RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE JEANNE PARMENTIER VVE ANDRÉ HINGRAY
FOREST :: VALLEE DE LA HAUTE MOSELLE, Rupt sur Moselle à Bussang :: "Recueil de témoignages sur le vécu sous la botte Allemande ( 39-45)
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RUPT SUR MOSELLE - SOUVENIRS DE JEANNE PARMENTIER VVE ANDRÉ HINGRAY
En 1939, j'habitais à Longchamp, chez mes parents avec ma sœur Marguerite et mon frère Robert. Mes grands parents demeuraient là eux aussi.
A la déclaration de guerre mon père a été mobilisé bien qu'il était déjà âgé et souffrant de rhumatismes dus à la première guerre. Tout compte fait, il a été démobilisé et est revenu à la maison le soir même.
Un jour, Félix Colin, qui était troisième adjoint au maire est venu voir papa, il lui a dit qu'il fallait que nous rassemblions nos objets les plus importants et qu'il fallait aller s'abriter sur les hauteurs. Mes grands-parents n'ont pas voulu partir tandis qu'avec une charrette attelée à deux vaches, nous sommes allés nous réfugier dans une ferme à Mr Colin, sur les Dessus de Rupt.
Au bout de quelques jours, maman a trouvé le temps long et nous sommes redescendus chez nous à Longchamp. Rien de particulier ne s'y était passé.
Deux où trois jours après il y a eu des combats au niveau du Mont de fourche et les Allemands sont arrivés. Plusieurs soldats français ont été tués là.
Ensuite nous avons vu les Allemands arriver avec leurs tanks. Ils sont descendus tout droit dans les prés Vuillemard et les prés d'Alain Jeanmougin. Je les vois encore passer derrière chez nous, ils n'ont fait que passer, ils ont franchi la Moselle et sont allés au village où il y a eu quelques combats.
Des maisons ont brulé dans la rue de l'église et il y a eu quelques morts.
Nous avons vécu quelques jours à la cave. L'entrée de notre cave se faisant par l'extérieur, imaginez ce nous serions devenus si un obus était tombé sur l'entrée de cave... . Mes grands-parents n'ont pas voulu y descendre.
En 1940 Robert, notre frère a été mobilisé, il est parti dans le Sud. Nous avons été de longs moments sans avoir de ses nouvelles.
Nous avons ensuite vu passer de longs cortèges de prisonniers français qui allaient vers l'Alsace à pied, gardés par des soldats allemands.
Un contingent d'Allemands a cantonné un temps dans notre secteur, près de chez Jean Colin. Ils montaient tous les matins devant chez nous en marchant au pas. On entendait leurs bottes marteler le sol. Un chef venait se servir en lait chez nous. C'était étrange, il mélangeait le lait avec des brimbelles.
Des prisonniers français ont été placés par l'autorité allemande dans les fermes du secteur à la demande des agriculteurs. Nous en avons eu un qui se nommait Raymond Gaillard. Il était originaire du côté de Parey le Monial. (Ce soldat venait du village de St Laurent en Brionnais 71800 – Ndr). Il est arrivé chez nous dans un état d'hygiène déplorable, il n'y était pour rien bien sûr, il ne tenait presque plus debout. C'était un brave homme.
Ensuite il a été placé dans une ferme de Mme Grosdemange à Remiremont, près du Parmont, jusqu'au dimanche où il s'est présenté chez nous pour venir nous dire au revoir. Il avait projeté de s'enfuir, un camion de marchandises devait l'attendre le lendemain à l'aube. Nous lui avons donné des habits de Robert qui devait toujours se trouver dans les chantiers de jeunesse.
A ce moment-là, par personne interposée, je connaissais un passeur qui pouvait faire traverser la ligne de démarcation au courrier. Par ce biais, j'ai pu avertir Robert qui est parvenu à rejoindre la ferme des parents de ce soldat. Le hasard a fait que Robert se soit trouvé chez eux lorsque Raymond y est arrivé vêtu de ses propres habits.
