FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE GILBERT THOMAS
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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FRESSE SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE GILBERT THOMAS
J'étais gamin en 1940 quand les Allemands sont arrivés. J'étais apprenti boucher chez « Calotte » ( Edmond Lambert - Ndr) au Thillot.
Avec l'arrivée des Allemands, tout le monde fuyait et le patron qui partait lui aussi nous a dit de donner toute la viande qui restait dans son commerce à qui en voulait, pour ne pas qu'elle tombe dans les pattes des Boches.
J'ai vu aussi tous les soldats français fuir à pied, abandonnant tout leur matériel sur place alors que les Allemands arrivaient, très bien équipés.
De plus, je vois encore, dans la Rue Galmant, ces deux hommes en uniforme allemand, un originaire de Fresse sur Moselle, et l'autre de St Maurice, venir à pied à la tête des troupes d'occupation.
Je ne voyais pas bien comment on aurait pu gagner la guerre dans ces conditions.
De 40 à 42 je me suis occupé de ma petite sœur puisque ma mère travaillait au tissage Haffner.
Un jour, un copain de St Maurice, Gilbert Didierlaurent, me conseille de quitter la région pour ne pas être pris dans une rafle. Son conseil était bon puisque c'est lui qui a été embarqué par la suite.
Dans le même temps, vers le mois d'avril 1942, je suis contacté par Lucien Bonnard de Fresse qui m'invite à le suivre dans une ferme en Haute Marne où il se trouvait depuis un certain temps. Une madame Hans, de Bussang, était déjà femme de ménage dans cette ferme.
Je suis donc parti avec eux dans cette « ferme de Suxy » près de Prauthoy ( 52). Moi je me suis retrouvé juste à côté, à Villegusien où je travaillais pour un maquignon qui était le frère du patron de la ferme de Suxy où se trouvait Bonnard.
Je m'occupais de petits cochons.
Tout allait bien jusqu'au jour où le train qui reliait Langres à Dijon a été attaqué au niveau de la tranchée de « Suxy ». A cet endroit, la ligne de chemin de fer est fortement encaissée, mais pas assez pour passer dans un tunnel.
Des grenades ont été lancées par le dessus du talus, ce qui a fait dérailler le train. C'était un train de l'Africa Korps, l'armée du Général Rommel.
Certains disent que ce sont les maquisards qui ont fait ça, d'autres prétendaient que c'étaient les ouvriers des usines Terrot, qui se trouvaient à une vingtaine de kilomètres, sur Dijon
Suite à cela, les Boches, qui escortaient le train, se sont rendus à la ferme de Suxy, située à proximité de la ligne de chemin de fer, pensant peut être que l'attaque venait de là.
Ils ont brûlé la ferme, le propriétaire et les commis de ferme ont été passés par les armes ainsi que des civils à Prauthoy, en représailles.
Ce jour là, la femme du patron nous apprend que la ferme de Suxy est en train de brûler. Je suis parti voir avec mon patron, Paul Fourot.
Je me souviens, j'étais debout sur le tracteur et Paul Fourot conduisait. Nous allions sur la ferme de Suxy lorsque j'ai vu les Boches.
J'ai senti qu'il ne fallait pas que j'aille plus loin, je suis descendu du tracteur, j'ai fait semblant d'aller uriner, je me suis enfui dans les maïs et suis revenu à Villegusien. Je suis le seul survivant du groupe qui était parti là- bas pour travailler.
Quelques jours plus tard, je suis allé identifier les corps à la mairie de Prauthoy et ai participé à la toilette des morts.
J'avais vraiment eu de la chance de m'en tirer. D'un autre côté, si j'étais resté à Fresse Sur Moselle, j'aurais probablement fait partie de la soixantaine de jeunes qui se sont retrouvés à Dachau, comme Gilbert Didierlaurent.
Par la suite, avec Mr Gérouville, le maire de Villegusien, qui était un ancien de l'armée, nous nous sommes engagés dans la première armée.
Je me suis retrouvé dans la 9ème Division d'Infanterie Coloniale Française auprès du 4ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais.
Dans ces moments là, les Sénégalais ont eu droit à repartir chez eux, le régiment a été « blanchi » et nous sommes devenus le 21ème Régiment d'Infanterie Coloniale.
Nous avons perçu les habits des Sénégalais et une collecte d'habits en milieu civil a été opérée afin de leur permettre de repartir chez eux
J'ai donc poursuivi les opérations de libération en passant successivement par Le Valdahon (25), Morvillard (90), Mulhouse (68), toute l 'Alsace.
J'ai passé le Rhin le jour de mon 20 ème anniversaire, le 07 avril 1945 », à côté du Général De Lattre de Tassigny.
Nous avons fait la campagne d'Allemagne, Karlsruhe, Baden Baden, le lac de Constance.
Je me souviens que nous avons été reçus comme des rois par la population allemande. Nous les libérions nous aussi d'Adolphe Hitler.
Dans l'armée allemande il ne faut pas tout confondre. Il y avait la Gestapo et les SS d'un côté et la Wehrmacht de l'autre. Les hommes de troupe allemands n'étaient pas plus mauvais que les soldats français.
Malheureusement pour nous et heureusement pour eux, nous avons eu l'occasion de libérer des camps de prisonniers et un camp de concentration dont je ne me souviens plus du nom. Je me souviens y avoir vu des montagnes d'habits, de chaussures et de cheveux. Ce n'était pas beau à voir.
Nous sommes allés jusqu'en Autriche. Je me souviens d'un panneau qui disait en français : “Ne tirez pas, Autriche pays ami”.
