit de rien et repart.
Ces hommes partaient sur Le Ménil pour atteindre les Huttes, où un passeur les attend, Mr Poirot le scieur de bois, il leur fait passer les lignes.
Un jour, voici deux Allemands qui nous crient: « Les chevaux et les voitures! ». Tout de suite l'oncle Alfred sort son cheval. Papa fait de même. « Harnachez! » nous ordonnent-ils. Papa lui répond : « Moi malade, je peux pas ». Mon oncle demande à sa fille Suzanne de cacher la bâche qui se trouve au fond du hangar afin qu'ils ne l'emportent pas. L'Allemand prend son arme et la braque sous son nez en hurlant.
Tout compte fait, ils partent avec nos bêtes et nos charrettes, papa regarde partir son cheval, les yeux pleins de larmes.
Le dimanche d'après, un homme vient crier au fond de l'église: « On est libéré, nous sommes libres! ». Mr le curé abandonne son sermon, tous le monde sort en criant, en chantant. Nous partons à l'aventure en direction du Thillot. Grosse surprise, à la sortie de Fresse on retrouve Papa, l'oncle André, Marcel Chevrier qui est prêtre. Un soldat du Corps Franc Pommies vient nous embrasser. Quelle joie! Maman décide de faire à manger pour tout ce monde.
yves philippe- MODERATEUR
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Date d'inscription : 28/12/2010
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