Moi comme j'avais fait des cours de couture depuis l'âge de 13 ans, j'avais monté ma petite affaire comme couturière. J'étais inscrite à la chambre des métiers et j'ai eu plusieurs ouvrières.
Nous avions une grosse activité, notre chance était que l'usine du Pont de Lette a continué à travailler, donc on y trouvait le tissu dont nous avions besoin. A un certain moment nous avons même été obligées de mettre un panneau sur notre porte informant nos clients que nous ne pouvions plus suivre face à la commande et qu'il leur fallait attendre.
Au cours de l'occupation, nous n'avons pas été malheureux. Nous avions la chance de vivre dans une ferme, donc on avait à peu près tout ce qu'il fallait pour vivre presque normalement. Des gens venaient chez nous pour avoir un peu quelque chose. Mes parents étaient bons, ils ont toujours offert, en fonction de ce dont on disposait.
Ça n'a pas été le cas de tout le monde, certains faisaient acte de commerce, ils ont reçu des petits cercueils en bois après la guerre, pour leur rappeler leur comportement au cours des années précédentes.
Dans ces années-là, nous avons aussi hébergé trois enfants de notre famille.
J'ai su qu'il y avait un maquis sur Rupt mais nous n'en entendions pas beaucoup parler. On parlait peu à l'époque, même si on savait des choses.
Je sais aussi que les Allemands avaient mis en place une ligne téléphonique qui descendait depuis le Mont de Furche vers le village. Ces fils ont été coupés plusieurs fois et les Allemands ont fait savoir au village que si ça continuait, il y aurait des représailles.
Chacun se débrouillait comme il pouvait pour trouver ce qu'il cherchait. Il nous arrivait de trouver à la boucherie de Léon François à Ferdrupt ce qu'on ne pouvait obtenir dans celles de Rupt.
Un jour j'étais allée au pain chez Cuillez. Nous attendions tous notre tour avec nos tickets d'alimentation lorsqu’une grosse déflagration nous a bousculés. Nous n’avons su qu'après que c'était les Allemands, dans leurs replis, qui avaient fait sauter le Pont de fer.
Chez nous il y avait un grand hangar. Il a souvent été utilisé par les soldats de passage.
Nous avons vu arriver les Tabors avec leur grande djellaba et leurs petits ânes. Papa leur a prêté le grenier afin qu'ils se reposent, il leur avait également distribué de la viande. Une nuit, vers deux heures du matin, ils ont eu l'ordre de partir. Ils sont partis à l'attaque. Beaucoup ont été tués, d'autres sont revenus avec cinq ou six montres au poignet, c'était leur prise de guerre.
Avec eux se trouvait le père Cabatsus, un aumônier qui venait d'Alger. C'est lui qui s'est chargé d'aller acheter du tissu au tissage Pinot (Par la suite devenu le site de la SIM puis Grupo Antolin Ndr), pour faire des linceuls afin d'enterrer les Tabors morts au combats. Il disait aussi la messe les matins chez nous.
Nous avons hébergé aussi un général de l'armée française avec son intendance.
Dans notre hangar ont été abritées des pièces de la DCA. Cinq chars français ont stationné à côté de chez nous. Je me souviens il y avait un nommé Chabanette, dont le frère jumeau avait été coincé entre deux cars et en était décédé. Il nous avait fait visiter son char.
Nous avons vu passer également un nommé Salahain qui était venu à pied de Gérardmer avec les soldats qu'il commandait. Il a mangé et dormi chez nous. Son ordonnance qui était un musulman, n'a pas voulu manger les beignets de maman, pensant que c'était du porc.
Rupt a été libéré bien avant le dessus de la vallée. Le front s'est stabilisé deux mois vers Ramonchamp.
Des gens des villages encore occupés ont passé les lignes et sont venus se réfugier plus bas dans la vallée. Devant chez nous il y avait une toute petite maison, le château, comme on disait. Des gens du Ménil où ils tenaient un petit magasin, nommés Faddi, sont restés là quelque temps.
