SAINT MAURICE SUR MOSELLE - SOUVENIR D’ANDRÉ LAPREVOTTE
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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SAINT MAURICE SUR MOSELLE - SOUVENIR D’ANDRÉ LAPREVOTTE
Je suis né à Bussang en août 1924, mais c'est à St Maurice que j'ai traversé cette période-là.
A la déclaration de guerre j'avais 15 ans. J'étais trop jeune pour être mobilisé, par contre, je ne l'étais pas pour aller travailler à l'usine.
Malgré notre jeune âge, nous avons subi cette guerre en commençant par les restrictions alimentaires dues à la désorganisation de l'approvisionnement en nourriture et aux réquisitions. A 15 ans, un gamin a toujours faim et surtout celui qui travaille comme un adulte.
Quand je vois tout ce qu'on jette maintenant alors que nous, nous étions réduits à manger les épluchures des légumes...
Les tickets d'alimentation ne suffisaient pas à nourrir les familles.
Avec l'absence des prisonniers de guerre et des gars requis pour le STO, il ne restait plus grand monde dans les communes. Les Allemands ayant besoin de main d'œuvre pour faire des postes de combats, ils ont pioché dans les hommes qui restaient.
On était Français ou on ne l'était pas mais il fallait bien se soumettre aux ordres de l'occupant car si on refusait il y avait toujours un membre de la famille qui risquait de payer votre refus.
L'exemple de trop de jeunes de nos âges qui avaient contesté d'une manière ou d'une autre le régime nazi et qui avaient été embarqués manu-militari par les Boches suffisait à nous faire courber le dos. C'est donc à contre cœur que je suis allé faire des tranchées pour le compte de l'ennemi.
Je me souviens de ce jour où les Allemands nous ont ordonné de revenir le lendemain sur la place du village avec des couvertures parce que nous allions déplacer le chantier. En raison de son éloignement du village nous dormirions dans un campement de fortune.
Comme prévu, nous étions là le lendemain, mais c'était pour une toute autre raison. Nous avons été rassemblés sur la place, devant l'église de St Maurice, entourés par des hommes en armes qui nous empêchaient de fuir.
Je me souviens que mon copain Gino David, m'avait dit de me mettre devant parce qu'à l'arrière du groupe je ne voyais rien.
Sentant le danger je m'étais permis de lui répondre « Ta gueule, on ne voit rien, mais on en verra surement de trop tout à l'heure ». Une liste de noms a été égrenée et ces gens nommés ont été conduits dans un premier temps à la mairie de St Maurice.
J'entends encore leurs hurlements de souffrance qui s'échappaient de la mairie lors des interrogatoires.
Les Allemands avaient arrêté les jours précédents un type qui avait la liste des maquisards sur lui. Ce rassemblement avait pour but d'en extraire les gens qui figuraient sur cette liste et qui étaient supposés appartenir à la résistance.
Je n'oublierai jamais cette scène, elle est gravée au fond de moi et j'en suis ému à l'idée même d'en parler, aujourd'hui, plus de soixante ans après.
Pour ne pas être requis pour le STO, j'avais trouvé une place chez Jeanne Bochet de St Maurice, dont le mari était prisonnier, je l'aidais à la ferme.
Un jour elle est venue me dire d'aller me cacher dans le foin du grenier parce que les Allemands arrivaient.
J'ai fait une niche dans le foin et les Allemands sont venus piquer le tas de foin à grands coups de fourche.
Quelques jours plus tard, après plusieurs jours de bombardements, les combats ont totalement cessé.
Avec Benjamin Lambolez je suis monté sur le toit de la ferme de Mme Bochet, lequel avait été endommagé.
Tout à coup, nous remarquons deux soldats qui arrivaient à pied au niveau de l'étang de Presle.
Nous sommes descendus pour nous cacher dans la buanderie de la ferme où une petite fenêtre donnait sur la route.
Au fur et à mesure que ces soldats avançaient, nous remarquions que leurs uniformes étaient différents de ceux des Allemands.
A un moment, Benjamin me dit « C'est des Français! ».
Nous sommes donc allés à leur rencontre.
C'était Édouard Rathouis, originaire de St Maurice et un de ses copains polonais. Ils arrivaient en précurseurs et libéraient le village.