Nous avons terminé la campagne d'Allemagne le 31 octobre 1945.
Après 39/45, comme je m'étais engagé pour 4 ans, j'ai eu droit à aller en Indochine.
Avec l'arrivée des Allemands, tout le monde fuyait et le patron qui partait lui aussi nous a dit de donner toute la viande qui restait dans son commerce à qui en voulait, pour ne pas qu'elle tombe dans les pattes des Boches.
J'ai vu aussi tous les soldats français fuir à pied, abandonnant tout leur matériel sur place alors que les Allemands arrivaient, très bien équipés.
De plus, je vois encore, dans la Rue Galmant, ces deux hommes en uniforme allemand, un originaire de Fresse sur Moselle, et l'autre de St Maurice, venir à pied à la tête des troupes d'occupation.
Je ne voyais pas bien comment on aurait pu gagner la guerre dans ces conditions.
De 40 à 42 je me suis occupé de ma petite sœur puisque ma mère travaillait au tissage Haffner.
Un jour, un copain de St Maurice, Gilbert Didierlaurent, me conseille de quitter la région pour ne pas être pris dans une rafle. Son conseil était bon puisque c'est lui qui a été embarqué par la suite.
Dans le même temps, vers le mois d'avril 1942, je suis contacté par Lucien Bonnard de Fresse qui m'invite à le suivre dans une ferme en Haute Marne où il se trouvait depuis un certain temps. Une madame Hans, de Bussang, était déjà femme de ménage dans cette ferme.
Je suis donc parti avec eux dans cette « ferme de Suxy » près de Prauthoy ( 52). Moi je me suis retrouvé juste à côté, à Villegusien où je travaillais pour un maquignon qui était le frère du patron de la ferme de Suxy où se trouvait Bonnard.
Je m'occupais de petits cochons.
Tout allait bien jusqu'au jour où le train qui reliait Langres à Dijon a été attaqué au niveau de la tranchée de « Suxy ». A cet endroit, la ligne de chemin de fer est fortement encaissée, mais pas assez pour passer dans un tunnel.
Des grenades ont été lancées par le dessus du talus, ce qui a fait dérailler le train. C'était un train de l'Africa Korps, l'armée du Général Rommel.
Certains disent que ce sont les maquisards qui ont fait ça, d'autres prétendaient que c'étaient les ouvriers des usines Terrot, qui se trouvaient à une vingtaine de kilomètres, sur Dijon
Suite à cela, les Boches, qui escortaient le train, se sont rendus à la ferme de Suxy, située à proximité de la ligne de chemin de fer, pensant peut être que l'attaque venait de là.
Ils ont brûlé la ferme, le propriétaire et les commis de ferme ont été passés par les armes ainsi que des civils à Prauthoy, en représailles.
Ce jour là, la femme du patron nous apprend que la ferme de Suxy est en train de brûler. Je suis parti voir avec mon patron, Paul Fourot.
Je me souviens, j'étais debout sur le tracteur et Paul Fourot conduisait. Nous allions sur la ferme de Suxy lorsque j'ai vu les Boches.
J'ai senti qu'il ne fallait pas que j'aille plus loin, je suis descendu du tracteur, j'ai fait semblant d'aller uriner, je me suis enfui dans les maïs et suis revenu à Villegusien. Je suis le seul survivant du groupe qui était parti là- bas pour travailler.
Quelques jours plus tard, je suis allé identifier les corps à la mairie de Prauthoy et ai participé à la toilette des morts.
J'avais vraiment eu de la chance de m'en tirer. D'un autre côté, si j'étais resté à Fresse Sur Moselle, j'aurais probablement fait partie de la soixantaine de jeunes qui se sont retrouvés à Dachau, comme Gilbert Didierlaurent.
Par la suite, avec Mr Gérouville, le maire de Villegusien, qui était un ancien de l'armée, nous nous sommes engagés dans la première armée.
Je me suis retrouvé dans la 9ème Division d'Infanterie Coloniale Française auprès du 4ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais.
Dans ces moments là, les Sénégalais ont eu droit à repartir chez eux, le régiment a été « blanchi » et nous sommes devenus le 21ème Régiment d'Infanterie Coloniale.
Nous avons perçu les habits des Sénégalais et une collecte d'habits en milieu civil a été opérée afin de leur permettre de repartir chez eux
J'ai donc poursuivi les opérations de libération en passant successivement par Le Valdahon (25), Morvillard (90), Mulhouse (68), toute l 'Alsace.
J'ai passé le Rhin le jour de mon 20 ème anniversaire, le 07 avril 1945 », à côté du Général De Lattre de Tassigny.
Nous avons fait la campagne d'Allemagne, Karlsruhe, Baden Baden, le lac de Constance.
Je me souviens que nous avons été reçus comme des rois par la population allemande. Nous les libérions nous aussi d'Adolphe Hitler.
Dans l'armée allemande il ne faut pas tout confondre. Il y avait la Gestapo et les SS d'un côté et la Wehrmacht de l'autre. Les hommes de troupe allemands n'étaient pas plus mauvais que les soldats français.
Malheureusement pour nous et heureusement pour eux, nous avons eu l'occasion de libérer des camps de prisonniers et un camp de concentration dont je ne me souviens plus du nom. Je me souviens y avoir vu des montagnes d'habits, de chaussures et de cheveux. Ce n'était pas beau à voir.
Nous sommes allés jusqu'en Autriche. Je me souviens d'un panneau qui disait en français : “Ne tirez pas, Autriche pays ami”.
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yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
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