Aujourd'hui, il m'arrive de penser encore quelquefois à ces années-là et aux pauvres Tabors. Ce sont quand même eux qui nous ont libérés!
A la déclaration de guerre mon père a été mobilisé bien qu'il était déjà âgé et souffrant de rhumatismes dus à la première guerre. Tout compte fait, il a été démobilisé et est revenu à la maison le soir même.
Un jour, Félix Colin, qui était troisième adjoint au maire est venu voir papa, il lui a dit qu'il fallait que nous rassemblions nos objets les plus importants et qu'il fallait aller s'abriter sur les hauteurs. Mes grands-parents n'ont pas voulu partir tandis qu'avec une charrette attelée à deux vaches, nous sommes allés nous réfugier dans une ferme à Mr Colin, sur les Dessus de Rupt.
Au bout de quelques jours, maman a trouvé le temps long et nous sommes redescendus chez nous à Longchamp. Rien de particulier ne s'y était passé.
Deux où trois jours après il y a eu des combats au niveau du Mont de fourche et les Allemands sont arrivés. Plusieurs soldats français ont été tués là.
Ensuite nous avons vu les Allemands arriver avec leurs tanks. Ils sont descendus tout droit dans les prés Vuillemard et les prés d'Alain Jeanmougin. Je les vois encore passer derrière chez nous, ils n'ont fait que passer, ils ont franchi la Moselle et sont allés au village où il y a eu quelques combats.
Des maisons ont brulé dans la rue de l'église et il y a eu quelques morts.
Nous avons vécu quelques jours à la cave. L'entrée de notre cave se faisant par l'extérieur, imaginez ce nous serions devenus si un obus était tombé sur l'entrée de cave... . Mes grands-parents n'ont pas voulu y descendre.
En 1940 Robert, notre frère a été mobilisé, il est parti dans le Sud. Nous avons été de longs moments sans avoir de ses nouvelles.
Nous avons ensuite vu passer de longs cortèges de prisonniers français qui allaient vers l'Alsace à pied, gardés par des soldats allemands.
Un contingent d'Allemands a cantonné un temps dans notre secteur, près de chez Jean Colin. Ils montaient tous les matins devant chez nous en marchant au pas. On entendait leurs bottes marteler le sol. Un chef venait se servir en lait chez nous. C'était étrange, il mélangeait le lait avec des brimbelles.
Des prisonniers français ont été placés par l'autorité allemande dans les fermes du secteur à la demande des agriculteurs. Nous en avons eu un qui se nommait Raymond Gaillard. Il était originaire du côté de Parey le Monial. (Ce soldat venait du village de St Laurent en Brionnais 71800 – Ndr). Il est arrivé chez nous dans un état d'hygiène déplorable, il n'y était pour rien bien sûr, il ne tenait presque plus debout. C'était un brave homme.
Ensuite il a été placé dans une ferme de Mme Grosdemange à Remiremont, près du Parmont, jusqu'au dimanche où il s'est présenté chez nous pour venir nous dire au revoir. Il avait projeté de s'enfuir, un camion de marchandises devait l'attendre le lendemain à l'aube. Nous lui avons donné des habits de Robert qui devait toujours se trouver dans les chantiers de jeunesse.
A ce moment-là, par personne interposée, je connaissais un passeur qui pouvait faire traverser la ligne de démarcation au courrier. Par ce biais, j'ai pu avertir Robert qui est parvenu à rejoindre la ferme des parents de ce soldat. Le hasard a fait que Robert se soit trouvé chez eux lorsque Raymond y est arrivé vêtu de ses propres habits.
Moi comme j'avais fait des cours de couture depuis l'âge de 13 ans, j'avais monté ma petite affaire comme couturière. J'étais inscrite à la chambre des métiers et j'ai eu plusieurs ouvrières.
Nous avions une grosse activité, notre chance était que l'usine du Pont de Lette a continué à travailler, donc on y trouvait le tissu dont nous avions besoin. A un certain moment nous avons même été obligées de mettre un panneau sur notre porte informant nos clients que nous ne pouvions plus suivre face à la commande et qu'il leur fallait attendre.