Benjamin Lambolez qui était plus âgé que moi les a renseignés sur la situation. Benjamin et Édouard se connaissaient mais Édouard ne me connaissait pas, j'étais trop jeune. Benjamin m'a présenté à Édouard lequel m'a demandé de le suivre au château Rathouis où se trouvaient ses parents.
Au château Rathouis, on m'a servi un café avec des gâteaux. Edouard m'a demandé si j'étais courageux. Rassuré par ma réponse il m'a confié une mission. Je devais aller porter un pli à “La Pranzière”, un lieu- dit du Haut du Them – Château Lambert (70) où des militaires attendaient.
Il m'avait mis en garde sur des mines qui avaient été mises sur l'itinéraire.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais du bas de St Maurice à La Pranzière, c'est tout de même pas une promenade de santé.
Je suis donc passé par le Hangy à Fresse, Longeligoutte et suis arrivé à la Pranzière, tout en évitant les fils des mines.
Les mines étaient déclenchées par trois fils de couleur différentes, un jaune, un bleu et un rouge. Sur le trajet, j'avais été à nouveau été mis en garde par Georges Breinlen au sujet de ces mines.
A La Pranzière, j'ai été accueilli par des jeunes FFI qui m'ont conduit à la ferme de la Pranzière.
Là les gars m'ont fait boire la goutte (eau de vie -Ndr) et un chef m'a dit que ma mission n'était pas finie.
Il a fallu que je descende à la Fonderie de Belmont où était réuni un état major français.
A la lecture du pli, les soldats ont été divisés en trois groupes, un groupe est passé par le Col des Croix au Thillot, un autre par La Pranzière et le troisième par le derrière de Presle à St Maurice. Ce sont eux qui ont libéré la vallée.
Les gens de St Maurice ont été étonnés de me voir revenir avec des militaires. Édouard Rathouis se souvient avoir confié ce pli mais personne ne sait jusqu'à aujourd'hui que c'est moi qui l'avais porté là- haut.
Moi j'ai eu beaucoup de chance par rapport à d'autres, et je suis là pour dire à ceux qui disent qu'il faudrait une bonne guerre pour régler les problèmes actuels, qu'ils ne savent pas ce qu'ils disent.
La guerre je l'ai connue et je ne la souhaite à personne.
A la déclaration de guerre j'avais 15 ans. J'étais trop jeune pour être mobilisé, par contre, je ne l'étais pas pour aller travailler à l'usine.
Malgré notre jeune âge, nous avons subi cette guerre en commençant par les restrictions alimentaires dues à la désorganisation de l'approvisionnement en nourriture et aux réquisitions. A 15 ans, un gamin a toujours faim et surtout celui qui travaille comme un adulte.
Quand je vois tout ce qu'on jette maintenant alors que nous, nous étions réduits à manger les épluchures des légumes...
Les tickets d'alimentation ne suffisaient pas à nourrir les familles.
Avec l'absence des prisonniers de guerre et des gars requis pour le STO, il ne restait plus grand monde dans les communes. Les Allemands ayant besoin de main d'œuvre pour faire des postes de combats, ils ont pioché dans les hommes qui restaient.
On était Français ou on ne l'était pas mais il fallait bien se soumettre aux ordres de l'occupant car si on refusait il y avait toujours un membre de la famille qui risquait de payer votre refus.
L'exemple de trop de jeunes de nos âges qui avaient contesté d'une manière ou d'une autre le régime nazi et qui avaient été embarqués manu-militari par les Boches suffisait à nous faire courber le dos. C'est donc à contre cœur que je suis allé faire des tranchées pour le compte de l'ennemi.
Je me souviens de ce jour où les Allemands nous ont ordonné de revenir le lendemain sur la place du village avec des couvertures parce que nous allions déplacer le chantier. En raison de son éloignement du village nous dormirions dans un campement de fortune.
Comme prévu, nous étions là le lendemain, mais c'était pour une toute autre raison. Nous avons été rassemblés sur la place, devant l'église de St Maurice, entourés par des hommes en armes qui nous empêchaient de fuir.
Je me souviens que mon copain Gino David, m'avait dit de me mettre devant parce qu'à l'arrière du groupe je ne voyais rien.