Au cours de l'occupation, nous n'avons pas été malheureux. Nous avions la chance de vivre dans une ferme, donc on avait à peu près tout ce qu'il fallait pour vivre presque normalement. Des gens venaient chez nous pour avoir un peu quelque chose. Mes parents étaient bons, ils ont toujours offert, en fonction de ce dont on disposait.
Ça n'a pas été le cas de tout le monde, certains faisaient acte de commerce, ils ont reçu des petits cercueils en bois après la guerre, pour leur rappeler leur comportement au cours des années précédentes.
Dans ces années-là, nous avons aussi hébergé trois enfants de notre famille.
J'ai su qu'il y avait un maquis sur Rupt mais nous n'en entendions pas beaucoup parler. On parlait peu à l'époque, même si on savait des choses.
Je sais aussi que les Allemands avaient mis en place une ligne téléphonique qui descendait depuis le Mont de Furche vers le village. Ces fils ont été coupés plusieurs fois et les Allemands ont fait savoir au village que si ça continuait, il y aurait des représailles.
Chacun se débrouillait comme il pouvait pour trouver ce qu'il cherchait. Il nous arrivait de trouver à la boucherie de Léon François à Ferdrupt ce qu'on ne pouvait obtenir dans celles de Rupt.
Un jour j'étais allée au pain chez Cuillez. Nous attendions tous notre tour avec nos tickets d'alimentation lorsqu’une grosse déflagration nous a bousculés. Nous n’avons su qu'après que c'était les Allemands, dans leurs replis, qui avaient fait sauter le Pont de fer.
Chez nous il y avait un grand hangar. Il a souvent été utilisé par les soldats de passage.
Nous avons vu arriver les Tabors avec leur grande djellaba et leurs petits ânes. Papa leur a prêté le grenier afin qu'ils se reposent, il leur avait également distribué de la viande. Une nuit, vers deux heures du matin, ils ont eu l'ordre de partir. Ils sont partis à l'attaque. Beaucoup ont été tués, d'autres sont revenus avec cinq ou six montres au poignet, c'était leur prise de guerre.
Avec eux se trouvait le père Cabatsus, un aumônier qui venait d'Alger. C'est lui qui s'est chargé d'aller acheter du tissu au tissage Pinot (Par la suite devenu le site de la SIM puis Grupo Antolin Ndr), pour faire des linceuls afin d'enterrer les Tabors morts au combats. Il disait aussi la messe les matins chez nous.
Nous avons hébergé aussi un général de l'armée française avec son intendance.
Dans notre hangar ont été abritées des pièces de la DCA. Cinq chars français ont stationné à côté de chez nous. Je me souviens il y avait un nommé Chabanette, dont le frère jumeau avait été coincé entre deux cars et en était décédé. Il nous avait fait visiter son char.
Nous avons vu passer également un nommé Salahain qui était venu à pied de Gérardmer avec les soldats qu'il commandait. Il a mangé et dormi chez nous. Son ordonnance qui était un musulman, n'a pas voulu manger les beignets de maman, pensant que c'était du porc.
Rupt a été libéré bien avant le dessus de la vallée. Le front s'est stabilisé deux mois vers Ramonchamp.
Des gens des villages encore occupés ont passé les lignes et sont venus se réfugier plus bas dans la vallée. Devant chez nous il y avait une toute petite maison, le château, comme on disait. Des gens du Ménil où ils tenaient un petit magasin, nommés Faddi, sont restés là quelque temps.
Aujourd'hui, il m'arrive de penser encore quelquefois à ces années-là et aux pauvres Tabors. Ce sont quand même eux qui nous ont libérés!
yves philippe- MODERATEUR
- Nombre de messages : 2134
Ville : le Ménil
Age : 60
Points : 2755
Date d'inscription : 28/12/2010
yves philippe- MODERATEUR
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