Sentant le danger je m'étais permis de lui répondre « Ta gueule, on ne voit rien, mais on en verra surement de trop tout à l'heure ». Une liste de noms a été égrenée et ces gens nommés ont été conduits dans un premier temps à la mairie de St Maurice.
J'entends encore leurs hurlements de souffrance qui s'échappaient de la mairie lors des interrogatoires.
Les Allemands avaient arrêté les jours précédents un type qui avait la liste des maquisards sur lui. Ce rassemblement avait pour but d'en extraire les gens qui figuraient sur cette liste et qui étaient supposés appartenir à la résistance.
Je n'oublierai jamais cette scène, elle est gravée au fond de moi et j'en suis ému à l'idée même d'en parler, aujourd'hui, plus de soixante ans après.
Pour ne pas être requis pour le STO, j'avais trouvé une place chez Jeanne Bochet de St Maurice, dont le mari était prisonnier, je l'aidais à la ferme.
Un jour elle est venue me dire d'aller me cacher dans le foin du grenier parce que les Allemands arrivaient.
J'ai fait une niche dans le foin et les Allemands sont venus piquer le tas de foin à grands coups de fourche.
Quelques jours plus tard, après plusieurs jours de bombardements, les combats ont totalement cessé.
Avec Benjamin Lambolez je suis monté sur le toit de la ferme de Mme Bochet, lequel avait été endommagé.
Tout à coup, nous remarquons deux soldats qui arrivaient à pied au niveau de l'étang de Presle.
Nous sommes descendus pour nous cacher dans la buanderie de la ferme où une petite fenêtre donnait sur la route.
Au fur et à mesure que ces soldats avançaient, nous remarquions que leurs uniformes étaient différents de ceux des Allemands.
A un moment, Benjamin me dit « C'est des Français! ».
Nous sommes donc allés à leur rencontre.
C'était Édouard Rathouis, originaire de St Maurice et un de ses copains polonais. Ils arrivaient en précurseurs et libéraient le village.
Benjamin Lambolez qui était plus âgé que moi les a renseignés sur la situation. Benjamin et Édouard se connaissaient mais Édouard ne me connaissait pas, j'étais trop jeune. Benjamin m'a présenté à Édouard lequel m'a demandé de le suivre au château Rathouis où se trouvaient ses parents.
Au château Rathouis, on m'a servi un café avec des gâteaux. Edouard m'a demandé si j'étais courageux. Rassuré par ma réponse il m'a confié une mission. Je devais aller porter un pli à “La Pranzière”, un lieu- dit du Haut du Them – Château Lambert (70) où des militaires attendaient.
Il m'avait mis en garde sur des mines qui avaient été mises sur l'itinéraire.
Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais du bas de St Maurice à La Pranzière, c'est tout de même pas une promenade de santé.
Je suis donc passé par le Hangy à Fresse, Longeligoutte et suis arrivé à la Pranzière, tout en évitant les fils des mines.
Les mines étaient déclenchées par trois fils de couleur différentes, un jaune, un bleu et un rouge. Sur le trajet, j'avais été à nouveau été mis en garde par Georges Breinlen au sujet de ces mines.
A La Pranzière, j'ai été accueilli par des jeunes FFI qui m'ont conduit à la ferme de la Pranzière.
Là les gars m'ont fait boire la goutte (eau de vie -Ndr) et un chef m'a dit que ma mission n'était pas finie.
Il a fallu que je descende à la Fonderie de Belmont où était réuni un état major français.
A la lecture du pli, les soldats ont été divisés en trois groupes, un groupe est passé par le Col des Croix au Thillot, un autre par La Pranzière et le troisième par le derrière de Presle à St Maurice. Ce sont eux qui ont libéré la vallée.
Les gens de St Maurice ont été étonnés de me voir revenir avec des militaires. Édouard Rathouis se souvient avoir confié ce pli mais personne ne sait jusqu'à aujourd'hui que c'est moi qui l'avais porté là- haut.
Moi j'ai eu beaucoup de chance par rapport à d'autres, et je suis là pour dire à ceux qui disent qu'il faudrait une bonne guerre pour régler les problèmes actuels, qu'ils ne savent pas ce qu'ils disent.
La guerre je l'ai connue et je ne la souhaite à personne.
yves philippe- MODERATEUR
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Date d'inscription : 28/12/2010
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